par Julien Manceaux, Senior Economist chez ING
Les chiffres du climat des affaires du mois de mai nous poussent à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à demi vide. Ils montrent en effet que la reprise pourrait être meilleure qu’attendue dans les services et que les industriels sont prêts, même si les carnets de commandes sont encore loin d’être remplis. Le gros coup de pouce à l’automobile décidé hier devrait avoir un impact positif à cet égard. La confiance des consommateurs montre par contre que ceux-ci restent prudents. Dans l’ensemble, ces chiffres montrent une économie prête au déconfinement, sans pour autant dessiner une reprise en « V ».
- L’activité attendue dans les services s’améliore en mai, ainsi que les intentions d’embauche de travail temporaire
- Dans les services, la mesure de la santé financière des entreprises s’est dégardée
- L’activité attendue dans l’industrie montre un fort rebond malgré des carnets de commandes encore faibles
- Les ménages restent prudents quant à leur éventuel retour dans les magasins et n’ont plus autant craint l’inflation depuis l’introduction de l’euro
Rebond marqué de l’activité attendue dans les services
En France, le climat des affaires est resté extrêmement bas dans les services et l’industrie en mai. Les indicateurs montrent cependant les premiers effets du déconfinement, ou en tous cas des intentions des entreprises pour celui-ci. Dans les services, la confiance a atteint son point bas en avril, à 41 et a rebondi légèrement (51) en mai, ce qui reste largement inférieur au niveau de 106 observé en janvier et février. Sans surprise, ce sont les indicateurs d’activité récente qui pèsent le plus sur l’enquête. Cependant, la mesure de l’état de santé de l’entreprise s’est dégradée encore plus en mai, dépassant son niveau le plus bas de 2008. Les mesures d’activité attendue sont reparties à la hausse, et on note déjà un fort rebond des intentions d’embauches pour le travail temporaire, certes nettement moins marqué pour les autres types de contrats. Les intentions d’investissement se reprennent en mai, tout en restant extrêmement faibles. Enfin, dans la construction, le climat des affaires a continué de se détériorer en mai. En particulier, la reprise attendue de l’activité reste modérée.
Industrie : les entreprises sont prêtes, mais les carnets de commandes restent vides
Dans l’industrie, la confiance a atteint son point bas en avril, à 67,5 et a rebondi légèrement (70,5) en mai, ce qui reste largement inférieur au niveau de 100 observé en moyenne en janvier et février. Il faut dire que les perspectives semblent toujours bouchées (l’indice est à -49 pour l’outlook général, toujours plus bas qu’en mars). Cependant, le rebond est très positif dans le niveau d’activité attendu par les entreprises pour leur propre production : l’indice est repassé de -68,5 (son plus bas historique) à -11,8, un signe que les capacités sont prêtes à être remises en service. Reste à savoir si la demande sera au rendez-vous : les carnets de commandes restent très peu remplis (l’indice s’est même a nouveau légèrement détérioré en mai) et les stocks élevés malgré l’important déstockage qui avait marqué négativement la croissance en fin 2019. A cet égard, le plan annoncé pour l’industrie automobile qui avait été mise à l’arrêt pendant le déconfinement devrait être un support à la confiance dans les prochaines enquêtes.
Enfin, le retour de la demande pose aussi question dans le secteur du détail, extrêmement touché par le confinement comme plusieurs grandes marques françaises l’ont confirmé, de Naf Naf à Conforama. Les intentions de commandes restent très basses dans le secteur qui reste prudent quant à ses intentions d’embauche et à ses ventes futures (le rebond en mai est léger compte tenu des niveaux abyssaux atteints en avril).
Les consommateurs ne semblent pas pressés de retourner faire du shoping
De ce point de vue, l’enquête de confiance auprès des consommateurs de mai ne laisse pas encore entrevoir d’embellie majeure, l’indice principal passant de 95,1 à 92,6 contre 104,6 en février. Les intentions d’achat, si elles se sont légèrement améliorées (l’indice passe de -60 à -45 en mai), restent inférieures à leur point bas de 2009. Il ne faut donc pas compter sur une frénésie d’achats dans les premières semaines du déconfinement au- delà des biens de premières nécessité et d’un rattrapage dans les biens de consommation courante. Les ménages restent en effet très inquiets, pour l’économie d’abord (l’indice de perspective économique ne s’est pas amélioré en mai et est plus bas qu’en 2009) et pour leur emploi ensuite (les craintes quant au chômage ont augmenté en mai, même si elles restent inférieures à 2009). Cela provoque un comportement d’épargne (l’indice de capacité à épargner n’a pas été aussi haut depuis 2013), même si celui-ci est en grande partie forcé. Les consommateurs sont en outre inquiets de l’inflation : ces craintes sont proches de leur dernier pic historique de juillet 1995, avant l’introduction de l’euro. Si une partie de ces craintes est sans doute influencée par le fait que les biens alimentaires, aux prix plus dynamiques, ont constitué l’essentiel de leurs achats en avril et mai, on ne peut s’empêcher d’y voir un risque pour la politique monétaire dont les largesses actuelles pourraient difficilement se poursuivre en cas de retour de l’inflation.
Ces – relativement – bonnes nouvelles ne dessinent pas encore de « V »
De manière générale, les chiffres de mai montrent que l’activité était encore très réduite au début du mois, portant le total du confinement à environ 8 semaines. Cela confirme nos craintes d’une contraction du PIB d’environ 15% au second trimestre. Les indicateurs parus ce matin montrent cependant des signes d’une reprise qui pourrait s’avérer plus dynamique qu’attendu dans les services. Il en faudra plus pour faire renaître les espoirs d’une reprise « en V », mais ce n’en est pas moins un signal positif pour la croissance des prochains mois : voyons le verre à moitié plein. Nous restons sur notre scénario d’une contraction de 9% du PIB en 2020 avant un rebond de 6,5% en 2021.
ENCADRE Industrie automobile – Le plan fera 35% de la valeur ajoutée brute du secteur
Le plan prévoit 200 millions de subsides, 150 millions d’aides à l’innovation et 600 millions d’investissements dans la chaîne de valeur en France (dont 200 à charge des constructeurs), ainsi qu’un large soutien à l’achat de véhicules neufs. Le gros du plan est un programme de prêts qui pourra atteindre 5 milliards d’euros. Pour un secteur dont le total de la valeur ajoutée brute ne dépasse pas 25 milliards d’euros (moins d’1,5% du PIB et de l’emploi), le plan est d’une ampleur sans précédent. Une aide à l’achat pour les consommateurs et les entreprises, focalisée sur les véhicules peu polluants, entre 2000 et 7000 euros pour les 200.000 premières ventes. Le plan vise en outre à maintenir en France les activités industrielles d’un secteur stratégique pour la transition écologique du pays.