par Emmanuel Auboyneau, Gérant Associé, et Xavier d'Ornellas, Gérant Associé Pôle Gestion Flexible chez Amplégest avec la participation de Jean-Michel Mourette, Economiste (Eureka Finance)
En 1816 à Sainte-Hélène, Napoléon prophétisait : « Laissez donc la Chine dormir, car lorsqu’elle s’éveillera le monde entier tremblera ». Deux siècles plus tard, c’est exactement l’inverse de cette prévision qui a provoqué l’épisode douloureux sur les marchés en août. La crainte est désormais celle d’un ralentissement brutal de l’économie chinoise, qui entrainerait dans son sillage le reste du monde. Sous-jacent, la peur des investisseurs réside dans l’apparition d’une vieille ennemie des marchés financiers : la déflation.
Loin de nous l’idée de minimiser ce qui s’est passé cet été. La consolidation souhaitable s’est transformée en aversion générale au risque. La Chine a servi de catalyseur à ce mouvement. Pourtant, si l’on se penche sur les différentes grandes zones géographiques, le constat n’a rien d’alarmant.
La Chine ralentit, c’est incontestable. Reste à savoir si ce ralentissement est maîtrisé ou si la chute est brutale. Les chiffres fiables dont nous disposons indiquent plutôt que la Chine se trouverait en bas de cycle. Il ne nous semble pas que l’on assiste à un effondrement de l’économie. La Chine est de moins en moins l’usine du monde. Le gouvernement chinois entend transformer le modèle économique du pays pour assurer une croissance interne viable, au travers d’une consommation domestique plus forte. Cette transformation prend du temps et n’est pas sans risques. Mais le gouvernement a les moyens budgétaires, monétaires et politiques, de mener à bien cette mutation.
Le reste du monde risque-t-il de subir gravement le ralentissement chinois ? Aujourd’hui notre réponse est que seule la zone asiatique est directement touchée du fait de sa proximité et de sa dépendance à la Chine. Les autres zones ne sont impactées que partiellement et poursuivent leur route sans grand changement.
Les USA sont toujours sur une tendance positive. La production industrielle a récemment baissé mais, dans le même temps, les services ont fortement progressé. Les créations d’emplois sont toujours fortes (particulièrement pour les cadres) et le taux de chômage devrait continuer à baisser. Les Etats-Unis ont une économie de plus en plus tournée vers les services et moins vers l’industrie, ce qui ne nuit pas globalement à la croissance. Une hausse des taux est, à nos yeux, plus que jamais d’actualité.
L’Europe poursuit son lent redressement. Les deux moteurs que sont la hausse du dollar et la baisse du pétrole, continuent à agir, de même que le QE de la BCE. Les exportations sont en hausse, redonnant un dynamisme industriel et une hausse de la confiance. Enfin l’investissement commence à repartir.
On est donc bien loin de la déflation dans ces deux zones. La déflation peut se définir comme une baisse générale des volumes, qui engendre une baisse des prix qui elle-même entraîne une baisse des salaires. S’ensuit une nouvelle baisse des volumes, etc. C’est un cercle vicieux. Aujourd’hui nous avons une baisse des prix, mais elle résulte principalement de la chute des matières premières. Il s’agit davantage d’une désinflation.
La séquence estivale que nous venons de vivre ne remet pas en cause notre scénario central. Elle va en revanche entraîner un surcroît de volatilité à court terme, qui nous donnera des occasions d’achat. Nous privilégions toujours l’Europe en raison de son niveau dans le cycle économique. Les orages d’été ont souvent pour effet d’assainir l’atmosphère. Il en va de même sur les marchés.