par Emmanuel Auboyneau et Xavier d’Ornellas, Gérants associés chez Amplégest
Depuis la crise de 2008, l’économie mondiale vit globalement sous l’assistance des banques centrales, par des politiques monétaires très expansionnistes et non conventionnelles, qui ont largement contribué au sauvetage, puis à la stabilisation des économies. Aujourd’hui, alors que la croissance mondiale frôle les 4%, que la reprise est manifeste dans toutes les zones géographiques et que l’inflation, que l’on croyait disparue, réapparait progressivement, la question légitime du maintien de telles politiques se pose. Les banques centrales ont devant elles une tâche très compliquée : elles doivent normaliser petit à petit leurs politiques monétaires sans casser la reprise en cours et sans effrayer les investisseurs.
Aux Etats-Unis le mouvement est commencé depuis plusieurs années. Un « tapering » progressif, réduisant puis stoppant les achats d’actifs de la Fed, a précédé les premières hausses de taux courts et la prochaine réduction de la taille du bilan de la banque centrale. La trajectoire pourrait s’accélérer en 2018, à mesure que la croissance et l’inflation donneront des arguments pour cette normalisation monétaire. Il est important de noter que, pour l’instant, les décisions américaines, prudentes et déjà annoncées, n’ont pas eu d’impact négatif sur l’économie et sur le sentiment des investisseurs.
L’Europe, en retard dans son cycle de reprise économique, en raison d’un décalage dans le traitement monétaire de la crise, n’a pas les mêmes perspectives. Nous ne prévoyons pas de hausse des taux courts avant au moins une année. Toutefois, il est très probable que la BCE commence rapidement à réduire ses achats d’actifs. Un tel mouvement, conjugué à la vigueur de l’économie et à la progression de l’inflation (proche de 2% en Allemagne) devrait provoquer une remontée des taux longs, aujourd’hui à des niveaux excessivement bas.
L’exemple japonais
Le Japon est l’archétype du pays ayant mis en place une politique monétaire ultra-agressive, doublée d’une importante relance budgétaire (les Abenomics). En déflation depuis des années, il voit sa situation s’améliorer notablement depuis quelques mois, dépassant les prévisions les plus optimistes. Croissance et inflation sont à la hausse et la question se pose sur la pérennité d’une telle politique de la BoJ. Jusqu’à présent, la banque centrale maintient son cap expansionniste. Un vrai doute subsiste cependant sur des inflexions possibles en 2018.
La politique monétaire chinoise est plus difficile à appréhender. La Chine doit faire face à une transformation de son modèle économique dont le pilotage nécessite beaucoup de doigté. L’objectif est de maintenir une croissance supérieure à 6%, plus autonome et moins dépendante de l’extérieur. Les politiques monétaires et budgétaires répondront à cette ambition et resteront, de ce fait, très pragmatiques.
2018 sera donc l’année des changements de politiques monétaires, à des rythmes différents selon les pays. Cette tendance n’est pas neutre pour les marchés financiers. Les obligations devraient souffrir de la remontée des taux longs aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Une évolution des politiques monétaires, décalée par rapport aux anticipations, pourrait entraîner un surcroit de volatilité sur les actions, qui continueront toutefois de bénéficier des bonnes nouvelles économiques. L’allocation géographique (préférence pour l’Europe et le Japon) et sectorielle (favorable aux cycliques et aux financières) sera déterminante. La valorisation actuelle des marchés, surtout aux Etats-Unis, intègre une croissance solide des bénéfices des entreprises en 2018. Il faudra être vigilant sur les publications trimestrielles qui préjugeront du potentiel des marchés actions.