Royaume-Uni : la reprise actuelle est-elle différente ?

par Slavena Nazarova, économiste au Crédit Agricole

• La demande intérieure, et en particulier la consommation des ménages, est historiquement le principal moteur des reprises économiques au Royaume-Uni. Le solde extérieur ne contribue de manière significative qu’après des dépréciations du taux de change. La reprise après la crise financière de 2008, tirée dans une grande mesure par la consommation des ménages, n’échappe pas à la règle.

• Le rebond du marché immobilier au cours de l’année dernière n’a, pour le moment, pas d’effet direct visible sur la consommation des ménages. Les achats par les ménages de biens durables et de services au logement ne représentent qu’une petite partie du PIB. L’investissement immobilier a contribué pour près d’un dixième de la croissance de l’année dernière.

• La réduction de l’incertitude en provenance de la zone euro et l’assouplissement des conditions de crédit ont permis une accélération du rythme de croissance depuis le second semestre 2012. La mise en œuvre d’un certain nombre d’initiatives par la Banque d’Angleterre (dont notamment le Funding for Lending Scheme – plan de financement pour le crédit) a contribué au net assouplissement des conditions de refinancement des banques britanniques, et à l’amélioration des conditions de crédit au secteur privé.

• A l’avenir, le désendettement privé et public continuera de peser sur la demande intérieure, tandis que la reprise dans la zone euro devrait rester atone. Toutefois, les conditions semblent progressivement se mettre en place pour que l’économie britannique surmonte ces obstacles et poursuive son élan dans les trimestres à venir.

L’économie britannique enregistre jusqu’à maintenant quatre années consécutives de croissance positive depuis le creux de mi-2009. Cependant, le rythme de cette reprise a été peu soutenu dans les premières années suivant la crise financière (1 % par an en moyenne sur 2010– 2012), pénalisé par le processus de désendettement dans les secteurs public et privé et obéré par l’escalade de la crise de la dette dans la zone euro. Si la récession a été très sévère en termes historiques (son ampleur est comparable à la récession des années 1930), la reprise est bien plus lente, avec pour conséquence que le PIB est encore inférieur de -1,4 % à son pic d’avant la récession (au 1er trimestre 2008).

La performance du Royaume-Uni, comparée à celle d’autres pays développés, est loin d’être spectaculaire. Elle a même été légèrement plus faible que celle de la zone euro dans les premières années de la reprise. Le point d’inflexion se situe à la mi-2012. On observe à ce moment-là un découplage du Royaume-Uni de la zone euro, avec une croissance plus rapide s’inscrivant en moyenne à 0,6 % en glissement trimestriel.

La croissance du PIB britannique a nettement accéléré en 2013. Ce revirement est l’une des surprises économiques les plus notables de l’année dernière. Au début de l’année, des craintes que l’économie ne retombe en récession étaient très répandues. En réalité, le PIB a affiché une croissance positive tous les trimestres de l’année dernière et a atteint 1,8% sur l’ensemble de l’année, soit une performance nettement supérieure aux attentes. Que s’est-il passé depuis la mi-2012 qui puisse expliquer le rebond de l’économie du Royaume-Uni ? Quels sont les principaux moteurs de cette reprise et que donnent les comparaisons avec les reprises passées ?

Analyse des reprises précédentes

La reprise actuelle n’est pas très différente des reprises antérieures : elle est principalement tirée par la consommation des ménages. Toutefois, la décomposition du PIB est beaucoup moins équilibrée que dans les années 1980 et 1990. La formation brute de capital fixe, en particulier, est quasiment inexistante, alors qu’elle avait fortement contribué à la croissance dans les années 1980 et 1990.

La demande intérieure tend à être le principal moteur de la croissance au cours des périodes de reprise de l’économie britannique. La constitution de stocks joue un rôle majeur au début des reprises, en particulier dans les années 1980. Les entreprises ont tendance à déstocker pendant la récession, car les perspectives de demande sont faibles, mais elles tendent à reconstituer leurs stocks lorsque les perspectives s’éclaircissent. Dans les années 1980 et 1990, la croissance est devenue plus équilibrée dès la deuxième année de la reprise, la consommation des ménages en particulier contribuant pour une part importante à la croissance. La consommation des ménages était tirée, en particulier, par les dépenses en biens durables et par une baisse concomitante du taux d’épargne1. Les dépenses en biens durables ont aussi joué un rôle dans la reprise récente, mais elles ne représentent pas la part principale de la consommation des ménages.

