par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique chez Natixis AM
Discours très politique de Theresa May sur la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne (voir ici). Le référendum sur le Brexit doit se traduire par une dissociation entre le Royaume Uni et l’Union Européenne. La loi britannique doit être votée par les britanniques. Pour éviter toute ambigüité, il n’y aura plus d’accès au marché unique. L’accord de libre-échange négocié avec l’UE sera ratifiée par le Parlement britannique.
L’objectif de ce discours très politique est de mobiliser l’ensemble des britanniques au cours de cette rupture. C’est par la mobilisation de tous que le Royaume Uni sortira de l’UE tout en se donnant les capacités de se reconstruire pour être au coeur de l’économie globale. Le terme de « Global Britain » utilisé par le premier ministre traduit la dimension nouvelle qu’elle veut associée à ce nouveau départ.
Cela veut dire aussi qu’il faudra du sang et des larmes pour réussir, chacun devra se mobiliser à la réussite du projet. Le Global Britain est plus fort, plus équitable, plus unifié et plus ouvert encore.
Elle définit aussi un cadre de négociations en 12 points. On peut les retrouver ici. Cependant, ce n’est pas aussi simple.
Les britanniques veulent sortir de l’Union Européenne et ne souhaitent plus avoir accès au marché unique car il faudrait respecter les 4 libertés de circulation (des hommes, des biens, des services et des capitaux). Or la liberté de mouvement des hommes est la liberté que Theresa May et son gouvernement ne veulent pas accepter. Comment alors être un pays global et ouvert sur le monde (le fameux Global Britain) tout en restreignant l’accès des hommes à ce pays? Il y a une contradiction dans les termes. Ce n’est pas en changeant le statut et la situation des étrangers que le revenu des britanniques va spontanément s’améliorer. La perte de capital humain pénalisera l’économie britannique.
La seconde remarque est que le premier ministre britannique écrase le temps. Elle sort du marché unique mais va signer rapidement des accords commerciaux avec l’Europe (accord de libre-échange) et avec d’autres pays dans le monde. Il y aura un temps long entre la rupture des règles et la signature des accords commerciaux.
La fin de l’accès au marché unique va se traduire par une rupture dans les règles des échanges britanniques et une baisse dans les échanges avec les pays de l’UE (l’accès au marché unique permet une plus grande densité des échanges entre les pays membres que ne le suggérerait les échanges entre pays géographiquement proches et de stade de développement similaire).
Cela va avoir un effet négatif persistant sur les entreprises britanniques même si les échanges se poursuivent avec les pays de l’UE. La signature d’un accord de libre-échange prendra beaucoup de temps. La période de transition évoqué par Theresa May s’inscrit dans cette phase de négociations qui peut prendre plusieurs années. Les traités commerciaux avec d’autres pays que ceux de l’UE seront longs à négocier. C’est toujours ce qui est observé et l’on ne voit pas les raisons d’un traitement spécifique pour les britanniques.
En outre, le premier ministre britannique fait toujours référence à la possibilité de voir les échanges de façon significative avec potentiellement tous les pays, portant ainsi l’économie britannique vers le haut. On sait que l’on échange principalement avec des pays proches géographiquement et similaires en terme de développement (modèle de gravité). C’est pour cela que les échanges avec les pays de l’UE resteront importants pour le Royaume Uni. Les pays lointains pourraient échanger davantage mais sans jamais avoir l’impact attendu par le premier ministre.
En d’autres termes, le premier ministre mobilise les britanniques mais sans pour autant de donner un cadre homogène (le Global Britain sans la liberté de mouvement pour les hommes) ni une méthode pour faire du Brexit un succès si ce n’est le sang et les larmes et la signature d’accords commerciaux. Il en faudra davantage pour que chacun se mobilise dans la durée.