par Frédérique Cerisier et Caroline Newhouse, économistes chez BNP Paribas
Les équipes gouvernementales ayant permis de consolider la zone euro en 2012 seront-elles opérationnelles en 2013 ? Les marchés commencent à se poser la question. A cet égard, la tenue d’élections en Italie, mais aussi en Allemagne, sans oublier les soupçons de financement illicite qui affectent le gouvernement espagnol, accroissent les incertitudes.
Entré en campagne tardivement, Silvio Berlusconi n’a eu de cesse de dénoncer «l’austérité économique imposée par l’Allemagne à son pays ». Une stratégie populiste qui porte ses fruits. Le Peuple de la Liberté (PDL) remonte dans les sondages à deux semaines des élections générales du 24 février. Une victoire d’ Il Cavaliere reste à ce stade très peu probable, mais sa capacité à compliquer les perspectives de formation d’une coalition stable à l’issue des élections se renforce. En Espagne, le gouvernement de M. Rajoy est affaibli. L’opposition réclame sa démission, depuis la révélation par la presse de l’affaire « Barcenas », induisant des soupçons de financement occulte et de rémunérations illégales du Parti populaire (PP).
Les observateurs de la vie politique allemande ont une toute autre inquiétude à l’approche des élections générales. Ils ne redoutent pas un changement fondamental de cap économique dans l’hypothèse, peu probable, d’une victoire de l’opposition fédérale SPD / Verts, mais plutôt l’attentisme de la Chancellerie jusqu’au scrutin. Or, sans le soutien allemand, la construction européenne risque de faire du surplace. En ce qui concerne le sujet de l’Union bancaire, que Berlin ne souhaite plus aborder d’ici aux élections générales, le président de l’IFO, Werner Sinn, s’est fait le porte-étendard des pourfendeurs du projet mettant l’accent sur les risques pesant sur le contribuable allemand. En outre, la tentation d’un axe avec le Royaume-Uni est forte. Dans le journal Die Zeit ,Tony Blair a récemment expliqué que les deux pays partageaient une vision commune sur l’Europe, reposant notamment sur le renforcement des prérogatives des parlements nationaux et une plus grande transparence des mécanismes institutionnels européens. Il aurait pu ajouter que les deux Etats partagent également la volonté de limiter très strictement le budget de l’Union européenne.
Autant de sujets de divergences au sein du couple franco-allemand et d’enrayement du moteur européen. Réunis en Conseil européen à Bruxelles pour la première fois de 2013, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE sont encore, à l’heure où nous écrivons ces lignes, en train de finaliser les détails d’un accord sur le budget pluriannuel (2014-2020) de l’Union européenne. D’âpres négociations auront été nécessaires pour trouver un compromis. Ce dernier repose en outre sur une subtile distinction entre crédits d’engagement (autorisations de financement) et crédits de paiement (effectivement décaissés). Reste à savoir si le Parlement européen acceptera la manœuvre.
L’euro fort, faux débat ?
Les opinions divergent aussi au sujet de l’euro. L’un des principaux messages de l’intervention de François Hollande devant le Parlement européen en début de semaine a ainsi porté sur la nécessité pour l’UEM de se doter d’une politique de change («sans cela, les efforts de compétitivité seront annihilés par la valorisation de l’euro»).
Une revendication qui ne reçoit pas l’assentiment de l’Allemagne et qui a peu de chances d’aboutir dans le contexte actuel. Début 2013, la valeur externe de l’euro paraît loin de la zone critique atteinte mi-2008 (cf. Focus 1). En outre, Angela Merkel ne devrait pas rater l’occasion, au cours des prochaines semaines, de rappeler qu’une économie compétitive s’accommode mieux que les autres de la vigueur d’une monnaie. Ou encore que la maîtrise des prélèvements fiscaux et sociaux permet aux entreprises d’investir en R&D, de produire des biens de plus haut gamme, moins sensibles aux variations du taux de change.
Interrogé à l’issue de la réunion mensuelle du Conseil des gouverneurs de la BCE, Mario Draghi a, pour sa part, rappelé que le taux de change ne constituait pas un objectif de politique monétaire mais que son évolution était importante pour la croissance et la stabilité des prix. Il a ajouté que la Banque réactualisera ses projections de croissance et d’inflation le mois prochain, et souligné que la poursuite de l’appréciation de l’euro pourrait modifier son évaluation des risques pesant sur la stabilité des prix. Suite à ces déclarations, l’euro s’est replié sous 1,34 en fin de semaine.