Italie : Monte dei Paschi, et maintenant ?

par Thomas Humblot, Economiste chez BNP Paribas

La recapitalisation privée de Monte dei Paschi di Siena (MPS) n’a pas rencontré le succès espéré.

Une nouvelle solution doit être trouvée afin de ramener la banque à une situation plus viable.

Le soutien temporaire de l’Etat italien pourrait démarrer dans les mois à venir tant sur le plan de la solvabilité que sur celui de la liquidité.

Monte dei Paschi di Siena n’a pas réussi à finaliser son plan de recapitalisation privée de EUR 5 mds. L’absence d’investisseur(s) de référence et l’annonce, par la banque, d’une détérioration de sa liquidité expliquent notamment le manque d’intérêt des marchés pour l’opération. Les EUR 2 mds déjà obtenus grâce à deux plans volontaires de conversion d’obligations en actions (qui n’auraient été effectifs qu’en cas de réussite de l’appel aux marchés) n’ont pas suffi à accroître la confiance des investisseurs. En tout état de cause, un autre plan de sortie de crise doit être élaboré pour MPS.

Suite à l’abandon du plan de recapitalisation avant même la date butoir du 31 décembre 2016, le Conseil des ministres italien a validé la loi-décret n°237/2016. Cette dernière autorise le Trésor à lever EUR 20 mds supplémentaires afin de venir en aide au secteur bancaire domestique. Ces fonds seront alloués au ministère des Finances et auront pour objectif de soutenir la liquidité et la solvabilité des banques.

Cela passera notamment par une garantie apportée aux titres de dettes nouvellement émis mais également par l’achat d’actions bancaires si nécessaire. Le 29 décembre 2016, la Commission européenne (CE) a autorisé l’Italie à prolonger son dispositif de garanties fournies à la liquidité des banques durant six mois. Les fonds apportés dans le cadre du volet solvabilité de la loi- décret ne doivent pas pouvoir être interprétés comme une aide d’Etat et restent donc soumis à l’approbation de la CE au cas par cas.

Selon le schéma envisagé à l’heure actuelle, MPS devrait faire l’objet d’une recapitalisation préventive afin de «préserver la stabilité financière de l’Italie ». L’objectif justifie cette mesure exceptionnelle, temporaire, qui n’implique pas la mise en résolution de la banque et autorise l’intervention de l’Etat1. Pour bénéficier de ce soutien, MPS a dû être préalablement reconnue solvable par la Banque centrale européenne (BCE). Cette appréciation repose sur les résultats du scénario central des stress tests menés par l’Autorité bancaire européenne (EBA) en 2016.

Cette exception à la règle du bail-in prévoit néanmoins que le montant de la recapitalisation soit estimé sur la base du scénario adverse des stress tests. Ainsi, les besoins en fonds propres supplémentaires sont maintenant chiffrés à EUR 8,8 mds2. Ils permettraient à MPS de conserver un ratio de CET1 fully loaded de 8% et un ratio total de fonds propres de 11,5% durant une crise telle que celle retenue comme hypothèse pour le calibrage des stress tests.

Dans l’attente d’une évaluation plus précise, la Banque d’Italie estime à EUR 6,6 mds le montant du soutien de l’Etat à MPS : EUR 4,6 mds serviraient à la recapitalisation de MPS et EUR 2 mds viendraient indemniser 40 000 investisseurs individuels de la banque. Le gouvernement italien justifie la mise en place de ce mécanisme de compensation par un défaut d’information sur les risques réellement encourus par la clientèle de détail lors de la vente des obligations subordonnées bancaires. Cette compensation pourrait prendre la forme d’une conversion des obligations subordonnées en actions, puis d’un échange de ces dernières contre des obligations seniors de même valeur. La question est actuellement de savoir si la compensation doit se faire sur la base de la valeur nominale des obligations juniors ou, comme le suggère le président du régulateur des marchés financiers national (Consob), sur la base du prix payé par les investisseurs en cas d’achat sur le marché secondaire s’il est inférieur au pair. Le caractère transitoire de ce soutien serait de nature à en limiter le coût pour les contribuables. Les EUR 2,2 mds de fonds propres supplémentaires restant à constituer pour atteindre les EUR 8,8 mds seraient à la charge des « autres » créanciers. Leurs obligations seraient converties à 18, 75 et 100% de leur valeur nominale.

L’Etat deviendrait temporairement actionnaire de la banque à plus de 70% ce qui pourrait compromettre la participation du fonds privé Atlante au plan de cession des créances douteuses (NPL – Non- performing Loans) de MPS. Le fonds avait, en effet, indiqué qu’en cas de participation de l’Etat supérieure à EUR 1 md au plan de recapitalisation, il ne prendrait pas part au rachat des NPL. Si tel devait être effectivement le cas, le marché pourrait faire preuve d’un surcroît de prudence à l’endroit de la banque.

En définitive, MPS est susceptible d’émettre prochainement EUR 15 mds d’obligations avec le soutien de l’Etat afin d’assurer sa liquidité pour les mois à venir. La recapitalisation préventive pourrait, elle, être réalisée dans un délai de quelques mois. Reste en suspens la question de la cession des créances douteuses tant en termes de montant que de calendrier. A ce jour, la Consob maintient la suspension de cotation de l’action MPS qui avait vu son cours reculer de 28% entre le 19 et le 22 décembre 2016.

NOTES

  1. « En quoi consiste et comment fonctionne une recapitalisation préventive », Banque centrale européenne, 27 décembre 2016.
  2. « The “precautionary recapitalisation” of Banca Monte dei Paschi di Siena », Banque d’Italie, 29 décembre 2016.

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