par John Plassard, Spécialiste en investissement chez Mirabaud
Si tout le monde síaccorde bien sur un fait, cíest celui de dire que les rÈsultats díentreprises vont fortement décélérer à cause de la crise du Covid-19. Baisse de la demande, interruption de la chaîne de production ou encore effondrement du prix du baril de pétrole, la tendance a rarement été aussi mauvaise en début d’année. La question est cependant de savoir de combien peuvent baisser les revenus ou encore la croissance des bénéfices. Synthèse et analyse.
a. Les faits
Rarement un début d’année aura apporté autant díincertitude concernant les rEésultats di’entreprises : abandon des objectifs annuels, réductions des estimations de bénéfices ou encore mises au chômage (partiel ?) di’une part de force vive à cause du coronavirus.
Officiellement, la saison des résultats díentreprises américaines débutera le 15 avril prochain lors de la publication de (notamment) Citigroup et pourrait apporter de nombreuses surprises. Selon l’excellente étude de Factset plusieurs éléments sont à attendre :
– Croissance des bénéfices : Pour le premier trimestre de 2020, la baisse des bénéfices estimée pour le S&P 500 est de -5.2%. Si la baisse devait effectivement être de -5.2%, ce serait la plus importante baisse de la croissance des bénéfices (au niveau annuel) depuis le premier trimestre 2016 (-6.9%). Ce sera également la quatrième fois au cours des cinq derniers trimestres que l'indice fait état d'une baisse des revenus d'une année sur l'autre. Cinq secteurs devraient enregistrer une croissance des revenus d'une année sur l'autre, en particulier les services de communication. Six secteurs devraient enregistrer une baisse des revenus d'une année sur l'autre, en particulier les secteurs de l'énergie, de l'industrie, de la consommation discrétionnaire et des matériaux.
– Croissance des revenus : Le taux de croissance des revenus estimé (d'une année sur l'autre) pour le premier trimestre 2020 est de 2,0 %, ce qui est inférieur au taux de croissance moyen des revenus sur 5 ans (3,5 %). Si 2,0 % devait être le taux de croissance réel pour le premier trimestre, il s'agirait de la plus faible croissance en glissement annuel des recettes pour l'indice depuis le deuxième trimestre de 2016 (-0,2 %). Huit secteurs devraient enregistrer une croissance des recettes d'une année sur l'autre, le secteur des services de communication en tête. Trois secteurs devraient enregistrer une baisse de leurs recettes d'une année sur l'autre, le secteur des matériaux en tête.
– Révisions des résultats : Au 31 décembre, la hausse prévue des bénéfices pour le premier trimestre de 2020 était de +4.4%. Tous les 11 sous indices du S&P 500 affichent des taux de croissance plus faibles aujourd'hui en raison des révisions à la baisse des estimations de BPA (EPS).
– Valorisation : Le ratio cours/bénéfice ‡ terme sur 12 mois (forward 12-month P/E ratio) du S&P 500 est de 15.5. Ce ratio est inférieur ‡ la moyenne constatée sur 5 ans (16.7) mais supérieur à la moyenne sur 10 ans (15). Depuis la fin du quatrième trimestre (31 décembre), le ́ prix a de l'indice a diminué de 18,6 %, tandis que l'estimation du BPA à 12 mois a diminué de 4,5 %. Au niveau sectoriel, le secteur de l'énergie (35,1) présente le ratio C/B ‡ 12 mois à terme (forward 12-month P/E ratio) le plus élevé, tandis que le secteur des services financiers (9,5) présente le ratio C/B ‡ 12 mois ‡ terme le plus faible.
– Evolution des bénéfices : Pour le premier trimestre de 2020, 12 des sociétés du S&P 500 ont publié des prévisions positives concernant leurs BPA (EPS) et 12 sociétés du S&P 500 ont publié des surprises positives concernant leurs revenus.
b. Le pire est à venir
Les analystes ont fortement réduit les estimations de revenus pour le deuxième trimestre 2020 au cours des dernières semaines.
Depuis le 1er mars, les bénéfices estimés en dollars du S&P 500 pour le deuxième trimestre ont diminué de 49,6 milliards de dollars (de 369,2 milliards de dollars à 319,6 milliards de dollars).
Au niveau de l'industrie, les analystes ont procédé aux plus importantes réductions des estimations en dollars pour les entreprises des secteurs du pétrole, du gaz et des compagnies aériennes.
