par James Clunie, Responsable de la stratégie Absolute Return, chez Jupiter AM
Interrogez un échantillon d’investisseurs internationaux sur le marché britannique et la majorité d'entre eux vous diront probablement qu'il est impossible d’y investir actuellement. Même si le Brexit a incontestablement causé confusion et incertitude, il y a encore des opportunités, tant à la vente qu'à l’achat, sur un marché qui a été largement éclipsé par la dimension politique.
Le Royaume-Uni est dans le chaos ; l'incertitude au sujet de Brexit continue de s'intensifier et les opérateurs de marché, aux côtés des politiciens d’ailleurs, n'ont aucune idée claire de la forme que prendra le Brexit. Les investisseurs, confrontés à cet environnement d'incertitude extrême induite par le Brexit, semblent être parvenus à la conclusion générale que, dans la situation actuelle, le Royaume-Uni est « ininvestissable ».
Et cette impression est flagrante. Les valorisations des actions britanniques par rapport aux européennes ont chuté alors que les investisseurs se retirent des marchés actions du Royaume-Uni, la valorisation relative du FTSE 100 par rapport à l'Europe ayant atteint son plus bas niveau en huit ans à la fin 2018. Dans une enquête mondiale menée auprès des sociétés de gestion, le Royaume-Uni apparaît comme LA région la plus détestée. De nombreux gérants et investisseurs évitent tout simplement ce marché.
Bien que cette réaction spontanée à l'incertitude extrême liée au Brexit soit compréhensible, nous devons nous demander quel est exactement notre mission en tant qu'analystes en investissement ou gérants. Pour moi, la réponse est claire : prendre des risques calculés dans un environnement incertain. Si l'incertitude est si grande qu'elle en devient terrifiante, ce n’est en réalité qu’un bref aperçu de ce qui constitue le pain quotidien des analystes et des gérants, prendre des risques calculés lorsque vous n'êtes pas certains de ce qui va se passer ensuite. Ce devrait donc être « business as usual », simplement à un niveau légèrement plus élevé.
En gardant cela à l’esprit, et bien que d'autres aient complètement éliminé le risque lié au Royaume-Uni et au Brexit, nous adoptons une approche différente afin d’investir dans les actions britanniques.
Faire des choix selon les probabilités
Tout d'abord, nous analysons chacune des entreprises qui nous intéressent (que ce soit une position longue ou courte) de façon FONDAMENTALE, sans tenir compte de la géopolitique. Nous décidons ensuite si nous souhaitons nous positionner à la vente ou à l’achat sur cette valeur s’il n’y avait pas eu toute la confusion et le bruit liés au Brexit et aux décisions parlementaires. Ensuite, nous réfléchissons à ce qui pourrait mal se passer, y compris sur le plan politique, et à l'impact que cela pourrait avoir.
En résulte toute une série de scénarios différents, allant des scénarios les plus inoffensifs qui n'ont pas beaucoup d'importance jusqu’à ceux qui seraient un vrai choc. En effet, nous devons prendre une décision selon les probabilités. Nous pourrons alors examiner de plus près les valeurs que nous voulons détenir. Si nous savons que pour un titre particulier il y a des scénarios où nous perdons de l'argent, mais que dans la plupart des scénarios à long terme (3-5 ans) nous gagnerons probablement de l'argent, alors c'est à l’achat. Et vice versa avec les shorts.
Légère exposition aux actions britanniques domestique lors des « mauvais jours »
Par conséquent, nous augmentons légèrement notre exposition aux actions britanniques domestiques. Il y a beaucoup de "mauvais jours" sur le marché au cours desquels nous pouvons acheter à loisir à des prix que nous considérons comme bons.
Pour illustrer cette approche, prenons l’exemple de Serco, une société qui semble très bon marché selon notre modèle de valorisation1. Ils ne sont pas en faillite, le bilan est bon, et ils ont remporté beaucoup de contrats récemment, y compris le plus important qu'ils aient jamais gagné il y a quelques semaines. Les analystes ont également amélioré leurs prévisions de bénéfices. Dans l'ensemble, ce titre nous semble relativement bon marché, avec de bonnes nouvelles et des perspectives d’évolution. Bien sûr, il y a un risque de vents contraires, notamment liés à la crainte de perdre des contrats du secteur public en cas de changement de gouvernement, mais nous sommes par ailleurs positifs.
Forterra, le fabricant de briques britannique, constitue un autre exemple. La société a des fondamentaux très positifs et, selon un modèle de cash-flows retro-actualisés, l'action semble sous-valorisée par rapport au marché. Si l'on tient compte de la géopolitique, il y a des scénarios potentiellement négatifs à envisager, cependant, peu importe qui est aux manettes en Grande-Bretagne, nous continuerons probablement à construire des maisons pour des logements privés ou sociaux, un fabricant de briques ne sera pas inquiété.
Vente à découvert lors des fortes reprises
Enfin, en plus d’une légère exposition à ces actions britanniques domestiques, en particulier lors des jours de baisse, nous avons également vendu à découvert lors des fortes reprises. Bien que nous n’en soyons pas certains, nous pensons que nous sommes entrés dans un marché baissier, avec des prix des actifs élevés et une liquidité qui s'épuise. Dans ces conditions, il n'est pas rare qu'il y ait de « fortes hausses », comme nous l'avons vu ces derniers mois. Ces « fortes hausses » peuvent offrir des opportunités de vente à découvert.
Loin d'être « ininvestissables », les actions britanniques peuvent offrir de nombreuses opportunités aux gérants qui continuent d'employer les mêmes outils qu'ils ont toujours utilisés pour analyser les entreprises, à savoir un processus de sélection rigoureux et une analyse fondamentale bottom-up solide pour chaque valeur potentielle à inclure dans leur portefeuille. Ce n’est qu’à ce moment là qu’on devrait examiner l’impact du Brexit sur la santé financière d’une entreprise.
En résumé, le Brexit ne devrait probablement pas être le premier test d'éligibilité d'une entreprise en tant qu'investissement potentiel, mais plutôt une considération secondaire une fois que la santé globale de l'entreprise et ses perspectives ont été évaluées.
NOTE
- Le modèle de valorisation repose sur les cash-flows retro-actualisés.