Les médias français ont été prompts à commenter le récent dossier de The Economist intitulé “La nouvelle hiérarchie européenne
Les médias français ont été prompts à commenter le récent dossier de The Economist intitulé “La nouvelle hiérarchie européenne” (Europe’s new pecking order) et montrant, en une, le président français, Nicolas Sarkozy sur la plus haute marche du podium. L’hebdomadaire britannique détaille les bienfaits du “modèle français”- qu’il reconnaît avoir brocardé souvent – en cette période de crise économique globale. Il n’est pas exclu que cette couverture propre à ravir de nombreux Français soit en fait ironique. Car Nicolas Sarkozy n’a cessé pendant la campagne présidentielle de 2007 de dénoncer le modèle français. En septembre 2005, lors d’une réunion de l’UMP, il avait critiqué “le nivellement, l’égalitarisme et la saupoudrage”. Il avait donc appelé à “inventer un nouveau modèle français”. Ces promesses ont été oubliées.
Il faut dire que la crise financière puis économique est passée par là. C’est un fait que la France a subi plus tardivement que d’autres comme le Royaume-Uni et l’Espagne l’impact de ce choc qui a frappé d’abord les Etats-Unis puis des pays européens et asiatiques. Mais, historiquement, la France entre plus tardivement en récession et en sort aussi plus tardivement. Les amortisseurs sociaux offrent un avantage indéniable aux Français dans les périodes troublées. Un exemple : le taux de chômage en Espagne est passé de 7,6% fin 2007 à 10,44% au deuxième trimestre 2008 et à 17,4% au premier trimestre 2009. En France, il est passé de 7,9% à 7,7% puis à 8,2%.
Cela justifie-t-il qu’on vante une éventuelle supériorité du modèle français ? Il ne faut pas oublier que la France a affiché une croissance du PIB inférieure à celle de ses principaux concurrents ces dernières années. C’est vrai par rapport à l’Espagne, qui a bénéficié d’un boom dans le B-TP, et par rapport aux pays anglo-saxons. On peut dire que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont eu une croissance dopée à l’innovation financière et qu’on en paie le prix aujourd’hui. C’est partiellement vrai mais ce serait oublier que ces deux pays sont surtout des économies ouvertes, qui profitent de l’apport continu d’éléments étrangers. Mais même si on compare la France à son premier partenaire économique, l’Allemagne, les choses sont plus complexes qu’on veut bien le penser à Paris. Certes, le Produit intérieur brut (PIB) a reculé de 1,1% en 2008 outre-Rhin alors que la France maintenait une croissance positive (+0,4%). Toutefois, en 2006 et en 2007, l’Allemagne a fait mieux (+3% et +2,5%) que la France (+2,2% et +2,3%). Certes, l’Allemagne souffre davantage que la France aujourd’hui mais c’est parce que son économie a profité du formidable développement des échanges commerciaux. L’an dernier, le pays est le premier exportateur mondial avec quelque 1.530 milliards de dollars, en progression de 12,4% par rapport à 2007. Les exportations représentent plus de 45% du PIB. Rien d’étonnant à ce que l’Allemagne souffre davantage que les autres quand les échanges commerciaux chutent. De là à prétendre que la France s’en sort mieux, il y a un pas qu’il vaut mieux ne pas franchir. Car dès que la reprise économique sera là, l’Allemagne reprendra ses exportations.
L’Allemagne occupe une position unique en Europe : elle est demeurée une puissance industrielle et elle compte énormément d’entreprises moyennes dans le domaine de la machine outil, ce qui constitue un avantage énorme alors de que nombreux pays émergents développent leurs capacités de production. Elle a aussi son lot de géants mondiaux dans l’automobile, la finance et même les logiciels (SAP).
En face, la France aligne des géants dans de nombreux secteurs (énergie, distribution, équipements ferroviaires et énergétiques, aéronautique, services aux collectivités, etc.) mais elle n’a jamais réussi à faire grossir ses PME pour attaquer les marchés mondiaux. A cela s’ajoute une baisse de la compétitivité continue. Si le pays dispose d’atouts non négligeables (infrastructures de transport, système de santé, système éducatif, etc.) il est handicapé par certains conservatismes. Le secteur public est extrêmement rigide. Les gouvernants, quel que soit leur couleur politique, n’ont jamais pris de mesures vraiment radicales pour réformer l’appareil d’Etat et pour réduire les dépenses publiques. Rien d’étonnant à ce que de nombreux jeunes partent ou songent à partir pour tenter leurs chances aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Dans ces conditions, parler de la supériorité du modèle français revient à fermer les yeux pour ne pas regarder ce qui se passe autour de nous.