par Outi Helenius, Directrice ESG du Groupe Evli
L’ESG est source de confusions et d’incertitudes, mais il constitue belle et bien une nouvelle réalité. Il serait toutefois plus judicieux de la part du secteur financier d’établir une standardisation prenant en compte tous les différents éléments et points de vue avant d’imposer une réglementation. Cet été, l’ESG a été au centre des débats dans le secteur de la gestion d’actifs et dans le secteur financier en général. La raison principale de cette effervescence étant bien sûr les prochaines réglementations. Il y a débat sur ce que devrait être l’ESG, la manière dont il devrait être réglementé, sur sa mise en œuvre et plusieurs questions ont été soulevées afin de déterminer si l’ESG ne constituerait pas un énième frein réglementaire. Un certain nombre de confusions s’ajoutent ici à une forme d’optimisme.
Selon les UNPRI, un des principaux promoteurs de l’investissement responsable, 38 gouvernements des 50 principales économies mondiales ont déjà mis en place, ou sont en train de le faire, des réglementations qui obligent les entreprises à rendre publiques leurs informations concernant les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. Le nombre de pays mettant en place des règlementations spécifiques pour les fonds de pension ainsi que des chartes de bonne conduite se développent également. Ainsi, pour de nombreux pays, l’ESG est déjà bien installé.
Toutefois, plusieurs questions restent toujours en suspens et certains enjeux ne sont pas encore mis à plat. Par exemple, que recouvrira exactement le terme ESG ? Ou encore, comment mesurer l’ESG sur différentes industries selon les différents types d’activités ? Mettre différents types de sociétés sur la même grille d’évaluation en fonction d’aspects aussi variés que l’environnement, le social et la gouvernance n’est pas chose facile. Dès lors, différents gouvernements suivent différentes politiques, ce qui rend la comparaison difficile au niveau mondial.
Que recouvre alors le terme ESG ?
Au printemps, la Commission Européenne a lancé pour la première fois un projet de taxinomie afin de définir les terminologies et les champs d’application de l’ESG. Cependant, ces définitions, règles et cadres varient pour l’instant selon les pays, ce qui complique la comparaison des responsabilités ESG des entreprises localisées dans différentes parties du monde.
Par exemple, lorsque les réglementations de l’Union Européenne seront mises en place, seront-elles équivalentes aux objectifs fixés par la Chine avec son programme « Green Task Force » ? Il y a aussi le problème de qui interprète les critères ESG et comment ces derniers sont perçus. Il est important que les réglementations, lorsqu’elles entrent en jeu, ne concernent pas seulement les points sensibles d’aujourd’hui, mais qu’elles s’intéressent aussi aux secteurs à risque de demain.
Les réglementations seront-elles une aide ou un obstacle ?
Récemment, l’agence Moody’s a souligné que les règles de reporting ESG déterminées par le plan d’actions européen pour la finance durable étaient « crédit-négative » pour les gérants d’actifs en raison des coûts opérationnels engendrés. De nombreux gérants s’interrogent aujourd’hui sur le frein réglementaire que pourrait représenter l’ESG.
Un rapport des UNPRI pointe justement que « les investisseurs sont sceptiques sur l’efficacité des réglementations en raison de leurs faiblesses de conception et de leur suivi ainsi que du non-alignement entre les différents départements des gouvernements et les autorités de régulation ». Dans ce même rapport, les associations des fonds de pension avaient incité la Commission Européenne à ne pas adopter « une approche normative dans la prise en compte des facteurs ESG pour les investisseurs institutionnels ».
Toutefois, certaines voix dans le secteur signalent aussi que la demande d’une stratégie ESG provient aujourd’hui des clients et qu’il est donc nécessaire de mettre en place une forme de standardisation. Des structures plus solides ainsi que des réglementations pour protéger les investisseurs qui souhaitent augmenter leur exposition aux produits ESG deviennent donc indispensables, de la même manière qu’un guide des bonnes pratiques à destination des gérants d’actifs afin de les aider à mieux manier ce type de produit.
Après tout, les réglementations de l’Union Européenne visent à s’assurer que « les gérants d’actifs, les investisseurs institutionnels, les distributeurs d’assurance et les conseillers financiers incluent les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs décisions d’investissement et leurs conseils ».
Chez Evli, nous pensons que l’ESG est devenu la nouvelle norme et son succès est conditionné par la transparence. Il est essentiel que tout le monde soit entendu sur ce sujet. L’idéal serait que les mesures règlementaires soient enfin prises afin de rendre l’investissement responsable plus attractif. Bien évidemment, maintenir l’éthique tout en facilitant la croissance sera ici le principal enjeu. Espérons que le secteur sera en mesure d’établir une réglementation des investissements responsables et d’en faire non seulement le nouveau standard mondial, mais aussi de la mettre en œuvre de manière signifiante, dans la perspective du bien commun.