par Emmanuel Auboyneau et Xavier d’Ornellas, Gérants associés chez Amplegest, avec la participation de Jean-Michel Mourette, Economiste (Eureka Finance)
L’idée générale d’un fort ralentissement de l’économie mondiale fait son chemin depuis plusieurs mois. Les tenants de cette thèse se basent essentiellement sur la décélération industrielle dans le monde. L’incertitude autour du conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine, avec le risque qu’il s’étende à l’Europe, est incontestablement un facteur négatif pour la croissance mondiale. D’autres foyers de tensions politiques, comme le Brexit et l’Iran, accentuent cette impression de risque général pour l’économie.
Pourtant, restant factuels, nous constatons une résilience certaine de la croissance mondiale. Aux Etats-Unis, le plein emploi reste le principal garant de l’activité, grâce à la confiance qu’il transmet et la consommation qu’il induit. Difficile dans ces conditions d’imaginer une récession en 2020, ni même un fort ralentissement. Donald Trump est un facteur évident d’instabilité, mais il ne prendra pas le risque de provoquer une récession. Le président américain a besoin d’une croissance économique solide pour se donner le maximum de chances d’être réélu. Dans cette optique, la FED subit actuellement une forte pression de la Maison Blanche pour baisser les taux d’intérêt. Un tel mouvement ne nous apparait pas économiquement justifié à ce stade du cycle économique. L’indépendance de la Banque Centrale est aujourd’hui plus fragile.
La Chine ralentit, mais de manière mesurée, les mesures de soutien du gouvernement compensant en grande partie l’impact de la guerre commerciale. Les productions d’acier, de cuivre et d’électricité, indicateurs concrets de l’activité, poursuivent leur ascension. La confiance des ménages chinois reste à un niveau élevé. Les ventes au détail ont légèrement baissé mais restent soutenues. Le secteur manufacturier souffre du conflit commercial mais son poids global diminue dans l’économie. Dans l’hypothèse d’un accord avec les Etats-Unis, que nous jugeons probable, la croissance chinoise pourrait même rebondir dans le courant de l’année prochaine.
Paradoxalement, l’Europe semble la principale victime collatérale de la diminution des échanges commerciaux dans le monde, alors qu’elle n’est, aujourd’hui, pas directement concernée par le conflit. L’Allemagne, pays très exportateur, voit son industrie souffrir depuis plusieurs mois, à commencer par le secteur automobile prédominant dans l’économie germanique. Les indicateurs de confiance ont plongé et le PIB s’est affiché en légère baisse pour le dernier trimestre. Cette situation impose, selon nous, une réaction du gouvernement par le biais d’une relance budgétaire. Elle permettrait au pays de se stabiliser en attendant les effets positifs d’un éventuel accord commercial. La France est aujourd’hui plus résistante, car moins dépendante des échanges internationaux. Les mesures de relance post gilets jaunes ont permis un rebond de la consommation et une remontée de la confiance générale.
L’incertitude croissante autour du Brexit est un facteur indéniable de stress à court terme. Un « no deal » conduirait certainement la BCE à agir plus vigoureusement pour le soutien de l’économie européenne.
Nous avions abordé l’été dans notre gestion avec davantage de prudence face aux incertitudes politiques. Nous restons, pour le moment, sur cette position, en attendant des éclaircissements sur l’évolution des différents points de tension.