L’euro s’est nettement renforcé ces dernières semaines contre plusieurs monnaies, en particulier le dollar et le yen japonais.
L’euro s’est nettement renforcé ces dernières semaines contre plusieurs monnaies, en particulier le dollar et le yen japonais. En général, quand une monnaie se renforce, c’est signe de bonne santé de l’économie. Or, tel n’est pas le cas dans la zone euro, dont la croissance patine avec un taux de chômage qui demeure élevé.
En outre, après la crise grecque au printemps, les investisseurs s’inquiètent de la situation financière de l’Irlande et du Portugal et ils ont des doutes très sérieux sur la capacité de pays comme la France ou l’Italie d’assainir leurs finances publiques.
Voir l’euro monter peut donc paraître surprenant. En fait pas tant que ça. Les autres grandes économies ont pris des mesures pour faire baisser leur monnaie dans le cadre de dévaluations qui ne disent pas leur nom. L’objectif est clairement d’améliorer la compétitivité des produits et services sur le marché mondial.
Faute d’un pilotage offensif, la Banque centrale européenne (BCE), dont le mandat exclusif est la lutte contre l’inflation, reste inerte.
Pas étonnant dans ce contexte qu’Andreas Höfert, économiste en chef d’UBS Wealth Management, ose la question propre à fâcher la BCE et les gouvernements : l’euro a-t-il un avenir ? Devenu la variable d’ajustement de la politique mondiale de changes, l’euro court d’autres risques autrement plus importants, selon lui.
La monnaie unique était à l’origine un projet politique et les initiateurs prévoyaient une convergence des politiques sociales et fiscales. Rien de cela n’a été fait. Or, comme le rappelle Andreas Höfert, sans intégration plus poussée une monnaie couvrant des régions aux situations sociales et fiscales différentes ne dispose pas d’un appui solide. Aux Etats-Unis, le Mississipi et le Massachussetts, pour reprendre un de ses exemples, n’ont pas le même niveau de développement mais ces Etats font partie d’un ensemble fédéral disposant de règles communes.
Aujourd’hui, dans la zone euro, l’Allemagne est le champion incontesté, bénéficiant de sa spécialisation pour exporter massivement, tandis que des pays comme la Grèce ou le Portugal ou même l’Italie et la France sont à la traîne. Sans euro, tous ces pays devraient dévaluer leur monnaie face au Deutsche Mark.
Ce qui fait dire à certains, parmi lesquels Andreas Höfert, que l’Allemagne est le seul pays à pouvoir quitter la zone euro. Mais un renchérissement du DM pénaliserait ses exportations, dont une bonne partie se fait vers les pays européens.
La dévaluation étant impossible, il reste des ajustements fiscaux et sociaux. Les économies française, italienne, espagnole ne sont pas compétitives aujourd’hui face à l’Allemagne (pour ne pas parler des pays émergents). Il faut donc réduire les coûts de production.
Evidemment, personne ne peut réclamer une baisse des salaires. Compte tenu de l’Etat des finances publiques, il est tout aussi impossible de songer à subventionner certains secteurs. Dans un premier temps, il faut commencer par réformer la fiscalité afin de ne pas pénaliser l’investissement. Il faut alléger le coût du travail, en réduisant notamment les charges. Il est nécessaire aussi de soutenir fortement l’innovation. La France par exemple ne peut se contenter de miser sur les Airbus et les produits de luxe pour essayer d’équilibrer sa balance commerciale.
Mais ces réformes prendront du temps. Peut-être une décennie. Ce n’est pas une raison pour reculer. L’Allemagne a « payé » pendant plus de 15 ans les effets la réunification avec l’ex-RDA. Le pays en a profité pour se réformer en profondeur dans un esprit de consensus. Le pays en touche aujourd’hui les dividendes.
Sans quelques réformes énergiques dans les pays européens aujourd’hui à la traîne de l’Allemagne, on ne voit pas comment l’euro pourrait survivre.