par Alexandre Hezez, Group Chief Investment Officer chez Richelieu Gestion
La fin du mois de juillet a été animée par la publication des résultats des entreprises et les discours très attendus de la BCE et de la Fed. Les marchés guettaient avec une grande impatience les propos de Mario Draghi afin d’y déceler toute inflexion et intention sur la conduite de sa politique monétaire. Si la BCE n’a pas baissé ses taux directeurs ni entamé un nouveau programme de rachat d’actifs, elle a largement modifié sa communication et ouvert le chemin vers des actions plus importantes dans les mois à venir. Même si elle a délivré plus de mots que d'actions, elle marque clairement sa détermination à soutenir la croissance et l’inflation : elle maintiendra les taux souverains à des niveaux faibles ces prochains mois, la baisse des taux directeurs étant « certaine ». La politique monétaire restera très accommandante et très favorable aux actifs financiers.
Mario Draghi a aussi rappelé l’importance du rôle des Etats dans le soutien de la croissance et dans la politique budgétaire qui « deviendra essentielle si la détérioration des perspectives économiques se poursuit », rappelant les dernières analyses du FMI sur le sujet.
Quelques jours plus tard, la Fed a entériné une baisse des taux (largement attendue par le marché). Son président a en revanche surpris en considérant qu’il s’agissait d’une baisse des taux de milieu de cycle économique, et non le début d’un cycle de baisses, long et important.
Les éléments d’inquiétude sont nombreux : risques géopolitiques, commerciaux avec une possible escalade de la guerre commerciale États-Unis – Chine, mais, plus grave, en Europe la crise industrielle se confirme comme en témoignent les derniers chiffres publiés de l’économie allemande. Sur fond de tensions commerciales, l’industrie allemande, très exportatrice, est dans le rouge. Une récession est même possible pour 2019 selon certains analystes, en particulier dans le secteur automobile. La baisse des taux directeurs de la FED tient plus à la faiblesse des économies européennes et chinoises qu’à un manque de dynamisme de l’économie américaine.
Après la guerre commerciale, il est plutôt rassurant de voir que les banques centrales ne se lancent pas dans une guerre des changes, démontrant leur capacité à résister aux pressions politiques.
Mais voilà, Donald Trump est visiblement déterminé à relancer l’offensive contre la FED lors du FOMC de septembre et à repartir au combat contre la Chine. Il a annoncé une nouvelle salve de sanctions portant sur une tranche supplémentaire de 290 MM$ de produits importés dont la taxation passera de 10% à 25%. Il tente ainsi de faire coup double : mettre simultanément la pression sur la Fed trop timorée à son goût en matière de baisse des taux et sur la Chine qui traine des pieds dans les négociations commerciales. Le jeu est dangereux, mais il est dans cette posture depuis son élection.
Tant que les banques centrales demeureront crédibles, elles maintiendront la confiance et une certaine stabilité sur les marchés financiers. Un seul faux pas… Les deux prochains mois risquent de montrer beaucoup de volatilité au gré des annonces (Brexit), des tweets (Trump), des manifestations (Hong Kong) et des secousses géopolitiques (Iran, Inde versus Pakistan).
La fragilité de l’économie mondiale nous amène à faire preuve de prudence à court terme. Nous excluons toutefois une crise de liquidité du type de celle de 2018 puisque les banques centrales, à l’époque, étaient en train d’abandonner leurs mesures accommodantes.