S’engager c’est rassurer

par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas

Récemment, les bonnes nouvelles se sont multipliées aux Etats- Unis. En revanche, dans la zone euro, les données ne sont pas particulièrement encourageantes. En particulier, les enquêtes publiées cette semaine ont constitué une douche froide. Le PMI pour le secteur manufacturier, qui avait rebondi de 1,5 point en septembre, en a reperdu 1,1 en octobre. En Allemagne, l’indice IFO du climat des affaires a reculé pour le sixième mois consécutif, pour s’établir, en octobre, sous sa moyenne de long terme. En France, l’indicateur synthétique du climat des affaires de l’INSEE est au plus bas depuis trois ans et la détérioration particulièrement marquée dans l’industrie.

De son côté, le secteur manufacturier américain semble, lui, rebondir. L’indice ISM ne sera resté que trois mois sous la barre des 50, avec un point bas limité de 49,6. Dès septembre, l’indice rebondissait à 51,5, avec une reprise particulièrement marquée des nouvelles commandes. Depuis, aussi bien les enquêtes régionales des Feds de New York et Philadelphie, que le PMI Flash publié par Markit, annoncent que la confiance a continué de se consolider en octobre.

Les perspectives pour la demande intérieure restent sombres dans la zone euro, du fait de la synchronisation de l’austérité budgétaire. Seule l’Allemagne rassure.

La France se doit de respecter ses objectifs budgétaires, dans un contexte de hausse du chômage : le revenu disponible des ménages va donc subir une pression, avec moins d’emplois, un freinage marqué de la progression des salaires et une augmentation des impôts. Les toutes dernières données disponibles semblent indiquer que, si la France a jusqu’ici évité une contraction de l’activité, la fin de l’état de grâce approche, bien que les Français pourraient aussi décider d’utiliser une partie de leur épargne pour maintenir leur consommation. En Allemagne, le taux de chômage est au plus bas et pourrait, théoriquement, en soutenant confiance et revenu disponible, conduire à un rebond des dépenses des ménages. De plus, le pouvoir d’achat sera soutenu par des mesures fiscales, qui, si elles ne sont pas très importantes, vont du moins dans le bon sens.

Mais l’espoir est permis. Les décisions prises par la BCE à la fin de l’été ont conduit à une détente des taux en Espagne et en Italie. Entre le début du mois d’août et la fin du mois d’octobre, les rendements des obligations souveraines à 10 ans ont reculé de 142 points de base en Espagne et de 165 pb en Italie. Si on considère le différentiel de rendement par rapport au Bund allemand de l’ensemble des pays d’Europe du Sud, la BCE a réussi une détente de 280pb. Cet assouplissement des conditions financières devrait permettre de lever en partie la pression qui pèse sur l’investissement des entreprises et le revenu disponible des ménages. Mais la politique monétaire n’est pas la panacée, comme aime à le répéter le Président de la Fed. En l’occurrence, pour que la détente des taux se poursuive durablement, il est nécessaire que le gouvernement espagnol fasse appel à l’aide européenne, une décision attendue d’ici à la fin de l’année. Dès lors, la BCE pourra intervenir sur le marché secondaire des Bonos, ouvrant la voie à un retour des investisseurs privés étrangers qui, contagion oblige, pourrait aussi bénéficier à l’Italie.

Il s’agira tout de même pour la BCE de ne pas sur-réagir à une inflation déviant légèrement de la cible. Le prix des matières premières et l’augmentation de la fiscalité indirecte sont les raisons d’une inflation qui tarde à ralentir dans la zone euro. Les fameux effets de second rang, qui voient les ménages demander des augmentations de salaire pour compenser des dépenses énergétiques accrues, et les entreprises répercuter la hausse de leurs coûts de production sur leurs prix de vente, n’ont aucune chance d’apparaître. Le taux de chômage élevé limite les marges de négociations des salariés. La faiblesse de la demande limite la capacité des entreprises à accroître les prix de détail. Une nouvelle baisse du taux refi de la BCE aurait sans doute un effet marginal, compte tenu de son niveau déjà historiquement bas (0,75%). Marginal mais pas nul. De plus, une telle décision pourrait avoir des effets bénéfiques persistants, en finissant d’affirmer la volonté de la BCE de combattre le risque de déflation par la dette. Un engagement qui a porté ses fruits aux Etats-Unis.

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