Renforcer la BCE

La crise qui frappe la zone euro depuis plusieurs mois montre sans aucun doute la nécessité d’une coordination économique plus étroite entre les pays membres.

La crise qui frappe la zone euro depuis plusieurs mois montre sans aucun doute la nécessité d’une coordination économique plus étroite entre les pays membres. Certains économistes et dirigeants politiques pensent qu’il faut aussi davantage de solidarité entre les pays disposant de marges de manoeuvre budgétaires et ceux qui sont condamnés à une cure d’austérité.

Mais cette crise montre surtout que les institutions européennes ne sont pas à la hauteur. La Commission européenne dispose d’un institut de statistiques (Eurostat) qui a avalisé pendant des années les données macro-économiques fournies par la Grèce sans prendre la peine de les vérifier. On sait aujourd’hui que l’ancien gouvernement grec a maquillé les comptes dans des proportions extrêmes.

La Commission européenne cherche à reprendre la main et a proposé que les projets de budgets nationaux lui soient désormais soumis préalablement à leur adoption par les parlements nationaux. On ne voit pas comment les Etats pourraient accepter un tel transfert de souveraineté. Surtout quand on voit le fonctionnement de l’exécutif européen depuis l’arrivée à sa tête de José Manuel Barroso.

Ce dernier a été totalement absent lors de la crise financière qui a été éclaté à l’automne 2008. Après les turbulences déclenchées par la crise grecque, il lui a fallu plusieurs semaines pour prendre position. Des spécialistes des questions européennes soulignent que les grands pays européens ont choisi un homme aussi effacé que Barroso pour présider la Commission européenne parce qu’ils ne voulaient pas d’une institution forte capable de prendre des initiatives et de leur imposer une stratégie. Si tel était effectivement l’objectif, on peut dire que c’est réussi au-delà de tout espoir.

On ne peut donc pas compter sur la Commission européenne. Mais il faut bien piloter l’Union européenne et, dans un premier temps, la zone euro. Comment faire ? Dans la débâcle actuelle, la seule institution qui conserve un peu de crédibilité est la Banque centrale européenne (BCE).

Elle n’a pas particulièrement brillé ces dernières années, laissant l’inflation dépasser 4% en 2007 alors qu’elle doit la limiter à moins de 2% en principe. Ces derniers jours, elle a été contrainte d’acheter des obligations d’Etat. Autant dire qu’il y a des doutes sérieux sur la gestion de Jean-Claude Trichet, le président de la BCE.

Mais son mandat s’achève à l’automne 2011. La presse a rapporté qu’en échange de son soutien au plan de sauvetage des pays en difficultés la chancelière allemande Angela Merkel a obtenu que le futur chef de la BCE soit Axel Weber, l’actuel président de la banque centrale allemande (Bundesbank).

Axel Weber est un orthodoxe : il exige le strict respect des règles budgétaires. Avec une telle personnalité à sa tête, la BCE peut reconquérir rapidement sa crédibilité sur les marchés financiers. Les dirigeants politiques pourraient profiter de ce changement pour modifier les statuts de la banque centrale – en faisant en sorte qu’elle soit chargée aussi de la croissance et pas seulement de la stabilité des prix – et pour renforcer ses pouvoirs, notamment en matière de surveillance des politiques budgétaires. C’est la BCE et non la Commission européenne qui devrait avoir un droit de regard sur les projets de budgets des Etats membres de la zone euro. Elle pourrait aussi apporter son soutien financier aux pays en difficultés. Mais elle aurait alors la possibilité de sanctionner les pays ne respectant pas les règles.

Cela reviendra évidemment à réduire les pouvoirs des dirigeants politiques mais la zone euro a besoin aujourd’hui de s’appuyer sur une institution disposant encore d’un peu de crédibilité.