par Slavena Nazarova, économiste au Crédit Agricole
• L’accord conclu entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) le 19 février est, selon nous, ce que David Cameron pouvait espérer de mieux. Non seulement cet accord reconnait légalement le statut spécial du Royaume-Uni au sein de l’UE, mais il accorde de nouvelles dérogations au Royaume-Uni (en particulier concernant « la poursuite de l’intégration politique au sein de l’Union européenne ») et il est à la limite des principes fondamentaux de l’UE (notamment de la non-discrimination entre citoyens de l’UE).
• Du point de vue de l’UE, cet accord est important, car il crée un précédent que d’autres États membres pourraient être tentés de suivre. Point important, l’accord reconnait que le processus d’intégration de l’UE vers une «union sans cesse plus étroite » est un procédé à vitesse variable, permettant la coexistence de plusieurs devises et « n’obligeant pas l’ensemble des États membres à se fixer une destination commune ».
• L’accord a permis au Premier ministre britannique de fixer une date pour le référendum sur l’adhésion à l’UE (le 23 juin 2016) et de mener la campagne pour le maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE.
• Dans cette note, nous examinons les aspects juridiques d’un éventuel Brexit et les différentes options qui pourraient servir de modèle pour les relations Royaume-Uni dans ce cas. Du point de vue du Royaume- Uni, tous les scénarios de sortie sont moins attractifs que l’application de l’accord conclu en février avec l’UE.
Un accord favorable pour le Royaume- Uni, mais risqué pour l’UE
La réunion du Conseil européen des 18 et 19février s’est terminée par un accord sur le « nouveau statut » du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne, ce qui a permis au Premier ministre David Cameron de lancer officiellement la campagne en faveur du maintien, en vue du référendum sur l’adhésion du Royaume-Uni à l’UE. Ce référendum aura lieu le 23 juin, ce qui est une bonne nouvelle, puisque cela limite la période d’incertitude précédant le référendum et évite un scénario de remontée des risques de Brexit pendant la période estivale. Comme nous l’avons déjà mentionné précédemment (lien), les négociations entre le Royaume-Uni et l’UE se sont accélérées depuis novembre 2015, en raison de la forte volonté observée parmi les chefs d’État européens d’éviter le scénario calamiteux d’une sortie du Royaume-Uni de l’UE et d’aider David Cameron à faire campagne pour le maintien. Pour les États membres, l’accord nécessitait de trouver un bon équilibre entre les nouvelles concessions accordées au Royaume-Uni et le besoin de limiter le plus possible les modifications à apporter aux traités, de ne pas porter atteinte aux « quatre libertés » fondatrices de l’Union (libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes) et de ne pas faire peser de risque sur l’intégration de la zone euro ou sur le fonctionnement de l’union bancaire.
Nous estimons que David Cameron a obtenu les concessions les plus fortes qu’il pouvait espérer, compte tenu de la forte opposition de plusieurs pays à certaines de ses demandes-clés dans le domaine de la souveraineté, de la gouvernance économique et de la politique migratoire. Les propositions de réforme les plus controversées ont été: (a) l’ensemble des mesures qui devraient induire un certain niveau de discrimination entre citoyens européens en termes d’accès aux aides sociales (les plus farouches opposants à ces mesures ont été la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie); (b) le « carton rouge » accordé aux Parlements nationaux (mesure initialement rejetée par la Belgique); (c) les mesures visant une gestion plus efficace de l’union bancaire (la France a cherché à obtenir des garanties contre toute mesure qui pourrait être un veto caché accordé au Royaume- Uni ou qui accorderait un traitement de faveur à l’industrie financière britannique) ; et (d) toutes les mesures pouvant être perçues comme contraires au principe « d’union sans cesse plus étroite » (la Belgique et le Luxembourg, par exemple, sont tous deux très attachés à l’idée d’union fédérale).
Malgré tous les points d’achoppement, les partenaires européens du Royaume-Uni se sont finalement mis d’accord avec David Cameron sur la plupart des réformes qu’il avait esquissées dans sa lettre du mois de novembre. Ceci met en lumière la volonté politique des autres membres de l’UE d’aider David Cameron dans sa campagne en faveur d’un maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE.
