par Philippe Vilas Boas, économiste au Crédit Agricole
• Les ménages affichent leur confiance en ce début d’année 2013. La poursuite du désendettement depuis la crise commence à porter ses fruits et laisse entrevoir un horizon plus clément.
• L’effet « richesse » généré par le rétablissement du marché immobilier devrait libérer davantage de ressources, destinées à la consommation. C’est un vrai coup de pouce, mais l’enjeu reste celui de l’emploi pour continuer à soutenir une dynamique de croissance autonome des dépenses.
• Le taux de chômage peine à baisser, preuve que le rythme de croissance n’est pas suffisant, ce qui renforce le sentiment de vulnérabilité de l’économie face aux chocs. Dans ce contexte, la politique monétaire devrait se montrer bienveillante pour à la fois accompagner et soutenir le processus de reprise, à des fins de consolidation. Surtout que la question budgétaire n’est pas réglée et hypothèque la croissance future si les mesures d’ajustement ne sont pas correctement calibrées.
Les ménages plus optimistes sur leurs perspectives
Résolutions de début d’année, éclaircie post-élection présidentielle, ou réel changement de situation économique, les ménages américains espèrent renouer à nouveau avec la prospérité en 2013.
C’est ce que souligne l’indice de confiance des consommateurs du « Conference Board », qui a bondi de 58,4 à 69,9 en février. Cette embellie survient néanmoins après une chute de 13 points sur les deux derniers mois.
Si l’indice est en dessous de son niveau le plus élevé depuis un an (73,1 en octobre), il se maintient cependant bien au-dessus de sa moyenne annuelle située à 67,1.
La tendance est là, et est confirmée par l’indice de confiance de l’Université du Michigan, également en net redressement, en ce début d’année.
Une situation financière en cours d’assainissement
Nécessité oblige, les ménages se sont désendettés depuis la crise, et le processus se poursuit. Ainsi, alors que le ratio d’endettement des ménages (dette totale des ménages) sur PIB a culminé à 97% fin 2008, il ne représente plus aujourd’hui que 81%, soit un niveau équivalent à celui observé avant crise, en 2003.
Parallèlement, la solvabilité des ménages s’est nettement améliorée. Deux éléments viennent appuyer cette évolution.
Tout d’abord, le taux d’impayés sur les emprunts hypothécaires (notamment les subprimes) est passé de 25% à 19% entre 2009 et 2012.
D’autre part, le taux d’impayés sur les crédits à la consommation diminue de moitié, pour atteindre un niveau très faible à 2,7% fin 2012 (le minimum hist6o0rique étant de 2,69% en 2005).
Cette tendance encourageante, souligne un desserrement de l’étau financier qui pesait sur les foyers américains et devrait stimuler davantage la consommation de demain.
L’immobilier dynamise l’effet « richesse » des ménages
L’indice Case-Shiller des prix immobiliers a progressé de 6,9% en glissement annuel, en décembre dernier. Les permis de construire et mises en chantier sont en plein boom, avec une croissance au-delà des 30% en glissement annuel, ce qui marque un tournant dans le processus de guérison du secteur, qui a su purger les excès du passé.
Le rétablissement du marché immobilier induit des effets de richesse, lesquels agissent positivement sur la situation financière des ménages (et sans doute sur leur confiance). La hausse des prix a permis de dynamiser les dépenses de consommation, et d’assouplir les conditions d’octroi de prêts (les biens immobiliers servant de gage).
Une consommation toujours dépendante des revenus
Parallèlement à la reprise immobilière, les revenus provenant de leurs actifs financiers (dividendes et revenus d’intérêts de placements) ont progressé en moyenne de 3,8% sur l’année 2012, alors que les revenus du travail (salaires et autres rémunérations) n’ont évolué que de 3,2% en moyenne.
Le revenu disponible, après impôts et taxes, s’est apprécié tout au long de l’année 2012, laissant ainsi la place à davantage de ressources potentielles à consommer.
Les perspectives de hausse de la pression fiscale en 2013, ont conduit à des versements de dividendes et intérêts en décembre. Cette liquidité a été épargnée (motif de précaution), une tendance renforcée par la baisse enregistrée de la consommation en fin d’année. Autrement dit, les ménages, dans l’expectative, ont préféré se constituer un matelas de sécurité en rognant en partie sur leurs dépenses.
La hausse des contributions versées au titre de la sécurité sociale, devrait en effet venir réduire en 2013 le revenu disponible des ménages, qui pourrait alors puiser un peu dans cette épargne récemment accumulée (6,5% en décembre), pour maintenir leur niveau de consommation.
Côté consommation, les ventes de détail ont ralenti en 2012, avec une progression moyenne de 4,4% sur l’année contre 7,4% en 2011.
La production industrielle ralentit mais reste stable
Du côté de la production, les indicateurs de production manufacturière, ISM et PMI se sont montrés stables sur l’année écoulée avec un léger mieux dans la seconde moitié de l’année.
Ainsi, l’indice de production manufacturière ISM, dépasse le seuil d’expansion avec 53,1 en janvier, niveau supérieur à sa moyenne annuelle : 51,6.
Les perspectives en matière de production industrielle restent en dessous de leur niveau avant crise, mais demeurent stables. Elles sont avant tout, le reflet d’une économie en demi-teinte, avec d’une part, un redressement des fondamentaux (consommation et investissement), et d’autre part, des déséquilibres encore à corriger, et notamment celui du chômage.
Un taux de chômage qui peine à baisser
En dépit des 2,2 millions d’emplois créés sur l’année 2012 (en moyenne 200 000 par mois), le taux de chômage persiste à 7,9% en janvier.
Au regard des indicateurs du «Conference Board », le différentiel entre le pourcentage de personnes, estimant que les emplois sont plus abondants, et le pourcentage de personnes estimant les emplois comme étant plus rares, suggère une amélioration du marché de l’emploi, en accord avec la tendance baissière du taux du chômage.
A ce rythme, les dernières estimations laissent penser que le taux de chômage passerait sous la barre des 6,5% (cible explicite de la Fed dans la gestion de sa politique monétaire) en 2014.
Quoiqu’il en soit, avec un taux de chômage encore élevé, les salaires ne montent guère, ce qui s’en ressent sur la consommation qui n’a pas retrouvé ses rythmes d’avant crise. Surtout que le crédit est plus rare et plus cher.
Conclusion : En attente d’une croissance plus affirmée
Les ménages se veulent confiants ; le prix des actifs, notamment immobiliers, remonte, ce qui leur permet de reconstituer leur patrimoine, et le chômage reflue tendanciellement. Mais, tout ceci paraît encore fragile, avec des marchés financiers toujours volatils, et des créations d’emplois encore insuffisantes pour alimenter une dynamique autonome de croissance, sans compter l’hypothèque budgétaire qui risque de faire vaciller l’activité en cas d’ajustement trop brutal.