Avec des marchés boursiers mondiaux qui s'effondrent avant de présenter une reprise en forme de V à la veille de Pâques, les experts en investissement de GAM donnent leur avis sur la probabilité et les conséquences potentielles d'une guerre commerciale initiée par les États-Unis.
Jian Shi Cortesi, gérante – stratégies actions asiatiques
L’accord du Président Trump pour une taxe à 25% des 50 à 60 milliards de dollars US sur les importations chinoises a entrainé une contre-offensive avec un droit de douane sur les 3 milliards de dollars US de produits américains. Tandis que l’incertitude autour d’une guerre commerciale a refroidi le sentiment des investisseurs, la plupart des entreprises cotées en Chine et en Asie ont très peu de revenus exposés aux exportations américaines. Les droits de douanes et le risque de guerre commerciale pourraient, toutefois, avoir un impact sur certaines industries chinoises et asiatiques telles que les équipements de communication et l’électronique. Dans notre stratégie d’investissement, nous favorisons les entreprises chinoises et asiatiques soutenues par la demande domestique ou la demande intérieure à l’Asie, dans les secteurs de la santé, des services financiers, de la technologie et des principaux secteurs liés à la consommation. Ces secteurs et ces industries ne seront pas directement impactés par les taxes et la guerre commerciale. D’un autre côté, les entreprises américaines avec une forte exposition de leur chiffre d’affaires sur la Chine pourraient être confrontées à un risque si la Chine cible en représailles les intérêts économiques des Etats-Unis en Chine.
Hans Ulrich Jost, gérant – actions Européennes value
Bien que les tensions Sino-américaines semblent s’estomper à l’approche de Pâques, il serait peu avisé d’exclure de nouveaux positionnements et repositionnements dans les semaines et les mois à venir. Toutefois, il est clair qu’il est difficile de comprendre comment les Etats-Unis pourront bénéficier de l’imposition de droits de douane et de contre-mesures alors que l’administration Trump n’a aucune carte en main. Ayant échoué à investir dans des infrastructures raisonnablement ou durablement ces 40 dernières années, les entreprises américaines de production d’acier sont inefficaces, obsolètes et incapables de concurrencer les producteurs d’acier étrangers de haut niveau, qu’importe la taxe de 25% sur les importations. De plus, dans de telles conditions, les acteurs américains majeurs dans la production hors aluminium de l’aéronautique spatiale, de l’automobile et des industries lourdes devront clairement payer des coûts de production beaucoup plus élevés sous prétexte de création d’emplois tertiaires aux Etats-Unis. Par conséquent, cela présenterait des opportunités pour les producteurs d’acier européens, avec par exemple, la concentration de l'activité dominante des principaux acteurs néerlandais sur l'acier de haute performance que les Etats-Unis ne peuvent pas fabriquer. Il convient également de garder à l'esprit que toute mesure de rétorsion de la part de la Chine impliquera probablement la perception de taxes beaucoup plus élevées sur les composants électroniques produits en Chine, dont les États-Unis dépendent fortement. Une guerre commerciale est une bataille qui peut générer des opportunités, mais pas de la façon dont l’entend l’administration Trump.
Ernst Glanzmann et Reiko Mito, gérants – stratégies actions japonaises
Nous avons déjà échangé sur ce sujet avec de nombreuses sociétés dans lesquelles nous sommes investis, mais nous avons été dans l’incapacité de dresser un quelconque consensus car trop d’éléments dépendent de la complexité des chaînes d’approvisionnement individuellement. De toute évidence, certains dirigeants d'entreprise ont une compréhension plus approfondie que d'autres de leur chaîne d'approvisionnement et ceci est susceptible de devenir un avantage concurrentiel significatif pour répondre aux taxes à mesure qu’elles sont introduites. Toutefois, à terme, nous pensons qu’il est impossible de mesurer précisément en amont la dimension du marché agrégée à ces dynamiques idiosyncratiques. De plus, alors qu’il serait facile de dire que les conséquences d’une guerre commerciale s’annoncent négatives, il est toujours important de garder à l’esprit que des difficultés pour une entreprise peuvent typiquement créer des opportunités pour une autre. Par conséquent, nous avons besoin de plus de temps pour observer les dynamiques se déployer mais nous pensons fermement qu’une guerre commerciale soulignera nécessairement la valeur ajoutée d’une approche agile et active de l’investissement sur le marché des actions japonaises.
Michael Lai, Directeur des investissements – actions chinoises
Contrairement aux convictions du Président américain, il ne peut y avoir aucun « vainqueur » dans une guerre commerciale. Cette guerre peut être considérée comme un début de tactique de négociation afin d’aboutir à un compromis mais les marchés vendront en masse tant que l’incertitude perdurera. L’espoir repose sur le fait que des décideurs plus tempérés l’emportent au final et que la Chine adopte un ton plus mesuré sur ce problème. À notre avis, cette guerre commerciale offre une de ces opportunités d'achat sur laquelle la réalité économique de la Chine et de l'univers local des actions n’a pas autant d’importance que certains puissent le croire. L’économie chinoise s’est rééquilibrée ces dernières années à tel point que les demandes intérieures représentent maintenant près de 55% du PIB.
Oliver Maslowski, gérant – actions allemandes
Etant donné que la probabilité d’une guerre commerciale est née du programme protectionniste de l’administration Trump et de son objectif de réduction du déficit commercial national, les économies fondées sur l’exportation, telles que l’Allemagne, souffriront inévitablement de quelques conséquences négatives. Les constructeurs automobiles haut de gamme feront probablement partie de ces sociétés qui subissent le plus, mais le fait qu’ils disposent également d’une production basée aux Etats-Unis devrait annuler dans une certaine mesure cet impact potentiel. Les autres industries allemandes avec une exposition conséquente aux Etats-Unis sont le secteur des biens de consommation, de l’équipement, de la chimie et de la pharmacie. Toutefois, ce n’est pas une voie à sens-unique, pour continuer dans la rhétorique grandiloquente, notre argument central réside dans le fait que l'escalade des taxes et des contre-mesures est en fin de compte quelque chose dont tous les partis devraient, et vont, se méfier. Manifestement, les mécaniques de l’affaiblissement du dollars US offriront une nouvelle voie potentielle pour le Président Trump dans sa tentative pour diminuer le déficit commercial des Etats-Unis. Et, tandis que les actions allemandes ont tendance à être corrélées négativement au renforcement de l’euro, la manipulation du FX sera probablement moins corrosive qu’un choc lié aux droits de douane.
Christian Gerlach, gérant – matières premières
La politique protectionniste du Président Trump sera nécessairement négative pour la mondialisation mais, dans l’ensemble, les conséquences pour le marché des marchandises américaines seront sans conteste positives. L’idéologie mercantile de « America First » tirera les prix intérieurs vers le haut mais, en même temps, la valorisation du dollars US sur les marchés FX sera tirée de plus en plus vers le bas. Dans la mesure où les biens de consommations sont le meilleur rempart contre l’inflation ils bénéficieront largement de cette dynamique. Cependant, dans ce nouvel environnement de guerre la pénurie en biens consommation n’apparaîtra désormais plus « naturellement » – une baisse dans les inventaires des matières premières sera effectivement orchestrée via une combinaison de barrière tarifaire et de dévaluation monétaire, menant finalement à un renouvellement majeur dans la dynamique de l’offre et de la demande.