par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
Aux Etats-Unis, les données économiques les plus récentes ont été contrastées. Ainsi, les ventes au détail (exprimées en termes nominaux, voir Data Focus 1) se sont à nouveau repliées de 1,1% m/m en mars, après avoir enregistré une hausse de 1,9% en janvier et de 0,3% en février. Au total, elles ont donc fléchi de 4,9% t/t annualisé au T1 2009, le troisième recul de suite.
Plus généralement, les conditions restent peu propices à un redressement significatif de la consommation (pertes d’emplois massives, effet richesse négatif, crédit rare). Par ailleurs, la production industrielle a chuté pour le cinquième mois consécutif, de 1,5% m/m en mars. Au total, elle a plongé de 20% t/t annualisé au T1 2009. Le taux d'utilisation des capacités a atteint en mars, à 69,3%, son plus bas niveau historique. Enfin, les premiers signes d’amélioration dans le secteur de l’immobilier résidentiel neuf restent ténus.
En outre, les perspectives d’investissement productif demeurent médiocres et les risques déflationnistes sont réels. De fait, les prix à la consommation ont fléchi de 0,1% m/m en mars. A -0,4%, l'inflation est négative pour la première fois depuis les années 1950 et devrait le rester dans les prochains mois, en raison d’effets de base liés à l’énergie, avant de redevenir positive en fin d’année. Dans le même temps, l’inflation sous-jacente continuerait à se modérer (pour se tenir proche de 1% en fin d’année), reflétant le creusement de l’output gap et illustrant les risques de déflation à l’horizon 2010-2011.
Toutefois, compte tenu du passage de l’inflation en territoire négatif en mars, l’évolution des ventes de détail suggère une stabilisation des dépenses de consommation en termes réels au premier trimestre 2009, ce qui devrait permettre de limiter le recul du PIB au début de cette année (-4% t/t annualisé, après -6,2% t/t au T4 2008). En outre, l’indicateur de confiance des ménages du Conference Board a progressé en mars (26,0) après avoir atteint son plus bas niveau historique en février (25,3). De plus, les baisses d’impôt du plan de relance devraient jouer un rôle stabilisateur dès le deuxième semestre. Par ailleurs, en avril, dans le secteur manufacturier, les enquêtes régionales des Feds de New York et de Philadelphie décrivent une poursuite de la faible amélioration enregistrée en mars par le PMI manufacturier.
En particulier, la composante relative aux nouvelles commandes a gagné plus de dix points dans les deux enquêtes régionales.
Cette évolution permet d’anticiper un redressement progressif de la production au cours des prochains mois.
Au total, le plus fort de la contraction de l’activité semble derrière nous, mais celle-ci devrait se poursuivre jusqu’au tournant de l’année. Le dernier Beige Book, couvrant la période allant de la fin février au début avril, qui prépare la réunion du FOMC des 28 et 29 avril, n’indique pas autre chose. Il signale, dans la plupart des secteurs, une timide stabilisation de l’activité, à des niveaux toutefois très bas. Une faiblesse particulière persiste dans les activités manufacturières « traditionnelles », alors que quelques signes d’amélioration sont perceptibles dans les industries de haute technologie, la défense, l’alimentation et l’industrie chimique. La consommation des ménages est restée généralement faible, mais elle a légèrement augmenté dans plusieurs districts. Dans l’immobilier résidentiel, les crédits d’impôts, le bas niveau des taux d’emprunt hypothécaires et des prix plus abordables ont entraîné une progression du nombre des acquéreurs potentiels. A contrario, le marché non résidentiel a continué de se dégrader. En outre, les perspectives d’emploi demeurent généralement mauvaises, limitant les pressions salariales. Enfin, le recul des prix se poursuit.
Il n’en demeure pas moins que le Président de la Fed est déjà en train d’envisager le « coup d’après », estimant que “le moment viendra où l’activité se reprendra et la Fed devra alors retirer les liquidités injectées massivement dans l’économie et relever les taux”. Dans ce contexte, et compte tenu du frémissement à peine perceptible de l’économie, les autorités monétaires devraient maintenir leur cap à l’occasion de leur prochaine réunion, à la fin du mois. Par ailleurs, dans un souci de plus grande efficacité des instruments non conventionnels de politique monétaire, Ben Bernanke a chargé un groupe de travail de réfléchir aux mesures susceptibles d’en améliorer la transparence. Ce dernier pourrait suggérer la diffusion régulière de la liste des collatéraux bancaires (et leur notation) détenus par la Banque centrale en contrepartie des prêts accordés aux sociétés financières. Cette information pourrait être publiée mensuellement.