par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas
C’est officiel depuis la semaine dernière. La France ne fait plus partie du club très fermé des pays notés triple A par au moins une des trois grandes agences de notation. Fitch était la dernière d’entre elles à avoir maintenu jusqu’à présent les trois A pour la France. Vendredi dernier, elle a, toutefois, emboité le pas de ses consœurs, S&P et Moody’s, qui l’avaient dégradée en janvier et en novembre 2012, respectivement.
L’agence justifie sa décision d’abaisser la note française à AA+ par les incertitudes persistantes à court et moyen terme pesant sur l’évolution de l’activité et du chômage, lesquelles limitent les marges de manœuvre du gouvernement pour absorber de nouveaux chocs et respecter ses objectifs de réduction du déficit public. Pour l’heure, l’amélioration des enquêtes, qui demeurent encore en zone de contraction de l’activité, suggère un moindre recul du PIB au T2 comparé au T1. Au deuxième semestre, nous anticipons un lent redémarrage de la production. Ce dernier n’entraînerait une reprise de l’emploi qu’avec retard. Le redressement des marges bénéficiaires des entreprises passe, en effet, par la progression des gains de productivité. En conséquence, le taux de chômage devrait continuer de monter au moins jusqu’au milieu de l’année prochaine pour atteindre 12%, un nouveau record historique. Dans ces conditions et malgré le tour de vis déjà engagé de près de 2 points de PIB, le déficit public devrait être légèrement supérieur à 4% du PIB cette année, dépassant l’objectif officiel du gouvernement. Moins sévère que Moody’s ou S&P’s qui, l’une comme l’autre, ont assorti la baisse de leur note d’une perspective négative (ce qui laisse présager une nouvelle baisse à un horizon de deux ans), Fitch a remonté sa perspective de négative à stable.
Pierre Moscovici, le ministre français des Finances, a « pris acte » de cette décision et réaffirmé « la détermination du gouvernement à poursuivre la réduction des déficits publics, le rétablissement de la compétitivité et le redressement de l’économie française pour soutenir la croissance et l’emploi». Il est vrai que la France continue d’emprunter à des taux historiquement bas sur les marchés financiers, et ces derniers sont restés quasiment insensibles à la nouvelle, qu’ils avaient largement anticipée.
Dans la zone euro, désormais seuls l’Allemagne, la Finlande, le Luxembourg et les Pays-Bas disposent encore de la meilleure note des agences. Mais là encore, il faut relativiser : l'Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas, sous surveillance négative, sont sous la menace d'une dégradation par Moody's depuis juillet 2012. Entre- temps, l’agence a confirmé la notation de l’Allemagne, tout comme Standard & Poor’s en fin de semaine dernière. Selon S&P’s, l’Etat fédéral a fait la preuve de sa capacité à absorber les chocs, économique et financier. Il est à même de supporter un endettement supérieur à beaucoup d’autres pays, «au vu de sa structure économique diversifiée et résistante et de son accès à un financement à bas coût sur les marchés de capitaux».
Madame Merkel peut donc se réjouir, alors même qu’elle vient de fêter ses soixante printemps, mercredi. ses chances de réélection à la tête de la chancellerie sont élevées. Le dernier sondage commandé par l’hebdomadaire Bild Am Sonntag, en date du 14 juillet, donne 41% des intentions de vote à la CDU / CSU (46% avec les voix du FDP) contre seulement 26% pour le SPD (38% avec les Verts). A l’approche des élections générales, la CDU / CSU peut même se permettre d’annoncer un plan de relance dont le coût est estimé à environ EUR 30 mds (pour plus de détails voir l’EcoWeek du 28 juin, la semaine dans la zone euro : « Allemagne, à la pêche aux électeurs»), sans pour autant mettre en péril l’équilibre budgétaire.
En effet, l’accélération escomptée de la demande interne devrait avoir un effet positif sur les recettes fiscales et permettre ainsi de respecter l’objectif d’équilibre budgétaire, sans qu’un effort supplémentaire ne soit nécessaire. Angela Merkel promet ainsi de ne recourir à aucune hausse d’impôts. Les pays membres de la zone euro en récession ne peuvent que se réjouir de ce changement d’orientation de la politique économique allemande. D’une part, il vient à point nommé pour soutenir la demande des ménages allemands qui bénéficient, depuis 2009 d’une progression des salaires réels supérieure à celle de la productivité du travail. D’autre part, il contribue au redressement de la compétitivité de la zone euro, hors Allemagne.
A cet égard, les données du commerce extérieur de la zone euro pour mai sont positives. La zone euro a enregistré un excédent de EUR15,2 mds avec le reste du monde après 14,1 le mois précédent. Les données nationales détaillées ne seront pas disponibles avant le mois prochain. Pour l’heure, nous savons, toutefois, que l’excédent allemand a enregistré en mai sa plus forte baisse mensuelle depuis janvier 2010 (EUR -3,4 mds). Un rééquilibrage des comptes extérieurs au sein de la zone euro pourrait ainsi être en cours.