par Ad van Tiggelen, Stratégiste Senior chez ING IM
Sur les marchés d’actions, « vendre en mai » est l’une des rares règles générales qui semble fonctionner. Entre 2010 et 2012, le marché américain des actions a ainsi progressé en moyenne de 8% au cours des quatre premiers mois de l’année, puis a concédé 7% durant l’été, pour ensuite rebondir de 8% durant les quatre derniers mois. Durant cette période, la faiblesse estivale a coïncidé avec un déclin de la croissance mondiale et des turbulences au sein de la zone euro. Alors que les données économiques se détériorent à nouveau depuis peu, nous devons dès lors nous demander s’il n’est pas temps de quitter les marchés pour des vacances prolongées avec un retour prévu en septembre uniquement.
Les développements de cette année affichent certainement une similitude inquiétante avec les années précédentes : après un solide début d’année, les actions sont en perte de vitesse en raison de la dégradation des données économiques et d’une ouverture de la saison de publication des bénéfices en mode mineur. Eu égard à ces deux facteurs, une sortie des marchés d’actions durant l’été semble une évidence. Si ni les données économiques ni les bénéfices ne surprennent à la hausse, qui pourrait en effet soutenir les cours des actions au cours des prochains mois? Les banques centrales? Ceci est improbable car elles ont déjà sauvé les investisseurs précédemment et semblent avoir annoncé clairement leur stratégie pour l’avenir proche, à l’exception peut-être de la BCE. Qui d’autre alors ?
Pour répondre à cette question, il faut d’abord prendre conscience qu’une comparaison des conditions financières actuelles avec celles de ces dernières années ne met pas seulement des similitudes en évidence, mais aussi de nettes différences :
- Alors que les trois étés précédents ont été caractérisés par de sévères problèmes au sein de la zone euro, la situation actuelle est probablement plus stable, avec un repli des rendements obligataires des pays périphériques et un léger assouplissement des objectifs pour les déficits budgétaires nationaux.
- L’économie américaine semble mieux se porter qu’à tout autre moment depuis le début de la crise du crédit étant donné que les prix immobiliers et l’emploi se redressent.
- Dans le monde développé, les attentes inflationnistes sont très modérées grâce notamment au recul des prix des matières premières et à la faible croissance salariale. Les années précédentes, les investisseurs redoutaient encore que les mesures de stimulation des banques centrales entraînent une hausse de l’inflation.
- Le Japon a récemment entamé un programme de stimulation sans précédent. Alors que la Banque du Japon achète massivement des obligations, créant de la sorte une pénurie artificielle, la quantité de capitaux mondiaux en quête de rendement croît.
- Les rendements des instruments à revenus fixes et des comptes d’épargne sont redescendus à leurs niveaux les plus faibles jamais enregistrés et pourraient encore se contracter compte tenu des pressions baissières s’exerçant sur l’inflation aux États-Unis et en Europe.
Dans ces circonstances, la quête désespérée de rendement incite les investisseurs à considérer les actions défensives offrant un rendement du dividende attrayant comme la seule alternative de placement. Ce développement est clairement visible au niveau des performances des différentes catégories d’actions : ce type d’actions a tiré le récent mouvement haussier, ce qui est un phénomène inhabituel. Compte tenu des caractéristiques rares que ces actions affichent, nous pensons qu’il est peu probable qu’elles subissent une correction significative au cours de l’été. Ceci laisse les valeurs cycliques et financières comme candidats potentiels à une correction. Néanmoins, contrairement aux années précédentes, de nombreuses valeurs cycliques n’ont pas participé au rebond et les valeurs liées aux matières premières semblent actuellement particulièrement bon marché, de sorte que des ventes massives sont peu probables. En ce qui concerne les financières, elles ne devraient vraisemblablement concéder beaucoup de terrain qu’en cas d’intensification de la crise de l’euro, ce qui ne semble pas très probable à court terme.
Bref, nous pensons que les marchés d’actions pourraient afficher une résistance honorable au cours de l’été, même en l’absence de surprises économiques positives ou de vastes mesures de stimulation des banques centrales. C’est l’absence d’alternatives qui devrait plus que toute autre chose soutenir les cours des actions.