En résumé, cet accord confirme les dérogations dont bénéficiait déjà le Royaume-Uni (euro, Schengen, espace de liberté, de sécurité et de justice), accorde une nouvelle dérogation concernant l’approfondissement de l’intégration politique au sein de l’UE et renforce le statut spécial de la City (possibilité de conserver ses propres autorités de supervision au sein de l’union bancaire, traitement différencié au sein du corpus règlementaire unique). Du point de vue du reste de l’UE, le point de l’accord qui nous semble le plus important (bien qu’il soit souvent considéré comme assez symbolique), est celui qui autorise formellement plusieurs niveaux et plusieurs vitesses d’intégration au sein de l’UE, en stipulant que « les références à une union sans cesse plus étroite entre les peuples sont par conséquent compatibles avec l’existence de trajectoires d’intégration différentes d’un État membre à l’autre et n’obligent pas tous les États membres à se fixer une destination commune ».
La réaction britannique à l'accord
– Des personnalités politiques de premier plan ont rejoint le camp des pro-Brexit
L'accord sur le nouveau statut du Royaume-Uni au sein de l'UE a permis au Premier ministre britannique de réaffirmer sa position pro- européenne, en avançant qu'un Brexit serait « un saut dans l'inconnu», sans certitude sur les accords commerciaux dont le Royaume-Uni pourrait bénéficier à terme. Point crucial, le Parti conservateur est fortement divisé: d'après des rapports de presse (lien), 150 parlementaires 'tory' – à peu près la moitié des députés conservateurs à la Chambre des communes, au nombre de 331 – devraient désormais soutenir le Brexit. Le 22 février, dix-huit parlementaires de premier plan ont fait savoir qu'ils rejoignaient la campagne en faveur du Brexit, notamment le ministre de l'Énergie (Andrea Leadsom), le ministre de la Défense (Penny Mordaunt), le secrétaire d’État à la Justice (Dominic Raab), le ministre de l'Environnement (George Eustice) et le ministre du Travail (Priti Patel).
Deux personnalités politiques très populaires, Michael Gove (le ministre de la Justice) et Boris Johnson (le maire de Londres), ont officiellement déclaré qu'ils feraient campagne contre le Premier ministre. De plus, Nicola Sturgeon, le Premier ministre de l'Écosse, a réaffirmé son intention d'organiser un nouveau référendum sur l'indépendance de l'Écosse si les Anglais votaient en faveur d'une sortie de l'UE.
– Les entreprises favorables à l'adhésion à l'UE
Les dirigeants de 36 entreprises du FTSE 100 et de 162 autres entreprises, parmi lesquelles Royal Dutch Shell, Asda, Marks & Spencer et BT, ont signé une lettre ouverte anti-Brexit. Cela implique naturellement qu'environ deux tiers des dirigeants du FTSE 100 n'ont pas signé cette lettre, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'ils soient favorables au Brexit : ils pourraient simplement, selon David Cameron, préférer s’abstenir de « toute forme de déclaration politique ».
– Les sondages restent serrés
Plusieurs sondages ont fait état d'une montée significative du camp pro-Brexit après la publication du projet d'accord Royaume-Uni -UE. Selon le sondage YouGov, l'avance des partisans du Brexit avait alors progressé de 5 points, mais ce mouvement s'est ensuite inversé dans les jours qui ont suivi l'accord du 19 février. Le dernier sondage YouGov, du 23 février, donne le camp de la «sortie» et celui du «maintien» au coude à coude, avec une montée de la part des indécis à 25%, le taux le plus élevé en deux ans.
Les sondages devraient continuer à évoluer fortement dans les jours et les semaines à venir sous l'effet de la campagne, mais une forte montée des partisans du maintien nous paraît assez peu probable, ce qui signifie que l'incertitude sur le résultat devrait rester élevée jusqu'au référendum.
La probabilité d'un Brexit
Nous continuons de penser que la probabilité d'un Brexit est de moins de 50%. Tout d'abord, nous croyons que les indécis auront une propension élevée à voter pour le statu quo au moment de se prononcer réellement. Les sondages ont surestimé la probabilité d’un vote pour l'indépendance de l'Écosse avant le référendum de 2014 et ils n'ont pas davantage prévu la majorité remportée par les conservateurs lors de l'élection générale de mai 2015. Dans les deux cas, les sondages ont sous- estimé la tendance des Britanniques à choisir le statu quo.
