par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Entre la poursuite de la baisse du prix du pétrole et de la dépréciation de l’euro d’une part et l’intensification du risque politique avec le retour des craintes d’une sortie de la Grèce de la zone euro d’autre part, les marchés financiers ont connu un début d’année agité, caractérisé par une nouvelle hausse de l’aversion pour le risque. Notre indice de perception du risque revient vers les plus hauts atteints lors de la crise de 2008 ou celle de 2011. Cette hausse reflète la grande incertitude qui porte sur les perspectives économiques en ce début d’année 2015, les évolutions économiques et politiques récentes étant susceptibles de modifier les grands équilibres mondiaux.
Or, il ne faut probablement pas s’attendre à sa diminution rapide et forte, les risques politiques avec la tenue de plusieurs élections en Europe (Grèce, Espagne,…) et les risques géopolitiques vont vraisemblablement continuer de prévaloir dans les mois qui viennent. Dans cet environnement très bancal, les principaux thèmes de l’année 2015 vont être les suivants :
Le rééquilibrage de la croissance mondiale, caractérisé par le renforcement des Etats-Unis et par le ralentissement structurel de la Chine, va se poursuivre cette année mais ne devrait pas conduire à une forte accélération de l’activité.
Le prix du pétrole, qui dépend surtout de décisions politiques, a un impact très significatif sur de nombreux pays, modifiant considérablement les marges de manœuvre budgétaires des pays producteurs et redonnant de l’air aux pays importateurs. Après la forte chute enregistrée en 2014, et début 2015, le prix du pétrole devrait rester faible en première partie d’année pour ensuite revenir fin 2015 vers des niveaux probablement plus acceptables par les producteurs (75$ le baril ?).
Les pays émergents vont continuer de subir les effets négatifs de leurs déséquilibres et du ralentissement chinois. Les perspectives pour 2015 restent globalement mitigées. La Chine devrait maintenir sa croissance proche de 7%, poursuivant sa transition vers son nouveau modèle de croissance. La Russie devrait, quant à elle, tomber dans une récession profonde, corollaire de la chute du prix du pétrole, de la fuite des capitaux (et de la dépréciation du rouble) et du resserrement monétaire.
L’économie américaine restera le moteur de la croissance mondiale cette année avec une croissance d’environ 3%. Toutefois, elle devrait revenir progressivement sur un rythme proche de son potentiel en 2015 (légèrement supérieur à 2%). Les consommateurs américains vont bénéficier de l’amélioration sur le marché du travail et de l’affaiblissement du prix de l’essence. La reprise de l’investissement productif devrait également continuer. Les risques sur la croissance américaine sont relativement équilibrés : la baisse du prix du pétrole a un effet positif sur les consommateurs et certaines entreprises mais handicape une grande partie de l’industrie, remettant en cause la profitabilité de la filière du pétrole de schiste. Par ailleurs, l’appréciation du dollar effectif (d’environ 10% depuis un an) va constituer un frein au processus de ré-industrialisation en cours aux Etats-Unis.
Encore affaiblie, la zone euro devrait bénéficier de plusieurs vents favorables cette année : la baisse du prix du pétrole, la dépréciation de l’euro et l’assouplissement de la politique monétaire avec la probable mise en place d’un « full QE ». Les politiques budgétaires ne devraient en revanche apporter que peu de soutien malgré le relâchement dans le rythme de réduction des déficits publics. La croissance de la zone euro pourrait finalement atteindre 1,2% en 2015 après 0,8% en 2014. La demande domestique devrait se renforcer avec notamment la hausse du pouvoir d’achat des consommateurs. Toute la question est de savoir dans quelle mesure la confiance va revenir pour permettre au cycle d’investissement de s’enclencher. Les événements politiques et géopolitiques pourraient constituer des facteurs de frein au retour de la confiance.
La liquidité mondiale va continuer de progresser significativement, la BCE prenant le relais de la Fed et la Banque du Japon poursuivant ses achats massifs de titres. Les politiques monétaires vont rester expansionnistes dans les pays développés malgré le début de resserrement aux Etats-Unis à partir de mi -2015. Il ne fait guère plus de doute que la BCE va annoncer la mise en place d’un programme d’achats de titres souverains le 22 janvier de façon à permettre la hausse de la taille de son bilan.
Avec l’abondance de la liquidité mondiale et une aversion pour le risque relativement élevée, les courbes de taux vont rester plates. Les taux longs devraient se maintenir à de faibles niveaux dans la zone euro alors qu’ils pourraient légèrement augmenter aux Etats-Unis. Conséquence de la divergence des politiques monétaires, l’euro pourrait continuer à se déprécier en 2015, surtout au cours du premier semestre.
Au-delà des risques politiques et géopolitiques mentionnés précédemment, les risques économiques sont nombreux, allant de la capacité de la Chine à gérer son ralentissement à celle des Etats-Unis à accepter les effets de la baisse du prix du pétrole et l’appréciation de son taux de change, à celle également de la zone euro à éviter la spirale déflationniste qui la guette.