Le ralentissement chinois, source d’opportunités pour les stock-pickers

par Ross Teverson, Responsable de la Stratégie Marchés Emergents chez Jupiter Asset Management

Le marché se concentre davantage sur les risques que sur les opportunités. Pourtant les valorisations des cours sur les marchés émergents prennent déjà en compte les scenarios les plus négatifs. En réalité, ce ralentissement est l’occasion d’investir sur des entreprises qui tirent profit des changements structurels en cours et ce, à une valorisation attractive.

Les marchés émergents font face actuellement à des ventes massives qui se sont accélérées ces derniers jours du fait d’une combinaison de facteurs : des craintes concernant la croissance chinoise, l’affaiblissement des monnaies des pays émergents, la perspective d’une hausse des taux américains et la baisse des prix des matières premières. La Chine a été au cœur de la tourmente, avec la chute des actions A cotées à Shanghai (auxquelles nous ne sommes pas exposés directement) et la publication d’un indice PMI manufacturier de plus en plus faible, ce qui a eu des répercussions sur les entreprises chinoises cotées à Hong-Kong, aux Etats-Unis ou sur les autres marchés étrangers. En termes de dollar américain, l’indice MSCI Emerging Market (total return) a baissé de près de 25% depuis son pic d’avril et se négocie maintenant à des niveaux que l’on n’avait pas vu depuis 2011.

D’une manière générale, le marché est selon nous bien trop axé sur les risques apparents en Chine et plus généralement sur les marchés émergents. Pour preuve, il suffit de regarder les scénarios pessimistes déjà valorisés dans les cours. Le ratio price to book moyen pour les actions de l’indice MSCI EM est de moins de 1,3 – un niveau qu’on n’avait pas vu depuis début 2009, quand les marchés émergents étaient encore en proie aux conséquences de la crise financière mondiale. Si on regarde les entreprises individuelles, beaucoup se négocient à des niveaux où une baisse de leur valorisation signifierait que les liquidités présentes dans leu bilan représentent une proportion significative de leur valeur. Dans l’univers des small caps, China Distance Education (CDE), une entreprise chinoise cotée aux Etats-Unis qui fournit des cours de formation professionnelle en ligne, possède des liquidités équivalentes à presque 30% de sa capitalisation boursière, tandis que parmi les larges caps, celles de Samsung Electronics atteignent les 32% de sa capitalisation et que Mediatek, un fournisseur de semi-conducteurs, est assis sur un matelas de liquidités représentant 40% de capitalisation.[i]

Notre approche est depuis toujours de s’attarder sur les fondamentaux sous-jacents des entreprises, et en gardant à l’esprit les perspectives de croissance à moyen et long termes des entreprises que nous détenons en portefeuille, les baisses de ces dernières semaines nous apparaissent plus comme des opportunités pour acheter que comme des raisons de vendre.

China Distance Education, citée plus haut, est une entreprise établie avec de belles perspectives de croissance et sa taille imposante au sein de son secteur constitue à elle seule une sérieuse barrière à l’entrée. Cette action se traite actuellement à 11 fois ses résultats et distribue des dividendes de 8% en dollars. Lors de la dernière publication des résultats, la direction de l’entreprise a également annoncé un programme de rachat d’actions, et il s’agit pour nous d’un signal très positif, que nous avons d’ailleurs retrouvé dans bon nombre d’entreprises, y compris chez Baidu, le « Google chinois ». C’est pour nous le signe que les directions de certaines de ces entreprises voient dans les cours actuels des opportunités.

Dans les autres pays, nous sommes positifs sur Tata Motors, la maison-mère de Jaguar Land Rover (JLR), qui a été impactée par un ralentissement des ventes en Chine – un important marché pour ce constructeur automobile de luxe. Nous continuons d’apprécier cette action pour son pipeline conséquent de nouveaux modèles, comme le nouveau SUV Jaguar après les récents lancements du Discovery Sport et de la Jaguar XE. Grâce aux nouveaux moteurs développés en interne par JLR, ces modèles ont une efficacité énergétique de premier ordre. L’impact de ces développements positifs a, ces derniers mois, été complètement escamoté par les inquiétudes suscitées par le ralentissement chinois et ses conséquences sur les volumes et les marges de cette année. Néanmoins, la valorisation de l’action a selon nous atteint un niveau tel – moins de 7 fois le ratio cours/bénéfices – que cela indique surtout un degré d’inquiétude largement excessif et ne reflète pas le potentiel de croissance à long-terme de l’entreprise.

Concernant les marchés émergents, tous les chemins mènent en Chine. Il est compréhensible que la baisse du marché des actions domestique et l’ajustement du taux de change du RMB de ce mois-ci poussent les investisseurs à se demander ce qui pourraient mal se passer dans la tentative de transition entre croissance tirée par l’investissement et croissance tirée par la consommation qu’est en train de mettre en place à Chine. Cependant, en tant que stock-pickers, nous devons considérer ce qui est déjà valorisé dans les cours. Nous pensons que sur les derniers mois, et plus encore sur dernières semaines, le marché s’est concentré de manière totalement disproportionnée sur les risques plutôt que sur les opportunités, alors qu’il existe pourtant de bonnes raisons d’être optimiste, même si la Chine doit relever des défis.

La Chine est le berceau d’entreprises innovantes qui induisent ou tirent profit des transformations structurelles positives qui ont cours dans le pays. Le changement structurel vers une augmentation de la consommation créée des opportunités pour les entreprises proposant les produits et les services que les consommateurs chinois demandent. Selon nous, la volatilité récente du marché a généré des opportunités d’investissement dans des entreprises prises dans une dynamique positive de long terme à un cours attractif.

NOTES

  1. Source : Bloomberg