Retour aux fondamentaux

par Marie-Pierre Peillon, Directrice de la Recherche de Groupama Asset Management

Etats-Unis : Regain d’incertitudes sur l’économie

Les statistiques les plus récentes continuent de mettre en évidence le contraste entre la poursuite du redressement dans le secteur de l’immobilier et une croissance atone dans l’industrie. De plus, la consommation des ménages semble avoir encore ralenti par rapport au deuxième trimestre et à en juger par le dernier rapport sur l’emploi, la croissance reste faible. Pour résumer, la croissance du PIB sera probablement encore très modérée au troisième trimestre et en dépit de quelques signaux positifs en provenance des enquêtes ISM de septembre, le contexte reste défavorable à la croissance d’ici la fin de l’année.

A un mois à peine des élections, la question du « mur fiscal » reste un véritable problème et il est difficile d’en prédire l’issue. L’ensemble de l’expiration des mesures de soutien fiscales mises en place depuis 2001 représenterait une augmentation de plus de 500 Md$ des prélèvements sur les particuliers en 2013, auquel il faut ajouter un paquet de plus de 100 Md$ de baisse des dépenses publiques.

L’application de la loi équivaudrait à un choc inédit de plus de 4% du PIB pour l’exercice budgétaire 2012-2013 que l’économie américaine n’a aucune chance de pouvoir absorber dans le contexte actuel d’extrême fragilité conjoncturelle. Il est probable que la nouvelle administration et le Congrès engageront des négociations pour aboutir à une solution la plus équilibrée possible, mais en attendant, le doute persiste et pèse sur une activité déjà molle.

Zone euro : Le diagnostic de récession se précise

Notre scénario d’une récession généralisée en zone euro est aujourd’hui partagé par un nombre croissant d’économistes. Les prévisions pour la France et l’Allemagne sont, en particulier, sensiblement révisées à la baisse, de 0,7 points pour chaque entre mai et octobre. Malgré un troisième trimestre moins mauvais que prévu, l’Allemagne semble bien sur la voie d’une récession. Des commandes étrangères en baisse de 5% en rythme annualisé ; l’investissement des entreprises s’est déjà sensiblement contracté au deuxième trimestre et il ne faut pas trop compter sur les consommateurs allemands qui anticipent déjà une dégradation sensible de la situation économique. Son voisin et partenaire, la France, semble aussi s’enliser dans la récession. Les enquêtes de conjoncture décrochent en septembre et l’unique moteur de la croissance, la consommation, cale. En effet cette dernière qui représente 56% du PIB ne progresse plus depuis plus d’un an ; plus important, la consommation dans les services (51% des dépenses totales) s’est contractée au deuxième trimestre et affiche une croissance zéro sur un an.

Dans ces conditions, en se matérialisant, la récession des pays du noyau dur de la zone euro rend la politique d’austérité de plus en plus caduque. Le durcissement notamment de la politique budgétaire en France requis pour tenter de parvenir aux 3% de déficit l’an prochain semble inaccessible. La perspective d’une récession en Allemagne permet d’envisager un assouplissement de la position de Mme Merkel à l’égard de la politique budgétaire de l’UEM.

Enfin, la nouvelle dégradation de S&P de la dette souveraine espagnole la semaine dernière a été plutôt bien supportée par les marchés financiers, toujours dans l’attente d’une demande d’aide du pays à la BCE.

Pays émergents : Toujours au creux du cycle, mais la conjoncture ne se détériore plus

La conjoncture des pays émergents reste affectée par l’anémie des flux de commerce international, ainsi que par des indicateurs de confiance négatifs. La conjoncture défavorable en Europe pèse sur le moral des entrepreneurs, particulièrement en Asie, où les chaînes de production destinées à satisfaire la demande finale des économies avancées souffrent de cette faible demande.

L’absence de plan de relance en Chine participe également au pessimisme ambiant.

Les annonces de dépenses en infrastructures (notamment dans le secteur ferroviaire) ne constituent en effet pas un effort de relance, car elles étaient déjà programmées dans le plan quinquennal et n’ont donc pas suffi à restaurer l’optimisme.

Cependant, la conjoncture des pays émergents semble avoir cessé de se dégrader. Premièrement, les effets du choc de contagion très brutal qui avait affecté les pays émergents en septembre 2011, au pire de la crise européenne, vont s’estomper.

Deuxièmement, malgré la hausse du cours des produits alimentaires et du pétrole, qui ont commencé à se répercuter sur l’inflation, en particulier en Europe de l’Est, les inquiétudes sur la conjoncture l’emportent, incitant les banques centrales des pays émergents (Brésil, Corée) à accentuer leur assouplissement monétaire. Celui-ci devrait commencer à se transmettre à l’activité, ce qui n’était pas le cas jusque là, en raison du délai nécessaire pour que cette transmission s’opère.