par Mabrouk Chetouane, Responsable de la Recherche et de la Stratégie chez BFT Investment Managers
En dépit du décalage cyclique existant entre les Etats-Unis et la zone euro, la reprise de l’inflation se fait attendre. Les déséquilibres sur le marché en zone euro d’une part et la dissipation des effets Philips aux Etats-Unis d’autre part figurent parmi les facteurs explicatifs les plus souvent avancés. Mais l’absence de progression sur le front des salaires pousse également à nous interroger sur la pérennité de la croissance aux Etats-Unis.
Les investisseurs s’interrogent : de nouvelles tensions inflationnistes vont-elles se manifester dans les mois à venir sur le Vieux Continent ? A priori, non. Même si l'inflation sous-jacente est remontée et progresse désormais à un rythme inobservé depuis près de trois ans, elle n’atteint toutefois que 1,2% en juillet (en glissement annuel).
Les excès de capacités au sein de la zone euro restent substantiels. Et l’une des manifestations les plus visibles de ces déséquilibres est observée sur le marché du travail où le chômage atteint 9,1 % de la population active en juin. La résorption de cet excès d’offre de travail devrait en toute logique entraîner une appréciation des salaires qui à son tour se traduirait par une augmentation des coûts, et in fine une hausse des prix sous-jacents en zone euro.
Nos estimations indiquent que le rythme de croissance observé en zone euro est susceptible de provoquer une réduction du taux de chômage de l’ordre de 0,8 point en moyenne par an. Toutes choses égales par ailleurs le taux de chômage devrait fin 2018 s’approcher de 8.0% réduisant de fait de la distance au taux de chômage structurel. Dans ce contexte, des tensions inflationnistes devraient ressurgir par le canal des salaires et nous tablons sur une augmentation moyenne de 0,3 pp par an de l’inflation sous-jacente jusqu’en 2019. Elle pourrait alors atteindre 1,8 % à cet horizon, soit un niveau qui reste en deçà de la cible de la BCE.
Quel risque sur la croissance américaine ?
En matière d’inflation, la confiance de la Fed concernant le rythme de progression des prix interrogent les marchés. Le doute est d’autant plus permis à l’aune des derniers chiffres publiés qui ne montrent aucun signe d’accélération de celle-ci. L’une des explications avancées repose sur la disparition de l’effet Phillips (mécanisme de transmission des tensions sur le marché du travail vers le prix des biens et des services). Mais ces moindres pressions salariales pourraient par ailleurs peser sur la consommation des ménages et in fine sur le PIB outre-Atlantique qui présente d’autres signes de fragilité. L’investissement des entreprises a bondi au premier trimestre 2017 dans un contexte marqué par un affaiblissement de la part des profits dans la valeur ajoutée. Une proportion significative de ce rebond est imputable à un effet de base en provenance du secteur minier et qui est par construction temporaire. Nous ne sommes, toutefois, pas alarmistes sur la trajectoire de croissance de l’économie américaine. Les investissements sont simplement arrivés à maturité et vont continuer de reculer graduellement.
La déception la plus probable viendra d’une mise en oeuvre différée voire amoindrie des mesures de relances budgétaires annoncées par Donald Trump (baisse des taxes pour les entreprises et les ménages…). Nous émettions déjà les plus grandes réserves dès l’élection de ce dernier quant à sa capacité à mettre en oeuvre son programme économique (timing inadéquat, blocages institutionnels, etc,…) et nous continuons de penser que la croissance n’excédera pas 2,1 % en 2017 tout en maintenant notre vigilance sur les points de fragilité mentionnés.