Ensemble, ces deux industries représentent 22,6 milliards de dollars (46%) de la baisse totale de 49,6 milliards de dollars des bénéfices attendus pour le deuxième trimestre depuis le 1er mars.
Les autres industries qui ont connu une baisse substantielle de leurs revenus estimés au cours de cette période sont l'automobile (-4,1 milliards de dollars), l'hôtellerie, la restauration et les loisirs (-2,8 milliards de dollars) et les banques (-1,9 milliard de dollars).
En raison de ces révisions ‡ la baisse des estimations, le S&P 500 devrait maintenant enregistrer une baisse des bénéfices de -10% d'une année sur l'autre pour le deuxième trimestre 2020, par rapport aux prévisions de …croissance des bénéfices de 3,9 % au 1er mars.
Si le S&P 500 devait connaître une baisse des revenus de -10,0 % en glissement annuel au deuxième trimestre, ce sera la première fois que l'indice ferait état d'une baisse à deux chiffres (en glissement annuel) des revenus depuis le troisième trimestre 2009 (-15,7%).
Cinq des onze secteurs devraient enregistrer une baisse des bénéfices en glissement annuel au deuxième trimestre : l'énergie (-92,6 %), la consommation discrétionnaire (-31,6 %), l'industrie (-26,8 %), les services financiers (-9,5 %) et les matériaux (-7,4 %).
Les analystes prévoient actuellement un retour de la croissance des bénéfices au quatrième trimestre 2020 (4,5 %) et une croissance à deux chiffres au premier trimestre 2021 (14,2 %).
c. Un premier trimestre 2020 sous le signe de l’arrêt
Si on analyse maintenant les prévisions de croissance des bénéfices et des revenus, on constate les éléments suivants :
– Pour le premier trimestre 2020 on constate que les analystes prévoient une baisse des bénéfices de – 5.2 % et une croissance des revenus de +2%.
– Pour le deuxième trimestre 2020 on constate que les analystes prévoient une baisse des bénéfices de -10% et une croissance des revenus de -0.4%.
– Pour le troisième trimestre 2020 on constate que les analystes prévoient une baisse des bénéfices de -1.1% et une croissance des revenus de 2%.
– Pour le quatrième trimestre 2020 on constate que les analystes prévoient une hausse des bénéfices de 4.5% et une croissance des revenus de 3.6%.
– Pour l’année 2020 on constate que les analystes prévoient une baisse des bénéfices de -1.2% et une croissance des revenus de 2%.
d. Un impact sur la croissance américaine
Une baisse des bénéfices des entreprises aura forcément une incidence sur la croissance américaine. On se souvient par exemple que l'économie des Etats-Unis avait davantage ralenti qu'estimé initialement au quatrième trimestre 2018, à cause entre autre de stagnation des bénéfices des entreprises.
Pour mémoire, le PIB avait crû de 2,2% en rythme annualisé, alors que la précédente estimation donnait une croissance de 2,6%.
Les bénéfices des entreprises n'avaient alors pas augmenté au quatrième trimestre, pour la première fois depuis le troisième trimestre 2016, alors qu'ils avaient progressé de 3,5% sur le trimestre précédent.
Si les estimations des analystes devaient être respectées en 2020, nous devrions assister à un très fort impact négatif pour l’économie américaine.
e. Comment évolue le S&P 500 durant la publication des résultats ?
Il est bien évidemment difficile de tirer une conclusion hâtive concernant la réaction du S&P 500 lors de la publication des résultats d’entreprises, car un autre élément majeur rentre actuellement en compte : l’évolution du coronavirus dans le monde.
Cependant on peut constater qu’à 4 reprises lors des 6 dernières publications trimestrielles, le S&P 500 a baissé en moyenne de -2.9% (durant les 6 semaines de publication). C’est important de le noter, car la tendance était largement haussière les 6 années précédentes.
f. Synthèse
C’est vraiment la grande inconnue de ce début d’année : quels vont être les résultats et la croissance des bénéfices des entreprises. Si on se fie à ceux de Factset, sur l’ensemble de la l’année 2020, la croissance des revenus des entreprises du S&P 500 devrait toujours être en territoire positif.
Peu probable si on imagine (aisément) que l’activité économique pourrait être perturbée a bien plus longtemps qu’escompté par le consensus et les gouvernements.