Royaume-Uni : la croissance au secours des finances publiques

par Catherine Stephan, économiste chez BNP Paribas

Le déficit public, en repli de 0,8 point à l’issue de l’exercice budgétaire 2013-2014 (à 6,6% du PIB), a rejoint son niveau le plus bas depuis le début de la crise financière de 2008.

Le gouvernement n’a pas annoncé d’économies supplémentaires à même de réduire plus rapidement le déficit à l’occasion de la présentation du budget en mars dernier.

Toutefois, l’évolution favorable des perspectives de croissance et les mesures de consolidation budgétaires adoptées au cours de ces dernières années devraient s’accompagner d’une nouvelle baisse du déficit public.

Le déficit public(1), en repli de 0,8 point à l’issue de l’exercice budgétaire 2013-2014(2) (à 6,6% du PIB), a rejoint son niveau le plus bas depuis le début de la crise financière de 2008. Il demeure historiquement élevé, mais il a reculé de plus de quatre points depuis 2009-2010 (à 11%). Le gouvernement prévoit de le ramener en deçà de 3% en 2016-2017, et de réduire la dette publique à partir de cette date. Toutefois, le gouvernement est resté timoré à l’occasion de la présentation du budget en mars dernier. A un an des prochaines élections législatives, il n’a pas souhaité fournir d’effort supplémentaire. Le gouvernement compte sur les effets des mesures de consolidation budgétaires adoptées au cours des dernières années et une croissance robuste de l’activité pour atteindre cet objectif ambitieux.

Un déficit public toujours élevé

La réduction du déficit est plus lente que prévu au moment de l’arrivée au pouvoir en 2010 du gouvernement de coalition entre le Parti conservateur et les Libéraux démocrates. A l’occasion de la présentation de son premier projet budgétaire en juin 2010, le gouvernement mené par le premier ministre David Cameron, avait alors présenté un plan de consolidation budgétaire ambitieux. Il visait à ramener le déficit public de 11% en 2009-10 à 3,5% du PIB en 2013-14, puis à 2,1% en fin de mandat (en 2014-15). Le poids de la dette publique dans le PIB devait baisser à partir de 2014-15. Plusieurs mesures phares ont accompagné ce plan ambitieux : hausse de la TVA, de 17,5% à 20%, à partir de janvier 2011, et de l’impôt sur le revenu. La diminution des dépenses devait provenir quant à elle de coupes dans les investissements, ainsi que du gel des allocations familiales pendant trois ans et des salaires des fonctionnaires rémunérés plus 21 000 GBP par an pendant deux ans.

Ces mesures de consolidation budgétaire (près de 30 milliards de GBP), conjuguées à celles déjà décidées par le précédent gouvernement, devaient représenter 104 milliards de GBP d’ici 2014-15. Près de 78% de cet assainissement devaient, par ailleurs, provenir de la diminution des dépenses. La reprise, plus lente que prévu initialement, a toutefois pesé sur le processus de réduction du déficit. Parallèlement, le gouvernement a apporté quelques assouplissements en augmentant l’abattement sur les revenus, en réduisant, en 2012, davantage que prévu initialement l’impôt sur les sociétés (de 28% en 2009-10 à 21% en 2014-15 au lieu d’une baisse de quatre points en quatre ans prévue en 2010) ou en annulant la hausse de la taxe sur le carburant prévue en septembre 2013.

Une évolution encourageante

Le déficit structurel se réduit peu depuis 2009. Les progrès réalisés au cours de ces dernières années restent toutefois encourageants (cf. tableau). La réduction du déficit a même été plus importante que prévu en mars 2013, lorsque le gouvernement prévoyait un déficit de 6,8% du PIB. Les mesures de consolidation budgétaire adoptées depuis 2010 ont participé à cette amélioration. Selon les données publiées par l’OBR (Office for Budget Responsibility) en mars dernier, près de 85% des mesures de consolidation décidées en 2010 (soit 104 milliards de GBP d’ici 2014-15) ont vraisemblablement déjà été mises en œuvre. L’amélioration reste toutefois due en grande partie à celle de la situation économique. Le Royaume-Uni a en effet enregistré en 2013 une croissance plus forte que prévu. Celle-ci a atteint 1,7%, un plus haut depuis 2010, alors qu’en mars 2013, le gouvernement prévoyait une croissance du PIB de seulement 0,6%. Les recettes (hors APF) du gouvernement central ont ainsi progressé de 3,2%. L’impôt sur le revenu, les recettes issues de la TVA, grâce à la bonne tenue de la consommation des ménages, ainsi que les droits de timbre, en raison de l’accroissement des prix immobiliers, ont permis cette hausse des recettes. Parallèlement, les dépenses (hors intérêts de la dette) ont augmenté de seulement 1,5%, grâce à une hausse moins importante que prévu des prestations sociales.

