par Jean-François Hirschel, directeur marketing global d’Unigestion
Un des plus grands défis auquel l’humanité doit faire face aujourd’hui est d’équilibrer les ressources planétaires et les besoins infinis des consommateurs. La consommation d’énergie, d’eau, de matières premières et de ressources naturelles ne cesse d’augmenter dans le monde entier. Les statistiques sont affolantes : nous consommons chaque année davantage de ressources que la planète ne peut en régénérer.
Avec les niveaux de production actuels, nous détruisons lentement l’environnement et provoquons d’inexorables changements climatiques.
La pérennité de notre style de vie moderne est in fine dépendante de notre capacité à développer des méthodes alternatives de production durable et d’adopter de nouveaux modes de consommation.
Aujourd’hui, le monde est non seulement confronté à des problèmes environnementaux, mais aussi à de multiples crises : crise des hydrocarbures, des denrées alimentaires et de l’eau. En effet, bien que le ralentissement économique actuel réduise la pression sur les prix du pétrole, le défi est désormais de garantir un accès durable aux énergies. Dépendantes des énergies importées, l’Amérique du Nord et l’Europe pourraient un jour ne plus être en mesure d’importer du pétrole.
Par ailleurs, pour subvenir aux besoins liés à l’accroissement de la population planétaire, la production mondiale alimentaire devrait doubler d’ici 2050. Cependant, la santé et la biodiversité des éco-systèmes déterminant la durabilité de la productivité agricole s’érodent rapidement.
Enfin, la consommation d’eau augmente deux fois plus vite que la population mondiale et dans moins de 20 ans la demande globale en eau excédera les ressources disponibles. D’ici 2025, deux tiers de la population mondiale fera donc face à un manque d’eau. Parallèlement à la croissance des populations, la disponibilité de l’eau dans un grand nombre de régions du monde est de plus en plus affectée par les changements climatiques (modèle changeant de précipitations, fonte des glaciers, sécheresse).
L’investissement « vert » : une solution
Au cours des deux dernières décennies, des montants importants ont été alloués à l’immobilier, aux combustibles fossiles et aux actifs financiers structurés. Mais aujourd’hui un grand nombre d’institutions publiques et d’organisations supranationales plaident pour la réallocation des actifs vers l’innovation, la recherche et l’investissement dans la « Clean Tech », comme par exemple les technologies liées à la génération d’énergie alternative, le stockage de l’énergie, l’amélioration des rendements énergétiques, la réduction des émissions polluantes, le traitement de l’eau et le recyclage.
Cette réallocation, source de nouvelles opportunités d’investissements, a pour but d’obtenir de meilleures performances tout en utilisant moins de ressources naturelles, en polluant et en gaspillant moins. Le secteur du développement durable est en passe de devenir le principal contributeur de la croissance du PIB des grandes économies mondiales. Le marché global des produits et services de développement durable est actuellement estimé à 300 milliards de dollars. Mais ce chiffre ne devrait cesser d’augmenter. Selon les analystes, ce marché devrait atteindre 1300 milliards de dollars d’ici à 2017.
Il est urgent d’agir. Le forum économique mondial souligne d’ailleurs dans son rapport 2009 « L’investissement vert : vers une infrastructure d’énergie propre » la nécessité d’investir d’importantes ressources dans les infrastructures en énergie. Le montant à injecter est estimé à 500 milliards de dollars par an jusqu’en 2030.
L’impact de la crise financière
La crise économique actuelle a mis en exergue « l’investissement vert ». Au vu du fort potentiel de croissance des secteurs « verts », il semble de plus en plus évident de soutenir ce type d’investissements non seulement pour permettre la reprise de l’économie mondiale mais aussi pour atteindre de meilleurs retours sur investissement.
Le maintien et la création d’emplois ainsi que la croissance des revenus des ménages sont des éléments essentiels pour la stabilité sociale, la restauration de la demande et la reprise de l’économie. Les sociétés du secteur « vert » sont un gisement d’emplois important et durable. A niveau d’investissement comparable, ces sociétés sont plus créatrices d’emplois que les secteurs traditionnels. La création de nouveaux emplois dans les secteurs « verts » devrait donc avoir la priorité par rapport à l’utilisation concurrente de mesures fiscales.
Pourquoi le Private Equity ?
Une autre tendance s’affirme. Si le développement durable s’est fortement développé au cours des dernières années dans les actions cotées, la tendance a récemment gagné en « momentum » dans le Private Equity. Les actifs totaux investis dans le développement durable en Private Equity ont ainsi été multipliés par six en trois ans 1). Ce type d’investissements nécessite des équipes dédiées avec des connaissances et compétences spécialisées, capables de déceler les tendances avant les autres et de comprendre l’environnement réglementaire changeant, ce que les acteurs du Private Equity sont particulièrement à même de faire. Par ailleurs, l’horizon à long-terme du Private Equity permet aux gérants de mieux construire leur portefeuille et de mieux gérer le suivi des sociétés qui le composent.
Investir dans le développement durable au travers du Private Equity élargit le spectre d’opportunités et offre un accès à de multiples stratégies d’investissements. Le secteur du développement durable comprend des milliers de sociétés privées et publiques. Tandis que la plupart des sociétés cotées ont atteint une certaine taille et un certain niveau de maturité (pré-requis pour être cotées), les technologies innovantes sont souvent développées par des sociétés qui n’ont pas la taille critique pour être introduites en bourse. Le développement de certaines technologies telles que les piles à combustible ou les agro fuels durables est plus avancé dans les jeunes pousses et sont, par conséquent, seulement accessibles aux investisseurs en Private Equity. Ces sociétés privées peuvent être des start-ups, des sociétés déjà profi tables et en pleine croissance, des sociétés matures avec un bilan stable ou même des constructeurs d’infrastructures énergétiques.
Enfin, un autre point fort du Private Equity est sa capacité à atténuer les risques et à réduire la volatilité à travers l’exposition à un grand nombre de sous-secteurs de différentes natures et réagissant à différents facteurs exogènes.
Au-delà de l’effet de mode, l’investissement dans le développement durable en Private Equity est profitable. Bien que ce phénomène soit relativement récent, les performances sont jusqu’à présent excellentes. En Europe, un échantillon de 129 investissements réalisés entre 2001 et 2006 (près de 50% de ces investissements ont été faits) ont généré 2.6x le capital investi et un TRI de 55% 2). Aux Etats-Unis, l’ensemble des introductions en bourse et cessions dans le secteur sur une période de 16 ans a été réalisé avec un multiple médian de respectivement 5.3x et 4.1x le capital investi 3).
Même si des millions de dollars ont été injectés dans le secteur du développement durable au cours de la dernière décennie et que leur part dans le portefeuille des investisseurs institutionnels a significativement augmenté, les investissements « verts » demeurent encore marginaux.
Au vu des restrictions réglementaires et du changement radical de la conscience collective, c’est le secteur privé qui déterminera largement le succès des investissements « verts ». Qui davantage que le Private Equity est capable de transformer les obstacles en opportunités ?
NOTES
1) New Energy Finance
2) Ibid
3) CleanTech Venture Network
Sources:
A Global Green New Deal, Policy Brief, Mars 2009, UNEP Green Investing, World Wealth Report 2008 Green Investing, Towards a Clean Energy Infrastructure, WEF, Jan 09