L’investissement a été un autre facteur clé de croissance dans les années 1980 et 1990. Cela était dû dans une large mesure à l’investissement hors immobilier, la contribution de l’investissement immobilier étant relativement atone. A contrario, au cours de la reprise actuelle, l’investissement productif a été particulièrement lent à se redresser : il a fallu attendre le 1er trimestre 2013 pour voir les entreprises engager des dépenses en capital. L’investissement immobilier n’a commencé à reprendre qu’un tout petit peu plus tôt, au dernier trimestre 2012.

La faiblesse du solde extérieur net est une autre caractéristique des reprises britanniques et dépend fortement des fluctuations du taux de change. Comme le démontrent Hills et Thomas, le solde extérieur net ne contribue significativement à la reprise qu’après des dépréciations du taux de change2.

• Le solde extérieur net a pesé sur la croissance dans les années 1980: la livre sterling s’appréciait alors en réponse à une politique monétaire restrictive. Cette politique avait pour but de diminuer l’inflation et de ralentir la croissance de la masse monétaire.

• Les exportations nettes ont contribué négativement à la croissance au début de la reprise des années 1990. Toutefois, à partir de 1992, cette contribution est devenue positive ce qui a été possible en raison de la sortie du Royaume-Uni du Mécanisme de taux de change européen en 1992 qui a entrainé une baisse des taux courts et une dépréciation de la livre sterling.

• Lors de la reprise dans les années 1930, la contribution du solde extérieur à la croissance a été peu significative malgré une dépréciation de la livre sterling d’environ 20 %3. Le redressement limité du commerce mondial et les effets du protectionnisme des pays étrangers annulaient alors les avantages de la dépréciation de la livre sterling et la mise en place de tarifs douaniers à l’importation. La reprise des années 1930 a été essentiellement tirée par la demande intérieure, la consommation et l’investissement augmentant tous deux fortement. La croissance des investissements était due à un bond initial de la construction de logements suivi plus tard d’une progression de l’investissement et des dépenses publiques de réarmement dans la préparation à la Seconde Guerre mondiale.

La reprise permise par le recul de l’incertitude en zone euro et l’assouplissement des conditions de crédit

La reprise actuelle peut selon nous être scindée en deux périodes, le milieu de l’année 2012 constituant un tournant. Malgré une politique monétaire extrêmement accommodante, la croissance a été extrêmement faible au cours de la première période (0,2% t/t en moyenne par trimestre entre mi-2009 et mi-2012). L’intensification de la crise de la dette en zone euro a constitué un frein majeur à la croissance au cours de cette période, non seulement en raison des forts liens commerciaux entre le Royaume-Uni et la zone euro. Cette crise a entrainé une grande incertitude pour les entreprises et les consommateurs. Elle a provoqué un renchérissement des coûts de refinancement bancaires ce qui, à son tour, a entrainé une hausse des taux d’intérêt des prêts.

L’annonce en août 2012 par la BCE de son programme d’achats d’actifs Outright Monetary Transactions (OMT) a changé la donne : celui-ci a permis une nette diminution des primes de risque des rendements souverains de certains pays de la zone euro. Les coûts de refinancement bancaires ont nettement baissé après l’annonce de l’OMT et l’appétit pour le risque s’est amélioré. À cela s’est ajoutée la réaction d’autres banques centrales de pays développés (la Réserve Fédérale et la Banque du Japon) qui ont injecté un stimulus monétaire supplémentaire.

Au plan national, la Banque d’Angleterre a annoncé mi-2012 des mesures destinées à encourager l’octroi de prêts par les banques (activation de la Facilité étendue de prise en pension en contrepartie de collatéraux – Extended Collateral Term Repo Facility – en juin, lancement du Plan de financement pour le crédit – Funding for Lending Scheme – en juillet). En outre, le programme de rachats de titres a été augmenté en juillet de 50 milliards de livres sterling pour atteindre 375 milliards de livres sterling. Dans une certaine mesure, suite à ces initiatives spécifiques au Royaume-Uni, les coûts de refinancement des banques britanniques ont baissé davantage que dans d’autres pays européens.

