Etats-Unis-Zone euro : vers une réduction du grand écart ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Depuis le début de l’été, l’optimisme est revenu sur les marchés financiers. L’aversion pour le risque a fortement baissé. Les marchés actions ont, en particulier, bien performé (+14% sur le CAC, 9% sur le S&P500). Ce regain de confiance s’explique par les décisions des banques centrales américaine et européenne et la mise en place du Mécanisme Européen de Stabilité rassurant les investisseurs sur la viabilité de l’euro. Pour autant, si l’optimisme peut se comprendre concernant l’économie américaine, il est plus difficile de réconcilier les évolutions des marchés avec la réalité économique en Europe, même si la récession européenne était probablement déjà intégrée par les marchés.

En effet, les nouvelles macroéconomiques en provenance des Etats-Unis ont été plutôt favorables au cours des dernières semaines. En particulier, les statistiques sur le marché immobilier ont été globalement positives suggérant que l’ajustement est bientôt arrivé à son terme. La construction résidentielle repart, les mises en chantier progressent tendanciellement même si elles restent à un niveau bien inférieur au besoin théorique (872 milliers d’unités annualisées en septembre contre un niveau théorique d’environ 1,5 million). Par ailleurs, les prix immobiliers sont également revenus sur une tendance haussière. Enfin, les stocks de maisons ont sensiblement baissé suggérant que l’absorption de l’excès d’offre est bien avancée. La confiance des consommateurs s’améliore et les ventes au détail ont sensiblement progressé en septembre. Du côté des entreprises, les perspectives sont en hausse. Enfin, le marché du travail, même s’il reste structurellement déprimé, a montré des signes d’embellie récemment avec des créations d’emplois de 145K en moyenne sur les trois derniers mois et un taux de chômage passant sous 8%. L’activité économique ne semble donc pas avoir été perturbée par l’incertitude liée à la période électorale.

De ce côté de l’Atlantique en revanche, les statistiques ont continué d’être très décevantes, suggérant que l’économie de la zone euro s’enfonce dans la récession : les indicateurs avancés PMI restent bien en deçà de la limite de 50 (45 en octobre), l’indice IFO allemand a enregistré une nouvelle baisse ; la consommation et l’investissement ont reculé dans la plupart des pays ; les marchés du travail restent déprimés avec un taux de chômage de 11,4% en zone euro.

Au total, comme prévu en début d’année, l’écart de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro aura été très important en 2012. L’économie américaine devrait avoir progressé d’environ 2% cette année en moyenne alors que le PIB de la zone euro est attendu en recul d‘environ 0,5%.

Si des facteurs structurels (productivité, coût de l’énergie,…) sont à l’origine des différences de production potentielle des deux zones, l’écart dans les dynamiques de croissance en 2012 s’explique en grande partie par la crise de la dette souveraine qui affecte l’activité de la zone euro via différents canaux. Le plus important est probablement la forte réduction du déficit public dans les pays périphériques qui pèse sur la croissance. On peut également mentionner la forte incertitude qui incite les agents économiques à l’attentisme. Enfin malgré une politique monétaire très accommodante, tous les pays de la zone euro ne bénéficient pas d’un environnement de taux bas. Ainsi, le policy-mix1 global apparaît plus expansionniste aux Etats-Unis que dans la zone euro.

L’écart de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro devrait quelque peu se réduire en 2013. Si la croissance de la zone euro ne devrait guère montrer d’amélioration, le PIB reculant d’environ 0,4% en moyenne avec la poursuite du désendettement privé et public, l’économie américaine devrait s’affaiblir. L’ampleur du ralentissement dépendra grandement des décisions en termes de politique budgétaire. En effet, les Etats-Unis vont être confrontés début 2013 à la falaise fiscale (fiscal cliff) : en l’absence de décision du Congrès, environ 600Md$ (soit 4pts de PIB) de hausses d’impôts et de baisses de dépenses vont automatiquement avoir lieu (extinction des baisses d’impôts de Bush, coupes automatiques de dépenses, extinction des allocations chômage et de la baisse de la payroll tax,…)2. Si les démocrates comme les républicains souhaitent éviter ce choc, qui ne manquerait pas de mener l’économie en récession, les prises de décision pourraient s’avérer compliquées dans les mois qui viennent si le Congrès reste divisé à l’issue des élections.

Nous anticipons un impact du « fiscal cliff » de l’ordre de 1,5pt de PIB. La croissance américaine ne devrait pas dépasser 1,5% l’année prochaine en moyenne mais elle restera cependant sensiblement plus forte que celle de la zone euro.

NOTES

  1. Combinaison des politiques budgétaire et monétaire
  2. Cf. Flash n°2012- 563 « Elections américaines 2012 : Obama, Romney et la falaise budgétaire »

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