par Valentin Bellassen, Renaud Crassous, Laura Dietzsch et Stephan Schwartzm
La déforestation tropicale est responsable de 15 à 20 % de l’ensemble des émissions humaines de gaz à effet de serre. En décembre 2007, lors de la conférence internationale de Bali, les Nations Unies ont reconnu qu’une solution viable au changement climatique devait intégrer un mécanisme visant à limiter la déforestation et la dégradation des forêts.
A ce jour, les marchés du carbone constituent l’outil économique le plus communément utilisé pour réduire les émissions : les plafonds imposés aux émetteurs et la possibilité d’échange offerte entre émetteurs et détenteurs de crédits-carbone contribuent à établir un signal de prix sur le carbone et à encourager le contrôle des émissions. Le présent rapport examine les différentes possibilités d’élargir le champ de cet outil de manière à ce qu’il contribue à réduire les émissions provoquées par la déforestation. Il présente trois options principales : un fonds financé par des taxes, l’utilisation de revenus issus de ventes aux enchères et l’émission de crédits-carbone négociables. Cette étude ne traite pas d’autres instruments sans rapport avec les paiements liés au carbone.
Nous résumons en premier lieu les informations disponibles sur les causes de la déforestation et sur l’impact des pertes forestières pour le climat mondial. Contrairement à une opinion communément admise, la déforestation est davantage provoquée par les agriculteurs que par les bûcherons. Certains, principalement en Afrique, déboisent en effet les forêts afin de produire des cultures de base, tandis que d’autres, plus particulièrement en Amérique du Sud, le font pour répondre à la demande croissante de soja et de bétail.
Sur la base de cette analyse, nous décrivons les différentes possibilités d’association entre les marchés du carbone et la lutte contre la déforestation. Dans le cas des crédits négociables, nous estimons que, si les marchés du carbone peuvent substantiellement accroître le montant des financements disponibles pour le développement de projets et de programmes visant à réduire la déforestation, la demande de crédits-carbone doit augmenter parallèlement pour absorber cette nouvelle source d’approvisionnement, qui représente probablement autour d’un milliard de tonnes de CO2 par an. Comme le démontre le modèle développé par Environmental Defense Fund, les plafonds d’émissions actuellement prônés par la Commission européenne en Europe et par la loi Lieberman-Warner aux États-Unis créeraient une demande suffisante pour que le signal de prix reste à un niveau proche de 20 €/tCO2. D’autres solutions, telles que les prix de réserve fixés lors de ventes aux enchères ou la mise en réserve de crédits, ont été avancées dans le but de minimiser le risque de voir le marché du carbone inondé par les trop nombreux crédits de « déforestation évitée ». En tout état de cause, la réduction de la déforestation et le maintien d’un signal de prix fort sur les marchés du carbone sont comme deux frères siamois dans la lutte contre le changement climatique. L’association étroite de ces deux facteurs peut être source de force ou de vulnérabilité, mais les deux conditions sont essentielles pour atteindre le but ultime que constitue la stabilisation du climat.
Ce texte est issu de l’Etude Climat n°14 “Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts : quelle contribution de la part des marchés du carbone ?”
Valentin Bellassen est chercheur à la Mission Climat de la Caisse des Dépôts. Il prépare actuellement un doctorat sur la gestion des forêts au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE).
Renaud Crassous est chercheur au Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement (CIRED).
Laura Dietzsch est chercheuse à l’Institut amazonien de recherche environnementale (IPAM). Stephan Schwartzman est co-directeur du programme international du Fonds de défense de l’environnement.