La baisse des coûts de refinancement bancaires s’est traduite par un assouplissement des conditions de prêts à l’économie réelle. Les taux hypothécaires ont baissé significativement et une reprise du marché immobilier a été observée dès la fin de 2012. En effet, les prêteurs ont signalé une importante progression de l’offre de crédits hypothécaires au 3e trimestre 2012, ce qui était inattendu avant l’annonce du FLS. En outre, le programme Help to Buy Scheme, lancé par le gouvernement en mars 2013, semble avoir joué un rôle important dans l’augmentation de l’offre de prêts ayant un ratio loan-to-value supérieur à 75 %. Renforcée par l’intérêt manifesté pour le Help to Buy par les primo-accédants comme par les personnes changeant de domicile, la demande de crédits pour l’achat de maison a atteint, au 4e trimestre 2013, un niveau record depuis le début des séries en 2007.

L’efficacité du FLS sur les volumes est en revanche moins claire en raison des contraintes d’assainissement de bilan rencontrées par trois grandes banques (RBS, LBG et Santander UK). La croissance des volumes de crédit aux entreprises en particulier reste négative. Il a fallu attendre le 4e trimestre 2013 pour voir un léger assouplissement des conditions de crédit pour les petites entreprises (dû probablement à l’extension du FLS en avril 2013 au bénéfice des PME), alors que la demande de cette catégorie d’entreprises n’a pas encore décollé, mais devrait nettement progresser au 1er trimestre 2014.

Analyse des principaux moteurs de la reprise actuelle

– Rôle de la consommation privée : principalement grâce au regain de confiance

Lors des premières années de la reprise, la consommation privée a été bridée par un taux de chômage et l’inflation élevés, par le processus de désendettement et par la politique budgétaire restrictive. Néanmoins, c’est la consommation des ménages qui a contribué le plus à la croissance au cours des deux dernières années : nous pouvons lui attribuer environ 80% de la croissance du PIB en 2013. Cette vigueur récente de la consommation des ménages n’a pas été soutenue par une accélération de la croissance des salaires : le revenu réel disponible n’augmenta que de 0,7% a/a au T3-13. Le rebond de la consommation privée a été, en grande partie, le résultat d’une baisse du taux d’épargne, du redressement de la confiance des consommateurs et de l’amélioration des conditions de crédit.

• En premier lieu, le recul de l’incertitude a incité les ménages à réduire leur épargne de précaution. En effet, avec la détérioration des perspectives de revenus et d’emplois après la faillite de Lehman Brothers en 2008, les ménages ont augmenté leur épargne de précaution et entrepris une réduction progressive de leur endettement. Avec la dissipation de l’incertitude au cours de la seconde moitié de 2012, la confiance des consommateurs dans les perspectives économiques s’est redressée et le taux d’épargne diminua de nouveau (pour atteindre son niveau le plus bas après-crise à 3,6% au T1-13).

• Deuxièmement, le rétablissement durable de la confiance des consommateurs donna lieu à une croissance soutenue de leur consommation.

La confiance des consommateurs s’est fortement redressée l’année dernière, soutenue en outre par l’amélioration des conditions sur le marché du travail et des anticipations en hausse sur les revenus futurs. En effet, les enquêtes de confiance des consommateurs ont révélé que les anticipations de chômage ont fortement reculé depuis début 2012, tandis que les perspectives de leur situation financière se sont nettement redressées au cours de l’année dernière. L’embellie des anticipations a été alimentée en outre par une augmentation record de l’emploi et une baisse rapide du taux de chômage.

• Enfin, l’assouplissement des conditions de crédit a apporté un soutien supplémentaire à la consommation des ménages. Alors que la croissance des prêts hypothécaires est restée modeste (en dépit d’une récente amélioration), le crédit à la consommation a connu une accélération marquée, atteignant son taux de croissance le plus élevé depuis 2008. Toutefois, il est possible que le rebond du crédit à la consommation n’ait joué qu’un rôle secondaire dans la progression de la consommation des ménages, puisque son taux de croissance reste bien en-deçà de son niveau avant la crise.

– La reprise du marché immobilier : quelle contribution à la croissance ?

L’introduction du FLS en juillet 2012 a été suivie par une baisse immédiate des taux hypothécaires4 ainsi que par une amélioration des conditions d’offre de crédits pour l’achat de maisons. Les ménages ont profité de cette amélioration dès fin 2012, lorsque les accords de crédits hypothécaires, ainsi que les prix immobiliers, sont repartis à la hausse.

Il existe en théorie deux principaux canaux de transmission du marché immobilier vers la demande intérieure : l’investissement immobilier et la consommation des ménages.

• L’investissement en logements (comprenant la construction de nouvelles habitations et la rénovation de celles déjà existantes) a augmenté de 4,4% en 2013, et contribua le plus à la croissance de la formation brute de capital fixe (FBCF) en 2013.

