par Sophie Wieviorka, Economiste Asie (hors Japon) au Crédit Agricole
Malgré une crise sanitaire bien gérée et un plan de relance d’une ampleur inédite, facilement voté par un Parlement acquis à la majorité présidentielle (les élections ont eu lieu le 15 avril), l’économie sud-coréenne montre des signes de ralentissement et pâtit de son modèle économique, très tourné vers l’extérieur.
Le secteur exportateur pâtit de la crise, mais montre des signes d’amélioration
La Corée du Sud demeure un des pays les plus industrialisés de l’OCDE. Le secteur secondaire représente ainsi 35% du PIB, contre 20% en France par exemple. Depuis les années 1980, la Corée s’est ainsi développée en couplant stratégie d’industrialisation tournée vers l’exportation et investissements massifs en R&D, afin de monter en gamme dans les chaînes de valeur mondiales.
La crise du Covid-19, qui affecte particulièrement les échanges internationaux, vient donc ébranler ce modèle. Si la production industrielle avait réussi à se maintenir jusqu’en mars, elle enregistre maintenant des performances négatives (-2,3% en avril en glissement annuel, -8,1% en mai).
Ces résultats sont à relier directement à la demande externe, et donc aux exportations, en chute depuis trois mois. En mai, la Corée a ainsi enregistré son premier déficit commercial depuis sept ans, en raison d’une baisse de 25,5% de ses exportations ( 15,8% pour les importations).
Une lumière au bout du tunnel commence toutefois à apparaître : la balance commerciale est redevenue positive en juin. Et si la baisse des exportations vers le reste du monde se poursuit, la reprise de la demande chinoise, premier client de la Corée du Sud, a permis de la compenser en partie. Au niveau sectoriel, les exportations de semi-conducteurs et de puces reprennent, tandis que celles d’automobiles, de pièces détachées et de textile continuent de se contracter fortement.
Soutien massif à l’économie sur le plan monétaire et budgétaire
Malgré un secteur exportateur en convalescence, le reste de l’économie se maintient. Il faut dire que le gouvernement, pourtant plus habitué à l’orthodoxie budgétaire, n’a pas hésité à annoncer un soutien massif à l’économie. Au total, l’ensemble des mesures représente près de 14% du PIB et cible prioritairement les entreprises (allègement de charges et systèmes de garantie) afin de soutenir l’emploi, ainsi que les ménages à bas revenus. Les premiers résultats sont plutôt positifs : après trois mois de contraction (dont -7% en mars, au cœur de la crise sanitaire et au plus fort des mesures de distanciation sociale), les ventes au détail sont repassées en territoire positif en mai (+0,2%). Une performance dont même la Chine ne peut s’enorgueillir.
La Banque centrale a également accompagné le soutien à l’économie en assouplissant considé-rablement la politique monétaire. Le taux directeur a ainsi baissé de 75 points de base depuis janvier, et a atteint un niveau historiquement bas, à 0,5%.
Dans un monde en crise où tout devient relatif, la situation de la Corée du Sud apparaît enviable pour beaucoup de pays. Certes, la récession ne pourra sans doute pas être évitée en 2020, mais elle devrait être d’une ampleur limitée, autour de -0,5%. Et surtout, le pays serait une des seules économies à retrouver son niveau pré-Covid dès fin 2021.