Le deuxième point est qu'être eurosceptique ne signifie pas nécessairement être favorable à la sortie de l'UE. Cette analyse a été récemment corroborée par de nouveaux travaux de recherche conduits par NatCen Social Research. Ceux-ci concluent que les deux tiers de la population peut être considérée comme eurosceptique – ce qui est quasiment le niveau le plus élevé depuis que l'enquête a commencé en 1992 –, mais que moins d'un électeur sur trois (22%) est un eurosceptique « inflexible », c'est à dire un partisan d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne « même si on lui présente la possibilité de réduire les prérogatives de l'UE ». A l'inverse, la majorité des Britanniques souhaitent uniquement que les pouvoirs de l'UE soient réduits. Au total, ces travaux concluent que 60% des Britanniques préfèrent rester dans l'UE tandis que 30% souhaitent en sortir. Ces travaux suggèrent que les perspectives économiques en cas de Brexit sont le principal déterminant du vote (pour ou contre le maintien dans l'UE): ce critère dépasse les considérations sur l'identité du Royaume-Uni ou sur les conséquences culturelles, pour environ la moitié des personnes se disant préoccupées par ces sujets.
Le cadre juridique d'un Brexit
– Le fonctionnement d'un Brexit
L'article 50 du Traité de Lisbonne, qui est entré en vigueur en décembre 2009, a créé la possibilité pour un État membre de quitter l'UE. D'après ses dispositions (voir encadré), le Royaume-Uni pourrait décider de déclencher la procédure de sortie unilatéralement, c’est-à-dire sans avoir besoin de l'approbation des autres États membres. Une fois la notification de son intention de sortir de l'UE faite par le Royaume-Uni auprès du Conseil européen, les négociations débuteraient entre le Royaume-Uni et l'UE en vue de conclure un accord de retrait. Ce dernier serait conclu par le Conseil, à la majorité qualifiée, après obtention de l'accord du Parlement européen.
La date de sortie du Royaume-Uni de l'UE serait la date d'entrée en vigueur de l'accord de retrait. En cas d'échec des négociations, la sortie du Royaume-Uni de l'UE interviendrait deux ans après la notification faite par le Royaume-Uni au Conseil européen. Si un accord de retrait ne pouvait être conclu pendant cette période de deux ans – ce qui est hautement probable – le Traité prévoit la possibilité d'une prolongation des négociations, mais sous condition d'un accord unanime du Conseil européen.
Au cours des négociations sur l'accord de retrait, le Royaume-Uni resterait membre à part entière de l'UE et les traités de l’UE continueraient de s’appliquer. Le Royaume-Uni ne serait toutefois pas autorisé à participer aux discussions concernant l’accord sur sa future sortie, selon le paragraphe 4 de l’article 50.
Le Premier ministre britannique a confirmé qu’il prévoyait de lancer immédiatement des procédures juridiques de sortie si les Britanniques votaient pour le départ de l’UE. Ceci permet d’exclure un cas dans lequel David Cameron essaierait de renégocier l’accord après un vote en faveur de la sortie, pour proposer ensuite un second référendum.
Il serait dans l’intérêt de l’UE de trouver un accord qui limite autant que possible les perturbations qu’un Brexit provoquerait pour l’activité économique, compte tenu non seulement du niveau élevé d’intégration de nombreux pays européens avec le Royaume-Uni dans plusieurs domaines de l’activité économique (commerce, chaînes de production, investissements directs étrangers, mobilité des personnes), mais également, pour certains pays, en raison d’objectifs politiques communs avec le Royaume- Uni. Il est cependant très improbable qu’un accord offre au Royaume-Uni le même degré d’accès au marché de l’UE qu’aujourd’hui. Ce serait notamment le cas pour le secteur financier où la réglementation est extrêmement complexe et où l’UE enregistre un déficit commercial avec le Royaume-Uni.
Jean Claude Piris de la Fondation Robert Schuman2 estime que la capacité de négociation du Royaume-Uni pour conserver un large accès au marché unique ne doit pas être surestimée dans la mesure où l’excédent commercial de l’UE vis-à-vis du Royaume-Uni est concentré dans seulement deux pays (l’Allemagne et les Pays-Bas, qui totalisent plus de la moitié de cet excédent), alors que l’approbation d’un accord de retrait requiert une majorité qualifiée du Conseil européen.