L’investissement en logements a crû de près de 10% a/a au T3-13, soit son taux de croissance le plus élevé depuis fin 2010, avant de ralentir très légèrement au T4-13 (à 8,9% a/a). Sa contribution à la croissance du PIB au T4-13 (2,7% a/a) est de 0,3 point de pourcentage– un niveau bien plus élevé que sa part dans le PIB (autour de 3%). Néanmoins, le redressement de l’investissement immobilier en 2013 n’a pas été assez important pour compenser la contraction au niveau d’autres composantes de l’investissement, puisque l’investissement immobilier ne représente qu’un quart de la FBCF. Enfin, étant donné son faible poids dans le PIB total, l’investissement immobilier a apporté une contribution de seulement 0,1 point de pourcentage à la croissance du PIB en 2013 (1,8%).

• Une augmentation des prix de l’immobilier est souvent associée à une hausse de la consommation des ménages. Ceci est dû au fait que certains facteurs qui influencent le marché immobilier, tels que les conditions de crédit et les anticipations des ménages en termes de rémunération, ont également un effet sur les dépenses de consommation. Le meilleur moyen pour évaluer l’impact direct du marché immobilier sur la consommation est à travers les dépenses des ménages en biens durables. Celles-ci ont augmenté fortement au cours de la reprise actuelle (autour de 20% depuis la sortie de la récession au T2-09). Cependant, cette hausse de la consommation en biens durables a été davantage tirée par la composante « transport », en particulier les dépenses en véhicules, que par les dépenses en biens d’équipement liés au logement.

Les achats de biens et services aux ménages, tels que biens d’équipement et entretien de la maison, ne représentent que 5% de la consommation totale, ce qui explique la contribution très limitée des dépenses liées à l’habitation dans la consommation totale des ménages.

La reprise du marché immobilier est, en outre, susceptible d’avoir un effet positif sur la consommation privée à travers les rachats de crédit ou à travers l’extraction hypothécaire5. Néanmoins, selon un rapport de la BoE, ces derniers effets restent encore d’une ampleur assez limitée.

– L'investissement des entreprises : enfin le rebond

L'investissement des entreprises, qui a chuté de près de 30% lors de la récession, est resté très faible lors de la reprise, notamment à cause du niveau élevé d'incertitude et de la rareté du crédit. Ce comportement est typique du cycle économique britannique. L'investissement est en effet une composante « retardée » de la croissance du PIB : les entreprises souhaitent, en général, être confiantes dans l’amélioration des perspectives d’activité avant d'entreprendre des investissements productifs, qui peuvent être coûteux à inverser. Ainsi, les capacités non- utilisées au sein des entreprises tendent à se résorber au fur et à mesure que l’activité reprend et que l'incertitude s’atténue, les entreprises envisageant à investir dès lors que la reprise est bien ancrée. L’investissement productif a repris progressivement en 2013, atteignant un rythme de croissance de 8,5% a/a au 4e trimestre.

– Le rôle de la balance commerciale

La balance commerciale a fortement contribué à la croissance du PIB en 2011. Les exportations ont bénéficié de la forte dépréciation de la livre sterling (-25% en termes réels effectifs entre début 2007 et fin 2009), alors que les importations sont restées très faibles, en raison de la baisse de la demande intérieure. Mis à part cet épisode isolé, le rééquilibrage de la croissance vers la demande extérieure n’a pas eu lieu. La balance commerciale pesa fortement sur la croissance du PIB en 2010 et 2012, et n’ajouta que 0,1 point de pourcentage en 2013. La faiblesse de la croissance chez les principaux partenaires commerciaux de la Grande-Bretagne et le processus de reconstitution des marges par les entreprises ont annulé les effets positifs de la dépréciation de la livre sterling.

– Les variations de stocks – source principale de croissance au début de la reprise

La reconstitution des stocks a joué un rôle clé lors de la première année de la reprise actuelle, ce qui est caractéristique des reprises du cycle des affaires (voir la section précédente). Les variations de stocks ont représenté, en effet, à elles seules, les trois quarts de la croissance du PIB en 2010. Le processus de reconstitution des stocks s’est par la suite épuisé au fur et à mesure que la reprise accélérait, et n’a contribué, en conséquence, que marginalement à la croissance en 2013. Etant donné que les variations des stocks sont déjà proches de leur niveau d’avant-crise, il semble peu probable que ces dernières occupent, à l’avenir, un rôle majeur dans la croissance.

La reprise est-elle soutenable ?

