par Colin Croft, Gérant, Marchés émergents chez Jupiter AM
A la suite d’un voyage en Chine et en Corée pour rencontrer des sociétés dans l’énergie et la pétrochimie, Colin Croft, gérant au sein de l’équipe de Jupiter dédiée aux marchés émergents, analyse les mutations actuelles de la Chine vers une économie axée sur la consommation mais qui porte aussi une plus grande attention aux enjeux environnementaux que par le passé, et revient sur les potentielles opportunités que cela représente.
Des perspectives positives pour les marges de la pétrochimie
Les revenus disponibles en Chine augmentent à un taux à un chiffre dans la partie haute de la fourchette ce qui suggère en retour un taux de croissance similaire pour les produits pétrochimiques destinés à la fabrication de plastique, représentant une part très importante des produits de consommation et de leurs emballages.
En même temps, de nouvelles mesures environnementales en Chine ont limité l’approvisionnement local. Le gouvernement chinois est en train de s’engager fortement sur la mise en conformité de l’industrie ; les politiques ont désormais mis en place un indicateur clé de performance environnementale établi par le gouvernement central, qui les incite personnellement à renforcer les réglementations qui ont pu par le passé être sacrifiées au profit des objectifs de croissance. Il existe des exemples récents d’usines chimiques qui ont enfreint la réglementation environnementale et qui on été publiquement critiquées par le media d’Etat, avec un arrêt de la production dans l’attente d’une mise en conformité, et le maire a été convoqué à Pékin pour des remontrances. Depuis janvier, des taxes ont été imposées sur les particules polluantes émises par les entreprises chimiques chinoises.
Réduire les importations de déchets
En outre, la Chine a mis fin à ses importations de déchets plastiques l'année dernière, car leur traitement provoquait trop de pollution, ce qui a entraîné une augmentation de la demande en plastiques non recyclés équivalant à environ 3-4% de la demande mondiale. Enfin, le changement des règles d’implantation empêche aujourd’hui les usines chimiques d’être situées dans des zones résidentielles densément peuplées, forçant la fermeture et la relocalisation des plus vielles d’entres elles situées en centre ville.
En conséquence de ces tendances, les marges des producteurs de produits dérivés de pétrole sont restées jusqu’à présent relativement proches du pic atteint en 2015-2016 malgré la pression sur les coûts provenant de l’augmentation du prix du pétrole. Cela s’est révélé positif pour les producteurs pétrochimiques coréens, y compris LG Chem qui, en tant que leader des technologies de batterie, a aussi bénéficié d’une tendance mondiale en faveur de la croissance de la proportion de véhicules électriques.
Passer du charbon au gaz – une bonne nouvelle pour les producteurs gaziers et leurs distributeurs
Le gouvernement chinois fait également plus d’efforts pour lutter contre la pollution en encourageant les consommateurs à faire une plus grande place au gaz dans le mix énergétique, qui est toujours dominée par le charbon (plus de 60% de la consommation énergétique primaire). Le chauffage résidentiel est le plus polluant, car le charbon brulé dans les poêles domestiques n’est évacué qu’à un niveau très faible et sans traitement des gaz rejetés ; bien qu’il ne représente qu’à peine 5% de l’utilisation du charbon, le chauffage résidentiel est à l’origine de 40% de la pollution aux particules fines. Passer du chauffage au charbon au chauffage au gaz est par conséquent devenu la première des priorités.
L’utilisation du gaz passe de 0% à environ 15% : en 2007, la Chine a consommé l’équivalent de la moitié de la consommation européenne, et proportionnellement à sa population, environ 5 à 6 fois moins. De 240 milliards de m3 en 2017, la consommation de gaz doit passer à 323 milliards de m3d’ici 2020. Ceci représenterait toujours seulement 10% environ de l’ensemble du mix énergétique, bien moins que dans d’autres pays, laissant le champ libre à une croissance nourrie.
Clairement, cela représente une opportunité importante pour les entreprises exposées à cette tendance, y compris pour les chinois producteurs et distributeurs de gaz, mais aussi pour les sociétés basées dans d’autres pays tels que la Russie qui vend du gaz naturel liquéfié à la Chine.
Le prix élevé du gaz par rapport au charbon, environ 3 fois plus élevé par unité d’énergie, indique que les mesures réglementaires et les subventions qui limitent le coût supporté par le consommateur final resteront essentielles dans les années à venir.
Certains de ces coûts sont à la charge du gouvernement : à Hebei par exemple, le gouvernement finance 70% du coût d’installation des chaudières à gaz et subventionne plus d’un tiers du prix du gaz pour le chauffage en hiver jusqu’à 200$ par ménage.
Les entreprises soutiennent également cette charge via des prix régulés, maintenus à des niveaux permettant de garder des prix bas pour le consommateur final. A peine plus des 2/3 des volumes en Chine sont vendus à des prix régulés, les prix de marché s’appliquent uniquement aux volumes non-conventionnels, le gaz issu des stocks, le GNL vendu à l’état liquide, et d’autres catégories spécifiques. La question de savoir comment sera partagée la facture totale de l’utilisation croissante du gaz, et comment cela va évoluer, sera donc un élément clé pour déterminer les rendements à venir.
Une transition graduelle vers une valorisation basée sur les prix du marché est attendue, avec les régulateurs qui cherchent l’équilibre entre l’intérêt des consommateurs et la nécessité d’inciter à produire plus. Avec des revenus disponibles en Chine qui augmente de 6% environ chaque année, il y a une perspective de croissance progressive des prix qui peut permettre aux fournisseurs et distributeurs de générer des bénéfices raisonnables sur le capital investi. Pour les investisseurs, la clé pour profiter de tout cela sera de se concentrer sur les sociétés dont les revenus attendus sont réalistes, et la valorisation raisonnable.