par Paul McNamara, Gérant et Directeur des Investissements marchés émergents obligataires chez GAM
Une semaine après Pâques, l’administration Trump a dévoilé de nouvelles sanctions contre la Russie. Ces nouvelles sanctions diffèrent des précédentes, dans le sens où elles ne pénalisent pas seulement les entreprises mais également leurs dirigeants ainsi que des officiels du gouvernement – des représailles en réponse à l’ingérence russe dans les élections de 2016. Bien qu’ignorées initialement par le plus grand nombre, leur importance a été mise en évidence au cours du weekend, à la suite de l’attaque chimique présumée du gouvernement syrien – qui s’appuie sur l’aide militaire russe –vivement condamnée par le Président Trump.
Ces sanctions diffèrent de celles imposées en 2014, lorsque la Russie avait envahi la Crimée : à l’époque, les investisseurs américains avaient l’interdiction d’acheter de nouveaux titres, tandis qu’aujourd’hui il leur est interdit de détenir des obligations ou des actions provenant des entités sanctionnées, ce qui comprend l’une des plus grandes entreprises de production d’aluminium. En d’autres termes, les investisseurs ont été obligés de vendre leurs titres existants. En résulte une forte baisse du prix des actifs russes : le marché boursier a chuté de 8%, les rendements des obligations d’Etat se sont creusés de 50bps et le rouble a chuté de 10%.
De prochaines ventes forcées ?
L’ampleur des mouvements reflète l’incertitude des investisseurs sur une application plus large à l’avenir de ces sanctions, qui déclencheraient de nouvelles ventes forcées. Ils reflètent également l’importance des positions dans les actifs locaux : la Russie a été une surpondération prisée des portefeuilles actions et obligations émergentes – qui ont eux-mêmes attiré des flux importants – reflétant l’amélioration des fondamentaux économiques du pays. La croissance a repris (mais moins que prévu étant donné les indicateurs de crédit), tandis que les prix plus élevés du pétrole ont stimulé les balances commerciales et fiscales, et les réserves de changes ont régulièrement augmenté pour atteindre 458 milliards USD contre 350 milliards au début 2015. Contrairement à la Turquie, la balance des dépenses publiques et celle des paiements sont extrêmement solides.
Un casse-tête complexe
C’est le casse-tête auquel font face les investisseurs aujourd’hui : un élargissement des sanctions entrainerait sans aucun doute davantage d’impacts négatifs sur le prix des actifs russes ; mais sans elles, l’impact macroéconomique serait probablement minime, faisant apparaître des valorisations excessivement peu chères. Avec une Maison Blanche imprévisible, il est encore plus difficile pour les investisseurs d’estimer la situation et de se positionner en conséquence.
Il convient de signaler que la dette souveraine n’est pas directement touchée par ces sanctions. Les estimations suggèrent qu’un tiers du marché obligataire local est détenu par des étrangers, soit 40 milliards USD, et des observations suggèrent qu’ils ont acheté des dollars US contre le rouble pour neutraliser l’exposition FX de leurs positions obligataires, plutôt que de vendre dans des conditions de marché difficiles. Ceci permet de comprendre pourquoi le rouble a bien plus souffert que les obligations locales.
Les conséquences sur le positionnement du portefeuille
Au sein de notre stratégie Local Emerging Bond, nous avons réduit notre exposition à la Russie en février, jugeant que les actifs locaux avaient déjà fortement performé et qu’une hausse nette des prix du pétrole serait nécessaire pour générer plus de bénéfices. Nous avions donc une exposition neutre sur les obligations locales, plutôt en duration longue puisque nous nous attendions à ce que la banque centrale réduise prochainement ses taux étant donné les faibles niveaux d’inflation. Nous ne sommes pas exposés à la dette corporate russe. Nous surpondérons toutefois légèrement le rouble : ceci reflète notre vision positive sur les marchés émergents en général, et nous aide à contrebalancer notre sous pondération importante et de long terme sur la Turquie (qui d’ailleurs a chutée de 5,5% ce mois-ci, de loin la deuxième plus mauvaise performance). La surexposition combinée du portefeuille sur les durations longues et les devises a entrainé une légère rétractation relative sur quelques jours, bien que la stratégie continue de surperformer le marché à plus long terme, y compris depuis le début de l’année.
Pour l’instant, nous surveillons de près la situation. Les autorités russes ont répondu par la suspension des rachats habituels en USD et en accordant de la liquidité aux acteurs domestiques ; la banque centrale pourrait également raccourcir son cycle de diminution des taux. Toutefois, nous ne prévoyons pas d’intervention sur le marché FX à moins que le rouble ne baisse significativement par rapport aux niveaux actuels. Etant donné la nature politique de cette crise, il est difficile de dire si nous serons à présent plus enclins à acheter ou vendre des actifs russes, avec des risques techniques compensant d’éventuels écarts de valorisation. Notre position