Il y a de bonnes raisons de croire que la reprise conjoncturelle se poursuivra au Royaume-Uni dans les trimestres à venir. Les enquêtes auprès des entreprises et la confiance des consommateurs restent à des niveaux élevés. De plus, la diffusion de la reprise depuis la consommation privée vers l'investissement des entreprises a déjà commencé. Les conditions de crédit se sont nettement améliorées et le recentrage du FLS vers les PME devrait soutenir l’offre de crédit. Par conséquent, l’investissement productif devrait contribuer fortement à la croissance cette année et l’année prochaine, de même que l'investissement dans l’immobilier.

Cependant, quelques conditions clés doivent être remplies pour que ce scénario se concrétise. Tout d'abord, afin que la croissance de la consommation des ménages reste soutenue, il est nécessaire que la croissance des revenus réels retrouve une trajectoire ascendante. Après tout, les ménages seront en quête de confirmation de leurs anticipations de meilleure situation financière future afin de maintenir leur confiance à des niveaux élevés. La BoE et l'Office for Budget Responsibility s'attendent à ce que la croissance du revenu réel devienne positive au cours de la seconde moitié de l'année, mais la faiblesse de la productivité et la baisse des anticipations d'inflation pourraient retarder le rebond de la croissance des salaires.

Deuxièmement, la faiblesse de la productivité reste préoccupante car, au-delà de ses effets sur la croissance des salaires, sa reprise est cruciale pour la croissance de long terme. Les données récentes suggèrent que la productivité pourrait avoir déjà commencé à se redresser, mais la durabilité de cette reprise reste incertaine. Alors qu'un retour à des niveaux compatibles avec la trajectoire pré-crise est peu probable, il y a de bonnes raisons de croire que la hausse de la productivité va se poursuivre, en particulier à travers la redistribution des ressources depuis les entreprises moins productives vers d'autres plus productives. Dans une large mesure, ce canal a été entravé par la fragilité du secteur bancaire après la crise financière. Ainsi, l'amélioration du fonctionnement du secteur bancaire devrait-il, selon nous, soutenir la reprise de la productivité.

Troisièmement, le crédit net bancaire aux entreprises continue de se contracter et ce sont les PME qui souffrent le plus de la faiblesse du crédit. Or, les PME sont déterminantes pour la soutenabilité de la reprise, car elles représentent près de la moitié du chiffre d'affaires du secteur privé et 60% des emplois du secteur privé britannique. Contrairement aux grandes entreprises, elles n'ont pas accès au financement de marchés. Les messages envoyés par les enquêtes de conditions de crédit par la BoE auprès du secteur privé sont encourageants. Une amélioration significative de l’offre de crédit aux PME a été révélée au T4-13. Côté demande de prêts, les banques s’attendent à un rebond marqué au T1-14 de la demande de crédit de la part des entreprises, et ce de manière significative de la part des petites entreprises. Le recentrage du FLS vers les PME devrait fournir un soutien supplémentaire au crédit cette année.

Enfin, il n’y a aucun doute que plusieurs facteurs clé continueront de peser sur la croissance pendant un certain temps. Le resserrement budgétaire est appelé à s'intensifier, en particulier dans les années suivant la législature actuelle. Le processus de désendettement privé continuera de peser sur la demande intérieure alors que la reprise en zone euro, principal partenaire commercial du Royaume-Uni, devrait rester atone. Néanmoins, sauf en cas de détérioration de la croissance mondiale ou d’épisode renouvelé d'incertitude accrue, les conditions semblent se mettre en place pour que l’économie britannique surmonte ces obstacles et poursuive son élan dans les trimestres à venir

NOTES

  1. Voir « The UK recession in context – what do three centuries of data tell us? », par Sally Hills et Ryland Thomas, Bulletin trimestriel de la Banque d’Angleterre (4e trimestre 2010) pour une comparaison des récessions au Royaume-Uni dans une perspective historique de long terme remontant jusqu’au 18e siècle.
  2. Cela tranche nettement avec la période de l’industrialisation au 19e siècle, où les exportations et l’investissement ont joué un rôle essentiel dans l’époque victorienne.
  3. La dépréciation de la livre sterling a été possible en raison de la diminution des taux d’intérêt suite à la suspension de l’étalon- or au Royaume-Uni à la fin de l’année 1931.
  4. A la différence des taux hypothécaires fixes, le taux standard variable n’a pas baissé et a même augmenté depuis août 2012. La BoE a expliqué ceci par les efforts de reconstitution des marges sur prêts existants après la hausse passée des coûts de refinancement bancaires.

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