Les valeurs bancaires sont en phase de convalescence

par Guy de Blonay, gérant adjoint du fonds JGF Global Financials chez Jupiter Asset Management

De nombreuses banques ont entrepris, ou terminé, leur restructuration, mais restent sous-évaluées. Avant d’aller chercher des opportunités sur les marchés émergents, les investisseurs devraient profiter des opportunités offertes par ce secteur sur les marchés développés.

Les valeurs bancaires deviennent ennuyeuses, et les marchés commencent enfin à les trouver attrayantes. L’indice MSCI World Financials a pris plus de 16% sur les 12 derniers mois1, contre une progression inférieure à 10% pour l’indice MSCI World2. Il y a deux raisons à cette surperformance : tout d’abord, les banques internationales commencent à réallouer leurs ressources plus efficacement et se recentrent sur leur cœur de métier.

En second lieu, on commence à voir les signaux provisoires d’une reprise de la croissance mondiale. Bien que cette dernière soit encore incertaine, les signaux, sont, eux, bien réels. En conséquence, toute croissance économique supplémentaire serait simplement un bonus à l’amélioration déjà visible dans le secteur financier.

Beaucoup d’investisseurs sont déjà sensibles aux développements positifs sur les financières des marchés émergents ; cependant, selon nous, nombre d’entre eux n’ont pas encore saisi toutes les opportunités sur les marchés développés. Les grandes banques comme UBS, Barclays, et Citigroup s’éloignent de la sphère complexe des grosses opérations de M&A et du trading pour compte propre, pour se recentrer sur des activités ayant des bases plus solides : le corporate banking et la gestion de fortune.

Ces mouvements reflètent un changement de culture. Depuis la crise de 2008, presque toutes les grandes banques ont vu des changements au sein de leur direction. Michael Corbat, le nouveau CEO de Citigroup, a, par exemple, renversé les priorités annoncées par Vikram Pandit, l’ancien CEO, en annonçant récemment d’importantes réductions de coûts, et en visant la rentabilité plutôt que la croissance. Le cours de bourse de la banque a presque doublé entre avril 2012 et janvier 2013, mais il se négocie encore largement en dessous de la valeur comptable (la valeur des actifs corporels inscrits à son bilan). Nous pensons que Citigroup pourrait finir par ressembler à HSBC, qui a terminé sa profonde restructuration, et dont le cours se négocie très au-dessus de sa valeur comptable.

Swedbank, qui a été restructurée plus récemment qu’HSBC, illustre bien les effets qu’on peut attendre d’une telle transformation. Ayant déjà rempli les exigences légales concernant la détention de fonds propres (Bâle III), Swedbank a récemment annoncé qu’elle allait adopter une politique permanente consistant à reverser tous les ans 75% de ses bénéfices après impôts à ses investisseurs.3 Les actions Swedbank, comme celles d’HSBC mais contrairement à la majorité des autres valeurs bancaires, se traitent maintenant au dessus de la valeur comptable de la banque.

Avec tant d’établissements se retirant des activités traditionnelles de banque d’investissement, celles qui restent sur ce créneau ont plus de chance de s’en sortir avec succès. Les marges bénéficiaires avant impôts de l’activité de courtage de Morgan Stanley ont grimpé de 7% à fin 2011 à 17% à fin 20124. D’autres enseignements ont également été tirés ; le directeur général de Morgan Stanley, James Gorman, a été un des plus farouches partisans de la réduction des bonus des banquiers et a récemment vue une baisse de son propre salaire.

De la même manière, UBS a revu sa politique de rémunération. La banque a dernièrement annoncé que ses équipes les mieux payées recevraient dorénavant des bonus différés sous la forme d’obligations susceptibles d’être dépréciées si les niveaux d’adéquation du capital n’étaient pas respectés ; les intérêts des équipes seront donc davantage alignés avec ceux des créanciers et des investisseurs. De plus, la banque suisse a annoncé ses intentions de se recentrer sur la gestion de fortune et de garantir moins de « méga deals ». Cela devrait réduire ses actifs pondérés en fonction des risques et lui permettre de rationaliser ses effectifs dans les trois ans à venir. Même si UBS a subit des pertes au dernier trimestre 2012, celles-ci sont à attribuer à une provision exceptionnelle pour litige et action réglementaire. Plus important que cela, UBS est en passe de remplir ses exigences de fonds propres (Bâle III), bien avant la date butoir de 2019, et devrait augmenter ses dividendes.

A l’heure actuelle, ces valeurs bancaires s’échangent à des niveaux qui semblent correspondre davantage à leurs situations antérieures, bien plus risquées qu’à leur état présent. Ces valorisations ne reflètent pas le fait que beaucoup de grandes banques américaines ont été recapitalisées et ont subi des stress-test rigoureux. Même en Europe, beaucoup de banques ont saisi l’opportunité d’effectuer des remboursements anticipés des prêts issus du programme de refinancement LTRO (Long Term Refinancing Operation) de la BCE.

Les banques se donnent les moyens de réussir en se rapprochant du modèle d’entreprises de bien public; elles implémentent des business models stables et se reconcentrent sur leurs activités habituelles. Une fois qu’elles auront atteint les niveaux de fonds propres requis, elles devraient être en mesure d’augmenter les dividendes, ce qui pourrait potentiellement conduire à leur revalorisation grâce à une demande accrue venant des investisseurs en valeurs à haut rendement.

Avec 6 ans devant elles pour remplir progressivement les exigences de Bâle III, les banques ont le temps de se rétablir et nous pensons qu’elles pourraient faire des progrès significatifs sur le moyen/long terme. Comme tout séjour à l’hôpital, la période de récupération sera ennuyeuse, mais le résultat pour le patient devrait être un retour à la santé.

NOTES

  1. http://www.bloomberg.com/quote/MXWO0FN:IND. Toutes les références suivantes aux niveaux des indices proviennent aussi de Bloomberg.
  2. http://www.bloomberg.com/quote/MXWO:IND
  3. http://www.swedbank.com/investor-relations/financial-information-and-publications/financial– targets/index.htm
  4. http://www.bloomberg.com/news/2013-01-18/morgan-stanley-beats-estimates-on-increase-in-brokerage– revenue.html et le Morgan Stanley Report par Mike Mayo de CLSA, daté du 18 janvier 2013