par Ulrike Kastens, Economiste chez DWS
Les attentes à l'égard de la BCE ont rarement été aussi élevées, précisément parce qu'il a toujours été évident que la BCE ne peut contribuer que dans une faible mesure à la résolution de la crise du coronavirus. C'est peut-être pour cette raison que la banque centrale de la zone euro n'a même pas essayé de répondre aux attentes du marché, qui n’aurait probablement été satisfait que si celles-ci avaient été dépassées.
La BCE s'est jointe à d'autres grandes banques centrales pour proposer un ensemble de mesures ciblées visant à soutenir les conditions financières. Toutefois, elle l'a fait de manière beaucoup moins agressive. Christine Lagarde a clairement indiqué, dès le début de la conférence de presse, que la politique budgétaire est nécessaire dans cet environnement économique. Elle a donc appelé les gouvernements européens à adopter une politique fiscale coordonnée et substantielle, avec l'aide de la BCE. Il ne s'agissait plus d'un appel, mais presque d'une supplication, ce qui peut être considéré comme un aveu des options limitées que la BCE possède dans ce cas.
C'est pourquoi, suivant sa propre analyse, la BCE se concentre sur des mesures ciblées : il s'agit essentiellement de mesures de liquidité visant à soutenir les prêts des banques commerciales, désormais à des taux d'intérêt encore plus bas. Plus précisément, elle lance un nouveau programme d'octroi de prêts à long terme aux banques commerciales (TLTRO) afin de fournir un soutien immédiat en liquidités au système financier à un taux d'intérêt de -0,5%. En outre, les conditions du programme TLTRO III existant seront à nouveau améliorées au cours de la période allant de juin 2020 à juin 2021, avec un taux d'intérêt compris entre -0,25 % et -0,75 %.
Les achats d'obligations de la BCE ont été complétés par une augmentation de 120 milliards d'euros pour 2020. Les achats porteront principalement sur des obligations d'entreprises, afin de contribuer à l'amélioration des conditions financières. Le taux des dépôts est toutefois resté inchangé à -0,5 %. Le marché avait certainement espéré un signal différent dans ce domaine.
Les mesures sont-elles suffisantes ? Au vu de la situation qui s'aggrave de jour en jour, il est certainement trop tôt pour répondre par "c'est tout". La BCE elle-même a dû admettre que les paramètres extérieurs changent rapidement. Ses prévisions de croissance en particulier : elle n'a réduit la croissance du PIB de la zone euro pour 2020 qu'à 0,8%, contre 1,1%, se plaçant ainsi loin derrière la courbe. Cette prévision de croissance ne tient pas compte du choc pétrolier ni des mesures de défense contre les coronavirus récemment étendues dans différents pays. La pression restera donc forte.