par Christophe Donay, Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique, Chef stratège chez Pictet
La croissance au sein des économies développées s’accélère progressivement, mais reste relativement faible. En ce qui concerne les Etats- Unis, nous prévoyons toujours une accélération au 2e trimestre. Car même si l’on attend encore une confirmation, les données publiées début juin sont encourageantes. La croissance s’améliore aussi progressivement dans la zone euro. Néanmoins, une croissance plus forte du crédit et des investissements productifs sera nécessaire pour relancer durablement la croissance économique.
La Chine est actuellement la région la plus inquiétante de l’économie mondiale, le pays cherchant toujours à stabiliser son niveau de croissance. Nous ne doutons certes pas que les autorités feront ce qu’il faudra pour éviter un ralentissement sévère et pour stimuler une reprise modeste d’ici la fin de l’année, mais elles paraissent un peu en retard.
Quant à la stabilisation des prix du Brent autour des 65 dollars le baril elle favorise des taux d’inflation globale sous contrôle au plan mondial, apaisant les pressions baissières sur les prévisions de taux d’intérêt des marchés obligataires.
Le premier relèvement de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) pourrait n’être que de 0,125 point
La Fed devrait augmenter ses taux d’intérêt cette année (probablement en septembre), en l’absence de choc exogène imprévu. Toutefois, ce relèvement pourrait n’être que d’un huitième plutôt que d’un quart de point de pourcentage, comme généralement attendu. Les banques centrales entendent en effet éviter de trop perturber les marchés financiers, car cela pourrait provoquer un dérapage de la reprise économique.
La valorisation des actions des marchés développés atteint des niveaux extrêmes
Les valorisations des actions aux Etats-Unis et en Europe évoluent clairement en zone d’excès. Par exemple, le ratio PER à 12 mois est de 16,8 pour l’indice S&P 500 et de 15,8 pour l’indice Stoxx 600, alors que les moyennes historiques (depuis 1988, à l’exclusion des bulles) se situent à 14 et 11,7 respectivement. La tendance haussière est ainsi imputable à l’expansion des valorisations plutôt qu’à la croissance des bénéfices. Dans ce contexte de politique monétaire favorable, et si l’on suppose que la croissance économique correspondra aux anticipations, les marchés actions devraient rester haussiers, à moins d’un choc majeur.
La volatilité restera élevée
La désynchronisation des politiques monétaires des banques centrales depuis six mois a accru la volatilité des taux de change. La Fed resserrant sa politique monétaire, alors que la BCE et la Banque du Japon continuent d’appliquer leur politique d’assouplissement, la désynchronisation perdure. Celle-ci génère ainsi une forte instabilité sur les marchés des changes.
La volatilité s’observe également sur les marchés obligataires. Un nouveau rebond soudain des taux du Bund allemand début juin a accentué le trouble des investisseurs, déjà inquiets de l’effondrement possible des marchés obligataires. Les banques centrales voudront toutefois éviter une hausse rapide des taux d’intérêt à long terme, car des coûts de financement excessifs pourraient engendrer un dérapage de la reprise économique. Nous anticipons donc une progression en douceur des taux plutôt qu’une hausse accentuée, bien que toujours empreinte de volatilité jusqu’à ce que les taux retrouvent lentement les niveaux correspondant aux fondamentaux.
La dette émergente en devises locales pourrait être favorisée par une liquidation de positions en obligations souveraines des marchés développés et les rendements sont très attractifs (environ 7% pour l’indice JPMorgan GBI-EM). Jusque récemment, ils étaient neutralisés par le risque de change mais, à la suite d’ajustements importants, les devises émergentes nous paraissent très sous-évaluées par rapport au dollar américain, plusieurs mauvaises nouvelles ayant déjà été intégrées aux valorisations.
Dans cette situation de liquidités excessives et de volatilité, nous maintenons une stratégie de diversification robuste du risque des portefeuilles. Même en tablant sur une hausse progressive des rendements, les bons du Trésor américain restent la meilleure protection des portefeuilles contre un choc possible sur les marchés actions, grâce à leur corrélation négative. La diversification 60/40 du portefeuille (60% en actions et 40% en obligations d’Etat) reste dès lors une allocation d’actifs adaptée à l’environnement actuel.