L’effort budgétaire reporté

Le gouvernement n’a toutefois pas annoncé de nouvelles mesures à même de réduire plus rapidement le déficit à l’occasion de la présentation du budget, en mars dernier. Il a mis en avant son souhait de favoriser une croissance plus équilibrée. Pour ce faire, il a, d’une part, l’intention de soutenir les entreprises, les exportations et l’investissement. Il a ainsi confirmé son souhait de ramener le taux d’imposition sur les sociétés de 23% actuellement à 20% en avril 2015 et de doubler la prime annuelle à l’investissement entre avril 2014 et fin 2015 (à 500 000 GBP).

Le gouvernement a également augmenté en avril 2014 le taux du crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche et développement pour les PME déficitaires (de 11% à 14,5%), et annoncé une série de mesures visant à réduire le coût d’approvisionnement en énergie pour les entreprises, notamment en électricité. Il a par ailleurs annoncé une hausse de la dotation au programme de financement des entreprises exportatrices. D’autre part, le gouvernement souhaite soutenir les ménages les plus modestes. Il a ainsi l’intention de relever le seuil des revenus imposables à 10 000 GBP par an en avril 2014 et à 10 500 GBP en avril 2015 et de garantir le dispositif d’aide à l’achat immobilier (« Help to Buy equity loan ») jusqu’en 2020. Enfin, il souhaite inciter les familles à épargner davantage en réduisant la fiscalité sur certains placements d’épargne et de retraites. En contrepartie, le gouvernement a notamment l’intention de plafonner les allocations sociales (à 118 milliards de GBP en 2014-15), un montant qui ne pourra croître qu'avec l'inflation. Le poids de ces dépenses dans le PIB devrait ainsi progressivement reculer pour atteindre 11,6% en 2018-19 (contre 12,8% en 2013-14). Toutefois, les contreparties seront insuffisantes à brève échéance. Les mesures annoncées cette année auront un effet négatif sur le solde des finances publiques jusqu’en 2015-2016. L’essentiel des nouvelles réductions de dépenses se fera en effet seulement d’ici 2016-2017.

La dette publique du Royaume-Uni reste pourtant pénalisante (89,6% du PIB en 2013-14 selon les critères de Maastricht). Le poids des intérêts, autour de 3% du PIB en 2013-14, devrait par ailleurs être croissant au cours des prochaines années en raison du poids grandissant de la dette et de la hausse des taux de l’emprunt d’Etat. En effet, l’amélioration de la situation économique devrait s’accompagner d’une résorption des capacités de production excédentaires et d’un durcissement progressif de la politique monétaire d’ici la fin 2014.

Toutefois, un an avant les prochaines élections législatives, le gouvernement souhaite vraisemblablement ménager son électorat. Les conservateurs, qui sont arrivés en troisième position à l’issue des élections européennes du 22 mai, tentent en effet d’enrayer la montée en puissance du Parti travailliste et surtout de l’UKIP (UK Independance Party), parti eurosceptique et populiste, arrivé en première position. L’économie britannique bénéficie encore de marges manœuvre. Elle subit, en effet, peu de pression de la part de la Commission européenne3. De même, les taux de rendement à dix ans restent historiquement faibles (à 2,56% fin mai). Les agences de notation Moodys et Fitch avaient retiré au Royaume-Uni sa note maximale (AAA) en 2013, mais l’économie britannique bénéficie du programme d’assouplissement quantitatif de la Banque d’Angleterre. En outre, les emprunts d’Etat britanniques demeurent des valeurs refuges malgré l’amélioration récente de la situation au sein de la zone euro.

Des perspectives favorables de croissance

L’évolution favorable des perspectives de croissance et les mesures de consolidation budgétaires adoptées au cours des années précédentes permettront à l’économie britannique de réduire son déficit public en 2014-15. Elle devrait s’accompagner d’une hausse automatique des recettes et d’une réduction des dépenses. Le poids des dépenses dans le PIB (de 43,5% du PIB en 2013-14, après 43,1% en 2012-13 et de 47% en 2009-10) devrait à nouveau diminuer, tandis que celui des recettes devrait peu varier (à 37,7% du PIB en 2013-14). Nous prévoyons même une croissance du PIB (+3,4%) et donc une réduction du déficit général légèrement plus importante en 2014-15 (à 5,2% du PIB) que celles prévues par le gouvernement en mars dernier. Celui-ci prévoyait en effet une croissance de 2,6% en 2014-15 et un déficit de 5,5% du PIB.

NOTES

  1. Hors effets temporaires liés aux transferts du Royal Mail Pension Plan et de la facilité du système d'achat d'actifs («Asset Purchase Facility» ou APF) de la BoE
  2. Un exercice budgétaire s’étale du 1er avril au 31 mars de l’année suivante.
  3. Le Conseil des Etats de l'UE avait engagé une procédure de déficit excessif contre le Royaume-Uni le 8 juillet 2008. Même si, celui-ci n'est pas passible de sanctions financières car il n'appartient pas à la zone euro, le Conseil lui recommandait encore à l’occasion de la présentation de ses recommandations au début du mois de prendre des mesures supplémentaires pour se conformer à la recommandation au titre de la procédure concernant les déficits excessifs.

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