Le commerce n’est évidemment pas le seul canal par lequel un Brexit impacterait les États membres de l’EU. Un ensemble d’indicateurs doivent être pris en compte pour évaluer l’exposition des pays de l’UE au Royaume-Uni, parmi lesquels l’investissement, les liens financiers et migratoires, mais aussi le degré d’alignement des différents états membres de l’UE avec les objectifs politiques du Royaume-Uni et le niveau de mécontentement de la population locale à l’égard de l’UE. Prenons l’exemple de l’Autriche : sur les plans économique et financier, la rupture des liens avec le Royaume- Uni ne constituerait pas un évènement très important, mais un Brexit pourrait avoir des répercussions politiques importantes, compte tenu du pourcentage élevé des Autrichiens ayant une mauvaise image de l’UE (41% d’après le baromètre de l’UE de décembre 2015).
– Les options juridiques d’un Brexit
Nous abordons ci-dessous les avantages et les inconvénients de différentes options qui pourraient servir de modèle à un éventuel accord de retrait entre le Royaume-Uni et l’UE. Il apparaît qu’aucune de ces différentes options ne serait satisfaisante pour le Royaume-Uni et que toutes comportent des inconvénients majeurs en comparaison de l’accord du 19 février sur lequel les Britanniques vont se prononcer.
Adhésion à l’Espace économique européen (EEE)3, à l’instar de la Norvège, du Liechtenstein et de l’Islande
Si l’UE proposait au Royaume-Uni d’adhérer à l’accord EEE, cela donnerait au Royaume-Uni un libre accès au marché unique (biens, services, capitaux et personnes). Les « quatre libertés » de l’UE continueraient de s’appliquer, comme si le Royaume-Uni était un membre de l’UE. Le Royaume-Uni ne serait plus impliqué dans les décisions de l’UE concernant des domaines tels que l’agriculture, la pêche, les affaires juridiques, la politique étrangère, etc.
Le principal inconvénient de cette option serait l’obligation pour le Royaume-Uni de se conformer à l’ensemble de la législation de l’UE relative au marché unique, sans avoir la possibilité d’en influencer le contenu, puisque les pays de l’EEE ne participent pas au processus législatif de l’UE. La Norvège n’a par exemple aucun représentant au Conseil européen, au Parlement européen ou à la Cour européenne de justice et son « droit de refuser de mettre en œuvre la législation de l’UE » est très difficile à mettre en pratique. Ces pays doivent par ailleurs mettre en œuvre les politiques européennes sociales, environnementales et de l’emploi, et contribuer au budget de l’UE.
En conséquence, une adhésion à l’EEE n’est pas une solution très intéressante pour le Royaume- Uni. On imagine mal le Royaume-Uni acceptant de mettre en œuvre de nouvelles règles concernant le marché unique, y compris dans le secteur financier, la libre circulation des personnes, etc., sans avoir voix au chapitre. De plus les Britanniques, pour lesquels l’immigration est la principale source d’inquiétudes, n’accepteraient pas d’obligation de se conformer aux règles de l’UE dans le domaine social ou de l’emploi.
Suivre l’exemple suisse et conclure des accords bilatéraux avec l’UE
Cette option permettrait au Royaume-Uni d’être un acteur dans certains secteurs spécifiques du marché unique via des accords bilatéraux avec l’UE. Il serait cependant impossible de conclure un ensemble complet d’accords en seulement deux ans, un délai beaucoup trop court. La Suisse, qui est membre de l’AELE depuis 1972, a conclu plus de 120 accords avec l’UE en deux cycles de négociations, dont l’élaboration et l’application ont pris environ dix ans.
L’inconvénient majeur de cette option du point de vue du Royaume-Uni serait de ne permettre qu’un accès partiel au marché unique. Point important, la Suisse n’a pas d’accord avec l’UE sur les services financiers, à l’exception de l’assurance non-vie (assurance dommages). Cela oblige les banques suisses à avoir des filiales dans l’UE et entraîne des coûts supplémentaires pour les banques. Les réglementations des services financiers de l’EU ajoutent des barrières significatives à l’accès au marché unique.
