Croissance mondiale : modérée mais suffisante !

par François-Xavier Chauchat, Economiste chez Dorval AM

Il est maintenant établi que les Cassandre se sont réveillées trop tôt cette année. Le scénario d’une crise financière chinoise a perdu en crédibilité, les prix des matières premières se sont stabilisés, l’économie américaine se porte bien, et même le Brexit a échoué à déstabiliser les marchés. Même si le vote britannique porte des risques très significatifs pour l’avenir, le Royaume-Uni semble avoir évité la récession, et la contagion à la périphérie de la zone euro—et à l’Italie en particulier—n’a pas eu lieu.

Maintenant que nous y voyons un peu plus clair, il apparait que la croissance mondiale reste modérée, et, logiquement, le message des marchés financiers est qu’il n’y avait pas de raison de s’en plaindre. Il y a suffisamment de croissance dans le monde pour que nombre de sociétés puissent prospérer, et en même temps pas assez pour qu’un risque de surchauffe n’apparaisse. Cette phase d’expansion pourrait donc s’avérer aussi spectaculaire dans sa durée qu’elle a été peu spectaculaire dans son intensité. 



Mais derrière la stabilité de la croissance globale émerge un nouveau cycle. Une période s’achève, qui a vu les pays émergents ralentir nettement, la croissance en Europe accélérer, et l’économie américaine connaître une croissance volatile mais correcte. Nous entrons dans une phase de croissance mieux synchronisée. De grands pays émergents sortent de récession (Brésil, Russie), l’Europe devrait pouvoir maintenir son rythme de croisière, mais avec plus d’investissement—en particulier dans la construction—et moins de gains venant de la baisse des prix à l’importation. L’Amérique devrait aussi connaître un meilleur équilibre entre consommation et investissement. De ce point de vue, nous ne pensons pas que les mauvais chiffres des enquêtes ISM doivent inquiéter outre mesure.
 


Les catastrophes annoncées n’ayant pas eu lieu, les marchés actions ont pu monter fortement, d’environ 20% en six mois. Les prochaines semaines pourraient être volatiles, comme souvent après l’été, mais l’hypothèse d’une bulle sur les marchés actions paraît peu convaincante. Les indices globaux demeurent en ligne avec l’évolution économique sur longue période, les risque politiques sont bien pris en compte sur les marchés européens (voir notre DMC de juillet) et le positionnement des investisseurs reste prudent.



Les marchés obligataires, en revanche, pourraient eux souffrir d’un excès d’optimisme. Ils n’escomptent qu’à peine plus d’une hausse des taux de la Fed dans les deux ans à venir, alors que les modèles économiques suggèrent que les taux des Fed Funds pourraient grimper à 2-2.5% en 2018. Il est possible que le marché soit plus proche de la réalité que les modèles, mais il est peu probable que les taux se situent plus bas encore que ce que le marché anticipe. Dans cette optique, nous avons commencé à nous couvrir contre le risque de taux dans nos portefeuilles internationaux. 



Enfin, il est clair que les indices actions mondiaux ont tiré une partie importante de leur force de la stabilisation des pays émergents. L’exposition directe et indirecte du MSCI monde aux pays émergents s‘élève en effet à 35%. En Europe, le réveil de certains des secteurs les plus déprimés soutient aussi les bourses. Les actions bancaires ont arrêté leur chute, et les entreprises du secteur de la construction voient leur profitabilité s’améliorer. Nous nous attendons à ce que ces facteurs positifs se confirment dans les trimestres à venir.