par Marie Brière, économiste chez Crédit Agricole AM
Le mouvement de remontée des taux longs amorcé en début d’année s’est accéléré, reflétant la baisse récente de l’aversion au risque et les craintes liées à la soutenabilité des déficits publics.
La remontée des taux longs, amorcée dès le début de 2009 aux États-Unis et en Europe, s’est accélérée ces dernières semaines de façon assez brutale, les taux gouvernementaux à 10 ans atteignant aujourd’hui 3,60 % aux États-Unis et 4 % en France. Ils sont désormais très proches des niveaux fondamentaux définis par nos modèles d’équilibre, l’écart s’est en effet réduit à 30 points de base aux USA et 20 pb en France.
Cette hausse reflète plusieurs changements dans les anticipations des intervenants. Elle s’explique tout d’abord par une inquiétude accrue des marchés concernant la détérioration des finances publiques, avec le risque que les notations des dettes des États pourraient être dégradées (risque matérialisé au Royaume-Uni le 22 mai par le placement de la dette souveraine en negative outlook par l’agence de notation Standard &Poors). Cette détérioration des finances publiques alimente par ailleurs des craintes d’un retour de l’inflation, comme en témoigne la forte hausse des points mort d’inflation valorisés sur le marché des obligations indexées. Mais la hausse récente des taux reflète également le reflux de l’aversion au risque des investisseurs et la réallocation progressive de leurs portefeuilles vers les actifs risqués : actions, titres émergents, après le fort mouvement de flight to quality généré par la crise financière.
La question est aujourd’hui de savoir si cette remontée des taux peut encore se prolonger durablement. Dans un contexte de taux directeurs maintenus durablement bas par les Banques centrales, on peut s’attendre dans les mois qui viennent à une intensification de leurs achats de titres d’État. La Fed a aujourd’hui un plan d’achat de 300 milliards de dollars de bons du Trésor, ce qui lui permettra à terme de ramener la taille de son portefeuille d’obligations d’État à un niveau proche de celui d’avant la crise. La BCE, quant à elle, aurait débattu d’un plan d’achats d’actifs de 125 milliards d’euros. Il est clair que les deux Banques centrales auront à cœur de faire leur possible pour freiner une hausse trop importante des taux longs. La forte pentification de la courbe des taux constatée ces derniers mois, en limitant les possibilités de refinancement des prêts hypothécaires, est une source de risque supplémentaire pour l’économie, dont les signes d’amélioration restent balbutiants.