La complexité du cadre juridique qui régit les relations entre l’UE et la Suisse, l’accès limité au marché unique des services financiers et la nécessité d’accepter la libre circulation des personnes suggèrent que le Royaume-Uni ne suivra probablement pas l’exemple suisse.
Négocier un accord de libre-échange avec l’UE
Cette option n’est pas sans présenter des problèmes majeurs, qui en réduisent fortement l’attractivité pour le Royaume-Uni. Il a été démontré qu’aucun des accords existants avec l’UE avec des pays tiers n’est aussi complet que le Royaume-Uni le souhaiterait. De plus, même si un tel accord était conclu, le Royaume-Uni serait toujours obligé d’appliquer la législation de l’UE, au moins celle concernant les secteurs du marché unique auxquels il accèderait, sans avoir son mot à dire. Enfin, le Royaume-Uni serait obligé de ré- établir ses propres accords commerciaux avec le reste du monde, tout en étant dans une position de négociation nettement plus faible que l’UE (l’EU a signé environ 200 accords de libre-échange avec des pays ou groupes de pays tiers).
Négocier une union douanière avec l’UE, à l’instar de la Turquie
Cette option ne donnerait accès qu’au marché unique des biens, pas à celui des services. Le Royaume-Uni serait contraint d’appliquer les tarifs douaniers conclus par l’UE avec les pays tiers, sans avoir la possibilité d’influer sur ces tarifs.
Sortie « dans la douleur » de l’UE, le Royaume-Uni devenant un pays tiers de l’UE et étant dès lors soumis aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)
Dans ce scénario, le Royaume-Uni retrouverait sa pleine souveraineté dans le domaine intérieur et le domaine extérieur. Sur le plan du commerce, certains secteurs (l’automobile, la machinerie, la chimie, l’agroalimentaire, pour n’en citer que quelques-uns) verraient leurs exportations vers l’UE soumises à des tarifs douaniers significatifs. De plus, alors même que le Royaume-Uni perdrait son libre accès au marché unique, ses exportations vers les pays de l’UE devraient quand même se conformer aux standards de l’UE. Vis-à- vis du reste du monde, le Royaume-Uni ne bénéficierait plus des tarifs douaniers préférentiels conclus par l’UE auprès des pays tiers, mais aurait le bénéfice de la clause de «nation la plus favorisée ».
Conclusion : il n’y a pas de meilleure alternative au « nouveau statut » du Royaume-Uni au sein de l’UE
L’accord qui a été conclu entre le Royaume-Uni et l’UE le 19 février sur « un nouveau statut pour le Royaume-Uni au sein de l’UE » offre, selon nous, ce que David Cameron pouvait espérer de mieux. Non seulement cet accord prévoit de nouvelles dérogations pour le Royaume-Uni, en particulier dans le domaine de l’union bancaire, il est à la limite des principes fondamentaux de l’UE (notamment de la non-discrimination entre citoyens de l’UE).
Selon nous, en termes de compromis entre la souveraineté et l’accès au marché unique, cet accord est supérieur à toutes les options qui s’offriraient au Royaume-Uni si les Britanniques choisissaient de quitter l’UE. Il est impossible d’imaginer l’UE accorder un plein accès au marché unique sans imposer les règles communautaires et la surveillance des autorités européennes. Un accord de retrait conçu sur mesure pour le Royaume-Uni, dans lequel le Royaume-Uni garderait le même libre accès au marché unique tout en choisissant seulement les politiques de l’UE qui sont dans son intérêt, serait très difficile – pour ne pas dire impossible – à négocier par souci de l’UE de traitement équitable des pays membres de l’UE.
Les textes prévoient que le Royaume-Uni resterait un membre à part entière de l’UE pendant la période de négociation de l’accord de retrait, ce qui permettrait d’atténuer le choc initial sur l’activité économique, les entreprises continuant d’exercer leur activité comme à l’accoutumée. Un Brexit marquerait néanmoins le début d’une longue période d’incertitude concernant les relations à long terme entre l’EU et le Royaume-Uni, ce qui induirait une détérioration du climat des affaires et de la confiance des consommateurs, freinerait les projets d’investissement et ralentirait fortement la croissance. De plus, cette période d’incertitude risquerait de durer longtemps, car la conclusion d’un accord de retrait complet prendrait probablement plus de deux ans.
