par Pierre-Alexis Dumont, Responsable de la gestion actions et convertibles chez Groupama AM
Les opérations d’introduction en bourse ou de fusion & acquisition de sociétés cotées font potentiellement figure d’opportunités pour les investisseurs boursiers. Par ces choix structurants, les compagnies concernées cherchent à lever des capitaux dans un cas, se rapprocher dans l’autre, pour in fine permettre un (re)gain de compétitivité et consolider, ou doper, leur croissance. Des ambitions de nature à être a priori plutôt saluées en Bourse.
Pour autant, en pratique, ces situations revêtent des caractéristiques assez distinctes l’une de l’autre. Les investisseurs boursiers souhaitant tirer bénéfice d’une IPO ou d’un M&A doivent avant tout bien définir leur horizon d’investissement.
IPO : des retours sur investissement boursier à considérer sur un temps long
Car la réussite ou non d’introductions en bourse se matérialise dans l’évolution des cours boursiers sur un temps généralement beaucoup plus long que dans le cadre d’opérations de M&A. Pour attirer les investisseurs, les entreprise en cours d’IPO ̶ surtout lorsqu’elles sont encore relativement peu connues du public ̶ n’hésitent pas à surévaluer l’attrait de leur business model ou de leurs perspectives de développement. Des « promesses » souvent difficilement réalisables à court-moyen terme et donc sources de déception boursière à ces horizons. Lecture critique du business-model, des prévisions, mais aussi patience, sont de rigueur chez les investisseurs boursiers.
De plus, déceler le potentiel de valorisation dans le cadre d’une introduction appelle une analyse étroite de la gouvernance de l’entreprise. Il est évidemment important de scruter l’alignement des intérêts entre le board et les actionnaires au moment de l’opération, et d’identifier tout type de signal de nature à susciter de l’instabilité : par exemple, un retrait total des associés fondateurs, une rupture dans le management ou une sortie des fonds de private equity qui étaient investis dans la société, pouvant traduire une optimisation des coûts et de la rentabilité déjà entièrement réalisée. Et par conséquent de faibles marges de croissance à venir et des réinvestissements significatifs dans l’appareil de production.
Pro-cyclicité des opérations de M&A
Les opérations de M&A, quant à elles, se caractérisent par leur nature pro-cyclique. Les velléités de rachats ou d’absorption s’autoalimentent au sein d’un secteur, les concurrents jouant à tour de rôle la carte de la consolidation. En 2017, portés par un environnement macroéconomique exceptionnellement favorable, les secteurs financiers, de la consommation non cyclique, des communications ou de la technologie ont fait l’objet d’une multitude de fusions & acquisitions. Notons les opérations en projet ou déjà réalisées Qualcomm/Broadcom (consolidation dans les NTIC), Sanofi/Ablynx (acquisition de nouvelles innovations dans la santé), Amazon/Whole Food (expansion dans un nouveau segment) ou encore Unibail/Westfield (diversification géographique). Les cibles autant que les sociétés acquéreuses sont à suivre de près. Dans le premier cas, l’acquéreur paye une prime de contrôle avec pour effet de doper les valorisations boursières pendant l’opération. Dans l’autre cas, l’acquéreur en cas d’intégration réussie peut extraire des synergies et améliorer sa rentabilité structurellement. Certaines sociétés (Eurofins scientifics, Altran, Atos…) ont inscrit la croissance externe dans l’ADN de leur business model avec la réussite qu’on leur connaît.
Ces dernières années, l’activité des fusions & acquisitions se révélait plus dynamique aux Etats-Unis qu’en Europe. Un rééquilibrage devrait être observé en 2018, avec notamment bon nombre de rapprochements transfrontaliers en projet en Europe sur le segment des petites et moyennes capitalisations. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de constater que ce segment est propice aux opérations de M&A, puisqu’il est composé d’entreprises n’ayant pas encore atteint leur pleine maturité et leur taille définitive, affichant de fait des potentiels de croissance élevés.
En zone euro, le contexte politique et économique plus stable qu’il y a quelques années ouvre la voie à des mouvements de consolidation dans les télécoms, les infrastructures et plus généralement les secteurs à forte réglementation, où la nécessité pour les acteurs d’amortir leurs investissements très lourds passe le plus souvent par des rapprochements. Les opportunités seront donc encore nombreuses en 2018, aux investisseurs de se montrer sélectifs afin d’identifier les cas d’investissement qui recèleront le plus de valeur !