par Frédéric Redel, Responsable Gestion Actions Value chez CCR Asset Management
La stabilisation des indicateurs avancés américains constitue rétrospectivement le moteur principal du rebond des actions européennes. Cependant, en l’absence de signes de franche amélioration de l’environnement, les actions sont redevenues vulnérables aux mauvaises nouvelles : c’est ce que l’on a pu constater au cours de ce mois de juin avec les chutes de valeurs dans les secteurs de l’acier ou autres matières premières en réaction à de nouveaux avertissements sur les résultats.
Dans cet environnement incertain, le marché manque de repères quantitatifs puisque toutes les attentes (bénéfices, chiffre d’affaires et même fonds propres) continuent d’être revus en baisse. Une approche intéressante à ce stade, complémentaire de notre méthode d’évaluation, consiste à identifier les sociétés qui sortiront renforcées de la crise. On a vu peu de défaillances d’entreprises en 2008 car la crise était nouvelle et les entreprises l’abordaient avec des marges record. En 2009, les faillites sont malheureusement plus fréquentes et cela se poursuivra vraisemblablement en 2010.
On verra donc émerger de cette récession des entreprises à la fois restructurées et pourvues de parts de marché plus élevées qu’avant la crise et donc dotées de « pricing power » renforcé. Un exemple exacerbé en est celui de la distribution spécialisée anglaise, qui a subi une crise longue et profonde. MFI, leader de la distribution d’équipements de cuisines avec 15% de part de marché, a disparu. Woolworth, généraliste avec près d’un millier de magasins généralistes lui donnant par exemple 15% de part de marché dans la distribution de jouets, a également déposé son bilan. Des acteurs tels que Home Retail, présent sur ces deux segments de marché, ou même Kingfisher sont bien placés pour en bénéficier. Le secteur bancaire sortira lui aussi transformé de cette période : quelques acteurs ont disparu, beaucoup sont dans l’incapacité de croître par manque de capitaux, et dans ce contexte BNP, Deutsche Bank ou Mediobanca sont particulièrement bien placés pour se développer et profiter des marges confortables qu’offre actuellement le marché des émissions.
Des situations similaires apparaissent dans divers secteurs très éprouvés ces deux dernières années, ainsi dans celui des matériaux, CRH a levé récemment des capitaux afin d’acquérir des concurrents à bon prix et, dans la chimie, BASF ou Umicore sont en mesure de poursuivre la consolidation sectorielle. Enfin dans l’automobile, les premiers rapprochements se dessinent et le mouvement s’annonce auprès des équipementiers, Daimler et Autoliv sont bien placés pour en profiter. Les sociétés mises en exergue ci-dessus présentent pas ailleurs des valorisations toujours basses, et nous avons globalement renforcé leur présence dans nos portefeuilles ces derniers mois.