Nous pensons que d’ici le référendum, l’accent de la campagne pro-européenne sera davantage mis sur la primauté du nouveau statut accordé au Royaume-Uni à toutes les alternatives qui s’offriraient à lui en cas de Brexit. Notre scénario central continue de tabler sur le maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE après le référendum du 23 juin prochain.
NOTES
- D’après l’article 238(3)(b) du traité de Lisbonne, la majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 55% des membres du Conseil représentant les États membres participants, réunissant au moins 65 % de la population de ces États.
- Pour davantage de détails voir Si le Royaume-Uni quittait l’Union européenne : Aspects juridiques et conséquences des différentes options possibles, Fondation Robert Schuman, 5 mai 2015.
- L’Espace économique européen comprend les 28 États membres de l’UE et trois des quatre États membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE) : l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein.
ENCADRE
Quel est le contenu de l’accord ?
Nous résumons ci-dessous les principaux termes de l’accord, lesquels reprennent pour l’essentiel l’avant- projet établi par le Conseil européen le 2 février. Ces mesures s’appliqueront immédiatement après le référendum si le Royaume-Uni choisit de rester membre de l’UE.
1. Gouvernance économique : ensemble de principes selon lesquels les pays ne faisant pas partie de la zone euro ne doivent pas subir de discrimination, peuvent conserver leurs autorités de surveillance financière, ne participeront pas aux plans de sauvetage de la zone euro, auront connaissance des négociations concernant la zone euro et pourront demander individuellement au Conseil de reconsidérer une décision, mais sans droit de veto. Le texte reconnait la nécessité de « dispositions spécifiques au sein du corpus règlementaire unique », qui rendent possibles des exceptions à l’application uniforme des règles communes pour les pays qui ne font pas partie de la zone euro.
2. Souveraineté : reconnaissance du fait que le Royaume-Uni n’est soumis à aucun engagement d’intégration politique supplémentaire dans l’UE (ce point sera intégré dans les traités lorsqu’ils seront révisés) ; clarification de l’interprétation qu’il convient de faire de « union sans cesse plus étroite », laquelle est considérée comme « compatible avec une trajectoire d’intégration différente » et « n’oblige pas l’ensemble des États membres à se fixer une destination commune » ; possibilité pour les Parlements nationaux d’utiliser un «carton rouge» permettant à ceux-ci de s’opposer, moyennant une majorité de 55%, à tout projet de loi concernant la subsidiarité.
3. Politique migratoire et sociale : (a) mise en place d’un « mécanisme d’alerte et de sauvegarde » permettant, s’il est autorisé par le Conseil, à un État membre de restreindre les versements aux travailleurs de l’UE arrivés récemment des aides sociales pour lesquelles ils n’ont pas contribué, pour une durée totale pouvant aller jusqu’à quatre ans après le début du premier emploi. Cette mesure, qualifiée de « freinage d’urgence », s’appliquerait pendant une période de sept ans ; (b) dispositif limitant l’exportation des allocations familiales pour les enfants vivant dans d’autres pays de l’UE, avec une indexation de ces allocations prenant en compte le niveau de vie dans les pays de destination ; cette mesure s’appliquerait à l’ensemble des allocations familiales à partir de 2020.
4. Compétitivité : ce sujet était le moins controversé. L’accord prévoit des engagements à « implémenter et renforcer le marché unique », à abaisser les charges administratives et les coûts de mise en conformité pour les acteurs économiques, en particulier pour les petites et les moyennes entreprises. Ces déclarations d’intention manquent cependant d’objectifs quantifiables. x
ENCADRE
2 Article 50 du Traité de Lisbonne
1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union.
2. L'État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l'Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union. Cet accord est négocié conformément à l'article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il est conclu au nom de l'Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée1, après approbation du Parlement européen.
3. Les traités cessent d'être applicables à l'État concerné à partir de la date d'entrée en vigueur de l'accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l'État membre concerné, décide à l'unanimité de proroger ce délai.
4. Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l'État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent. La majorité qualifiée se définit conformément à l'article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
5. Si l'État qui s'est retiré de l'Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l'article 49.