par Alexandre Bourgeois, économiste chez Natixis
A première vue, les plans de relance gouvernementaux annoncés à grand renfort de publicité à l’automne dernier semblent avoir eu peu d’impact sur les économies des pays de l’OCDE. En effet, après une fin d’année 2008 catastrophique, les PIB des principaux « pays développés » ont enregistré au premier trimestre un repli impressionnant, inédit même pour la plupart d’entre eux. En rythme annualisé, ce dernier atteint ainsi 6,1 % aux Etats-Unis, 15,2 % au Japon, 14,4 % en Allemagne, 4,7 % en France, 7,3 % au Royaume-Uni, 7 % en Espagne…
On aimerait penser que, sans l’intervention de la puissance publique, ces reculs auraient été encore plus impressionnants, l’idée sous-jacente étant que le recul de la demande privée a été, même très partiellement, compensé par l’augmentation de la demande publique (consommation et investissement). Le détail des différents comptes nationaux qui commence à être publié rend toutefois délicat la vérification de cette hypothèse.
A moins de croire que les plans de relance ont eu un réel impact positif sur le moral des agents économiques1 et donc sur leurs dépenses, il semble bien que, sur les trois premiers mois de l’année, le volontarisme public n’ait été d’aucun secours pour la croissance. Ainsi, sur le premier trimestre, les postes consommation et investissement publics2 ont soit reculé (Etats-Unis, France), soit progressé de manière très modeste (Japon, Royaume-Uni, Espagne, Allemagne). Sur les douze derniers mois, les deux seuls pays qui concrétisent leurs discours par une hausse significative des dépenses publiques dans les comptes nationaux sont l’Espagne et le Royaume-Uni, avec une progression de la consommation publique de respectivement 5,4 % et 3,5 % par rapport au premier trimestre 2008.
Ce paradoxe apparent est en fait assez simple à expliquer. Les plans de relance se décomposent en deux grandes catégories de mesures. Les premières visent, via des baisses d’impôt ou des transferts sociaux, à stimuler les dépenses des agents privés. Elles ont l’avantage d’être mises en place de manière quasi-immédiate mais « l’inconvénient » de laisser aux ménages et entreprises l’initiative de la dépense. Or, dans le contexte de défiance importante observée ces derniers mois, les agents économiques ont, bien souvent, préféré épargner ce surplus de pouvoir d’achat, plutôt que de le dépenser. Le surcroit de croissance lié à la politique de relance est donc, dans ce cas précis, très faible. Les secondes catégories de mesures, les investissements et autres dépenses publiques « directes », ont l’avantage de pallier ce défaut. Toutefois, bien souvent, elles mettent du temps (grande inertie de la décision publique) avant de porter leurs fruits. Bref la solution miracle ne semble pas exister et l’objectif des gouvernements « d’agir vite et fort »3 est rarement rempli.
Faut-il, dans ces conditions, renoncer à l’action publique ? La réponse est bien entendu négative, l’imperfection des plans gouvernementaux ne signifiant pas leur inutilité. L’exemple de la crise de 1929 où l’absence de réponse politique crédible et proportionnée avait eu des conséquences désastreuses sur l’activité doit en effet nous revenir en mémoire.
Même si le délai d’action de la politique budgétaire est certainement plus long qu’on ne pourrait l’espérer, son impact sur l’activité devrait apparaître de manière plus manifeste dès le deuxième trimestre. D’ailleurs, il faut se souvenir que, dans le cas américain, l’absence de traces du plan de relance dans les comptes nationaux est due à l’installation tardive de l’Administration Obama suite à l’élection présidentielle. En outre, la publication des comptes nationaux est toujours repoussée près d’un mois et demi après la fin du trimestre en question. Or les premiers signes tangibles d’amélioration, tant du côté de l’économie réelle (remontée des indices de confiance en particulier) que de la finance (redressement des marchés actions, baisse de l’aversion pour le risque et de la volatilité), commencent à se matérialiser.
Enfin, les racines de cette crise étant profondes, elle ne devrait pas s’évaporer en quelques semaines. Et ce d’autant plus que le désendettement du secteur privé qu’on observe depuis plusieurs mois devrait perdurer pendant encore de longs trimestres. En conséquence, les plans de relance ont encore le temps de produire leurs effets et d’aider les économies occidentales à sortir de l’ornière. La crainte de voir leurs effets se produire alors que les économies seront déjà en haut de cycle n’apparaît donc pas fondée.
NOTES
(1) Ce qui semble difficile à valider sachant que les enquêtes de confiance ont, d’une manière générale, atteint des planchers historiques en début d’année.
(2) L’investissement public n’est pas toujours explicite dans les comptes nationaux.
(3) Dixit Nicolas Sarkozy, lors de l’annonce du plan de relance français le 4 décembre 2008.