Par Christophe Morel, Chef Economiste de Groupama AM
Tout au long de 2014, les ajustements des prévisions des organismes internationaux (FMI, OCDE, BCE,…) et des économistes ont convergé vers notre scénario. Ainsi, les marchés reconnaissent désormais que la croissance est robuste et autonome aux États-Unis, qu’il n’y a pas eu l’accélération graduelle attendue en zone euro et que la croissance ralentit en Chine sans qu’il y ait pour autant de rupture. Il devient également admis que cette hétérogénéité dans les croissances conduit à de l’hétérogénéité dans les politiques monétaires entre la perspective d’un resserrement pour les uns (FED, Banque d’Angleterre) et des décisions toujours plus accommodantes pour les autres (BCE, Banque du Japon).
Sur la conjoncture européenne, les risques sur la croissance pour les prochains trimestres sont désormais équilibrés, voire plutôt à la hausse.
Notre diagnostic économique sur la zone euro reste très prudent. En effet, la croissance est structurellement faible parce que les moteurs domestiques (consommation, construction, investissement) sont durablement en panne en raison d’un endettement toujours important dans le secteur privé. Toutefois, les éléments les plus récents nous conduisent à penser que les risques sur la croissance pour les prochains trimestres sont désormais équilibrés, et qu’ils pourraient même être plutôt à la hausse qu’à la baisse. Ces éléments sont à la fois « conjoncturels » et « conjecturels ».
Les indicateurs de climat des affaires montrent des prémisses d’une stabilisation
Après une inflexion baissière à l’été, les enquêtes de conjoncture se sont stabilisées en octobre. Cette stabilisation reste très fragile et demande à être confirmée. Toutefois, ces prémisses de stabilisation conjoncturelle sont robustes dans la mesure où on les observe dans tous les secteurs d’activité à l’exception de la distribution (industrie, services et même la construction) et dans la grande majorité des pays. La hiérarchie reste en place avec l’Allemagne et l’Espagne toujours en tête, tandis que la France et l’Italie sont à la traîne.
A ces signaux « conjoncturels » s’ajoutent des facteurs de soutien « conjecturels »
Trois facteurs peuvent rendre ces prémisses de stabilisations crédibles : la baisse des prix du pétrole, l’amélioration des conditions financières et un environnement international plus favorable avec des décisions récentes de politiques monétaires encore plus accommodantes.
- Force est de reconnaître que l’impact d’une baisse du prix du pétrole sur la croissance européenne n’est empiriquement pas bien mesuré notamment en raison d’effet de seuil. Mais cette baisse du prix du pétrole est structurelle, sensible et opportune notamment pour le consommateur américain et les entreprises européennes.
- La baisse des taux d’intérêt permet une détente bienvenue des conditions financières, qui commence à se transmettre, certes lentement, au coût du crédit tel que pratiqué par les établissements bancaires.
- Depuis un mois, les banques centrales ont opté pour des décisions monétaires accommodantes soit verbalement (Banque d’Angleterre, Banque Nationale Suisse, Banque de Norvège,…), soit en action (au Japon, en Suède, Corée du Sud, Israël, Roumanie,…). Qui plus est, les baisses de prix des biens agroalimentaires réduisent la pression inflationniste dans les pays émergents et pourraient conduire plusieurs banques centrales à opter pour de nouvelles baisses (Pologne, Hongrie,…).
Au final, nous maintenons un scénario de croissance très prudent pour la zone euro : non seulement, notre prévision de croissance n’est que de + 0,9 % pour 2014 et seulement + 1,1 % pour 2015, mais nous estimons toujours que la croissance structurelle est durablement faible. Toutefois, après avoir observé une « capitulation » du Consensus, nous considérons que les risques pour les tous prochains mois sont désormais équilibrés, voire très légèrement… haussiers.