BCE : nouvelle période de wait and see ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Après un conseil des gouverneurs sous haute tension en mai, avec la baisse du taux refi (à 0,50%) et l’annonce de la possibilité de nouvelles actions dans le futur aussi bien du côté conventionnel (une réduction supplémentaire du refi, voire du taux de dépôt) que du non conventionnel (éventuels achats de titres ABS), le Conseil du mois de juin aura été plus calme. Sans grande surprise, la Banque Centrale Européenne a maintenu ses taux refi et de dépôt inchangés et n’a pas fait de nouvelle annonce sur le front de la politique non conventionnelle.

Concernant l’actualisation de ses projections, elle a revu ses prévisions de croissance pour 2013 à la baisse (à -0,6% vs -0,5%) mais, étonnamment, elle a légèrement rehaussé sa projection pour 2014 (à 1,1% vs 1%). Ses prévisions d’inflation n’ont guère évolué montrant toujours l’anticipation de la poursuite de la désinflation. Si les anticipations de la BCE sont maintenant assez proches des nôtres pour 2013, il nous semble qu’il y a toujours de la marge pour une révision en baisse de la croissance pour 2014.

Le statu quo de la BCE n’est guère surprenant dans la mesure où les quelques nouvelles macroéconomiques récentes ont montré une légère amélioration (une moindre dégradation…) de la situation économique en zone euro avec notamment une hausse d’un certain nombre d’indicateurs avancés (PMI,…). Par ailleurs, après la forte baisse du mois d’avril, l’inflation a légèrement remonté en mai (de 1,2% en avril à 1,4% en mai). Il n’y avait donc pas d’urgence à agir dès maintenant même si certains développements sur les marchés financiers, notamment la remontée des taux longs dans la plupart des pays de la zone euro, se sont révélés négatifs.

La BCE se dit prête à agir mais on sent une certaine réticence à passer à l’acte, même si les décisions sur le front de la politique conventionnelle sont plus aisées à mettre en œuvre que celles sur le front du non conventionnel. La BCE s’est toujours montrée réservée à l’idée de diminuer davantage son taux refi mais c’est probablement la mesure la plus facile à prendre (à part un nouvel assouplissement des collatéraux qui pourrait être décidé en juillet).

Sur la question du taux de dépôt négatif, elle déclare qu’une baisse en territoire négatif est possible et que techniquement les systèmes sont prêts mais on sent également une certaine réticence. Pour notre part, il nous semble qu’une telle mesure serait contreproductive1, les effets potentiellement positifs (reprise du crédit, dégel du marché interbancaire,…) étant loin d’être certains alors que l’occurrence des effets négatifs (difficulté des fonds monétaires, remboursement des VLTRO, baisse de la liquidité excédentaire, dégradation des ratios LCR) est beaucoup plus vraisemblable. Si elle devait avoir lieu, ce serait sous la pression. Enfin, concernant la politique non conventionnelle, M. Draghi a remis en avant la possibilité d’acheter des ABS, tout en soulignant les difficultés de mises en œuvre (notamment la petite taille du marché), qui en éloigne la perspective.

Quels éléments pourraient faire agir la BCE rapidement ?

  • Une nouvelle dégradation sur le front des indicateurs économiques ce qui est possible mais à ce stade, nous voyons plutôt une stabilisation dans les mois qui viennent.
  • Un nouveau décrochage de l’inflation ou des anticipations d’inflation. Une forte baisse du prix des matières premières pourrait accentuer le mouvement de désinflation. Un passage sous 1% serait probablement mal vécu par la BCE, dans la mesure où le maintien de l’inflation sous mais proche de 2% est l’objectif de son mandat. Nous tablons plutôt sur une stabilisation de l’inflation dans les mois à venir.
  • De nouvelles tensions sur les taux liées à de mauvaises nouvelles dans les pays périphériques, accentuant la fragmentation des marchés de la zone euro.

Mais la BCE est également dépendante des actions des autres banques centrales qui ont des effets sur les marchés financiers de la zone euro. Un arrêt brutal des achats par la Fed conduisant à une remontée des taux longs américains aurait vraisemblablement des effets haussiers sur les taux longs des dettes européennes et pourrait conduire la BCE à assouplir davantage sa politique monétaire mais cela ne nous semble guère probable. En l’absence de survenue de l’un de ces facteurs à court terme, l’attitude de « wait and see » de la BCE pourrait se prolonger cet été.

NOTES

  1. Voir SR n°2013-092 « BCE : assouplissement monétaire via un taux de dépôt négatif ? »

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