par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
Le sommet européen extraordinaire qui s’est tenu à Bruxelles jeudi devait être l’occasion d’envoyer un message fort à l’attention des marchés financiers. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a déclaré, à cette occasion, que « les Etats membres de la zone euro prendront des mesures déterminées et coordonnées, si nécessaire, pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble ».
Toutefois, aucun détail des mesures n’a été dévoilé. Il s’agirait, le cas échéant, de prêts bilatéraux. Par ailleurs, la Grèce, première bénéficiaire de cette solidarité au sein de la zone euro, s’engage à prendre des mesures supplémentaires si celles déjà prévues ne permettaient pas de réduire de 4 points son déficit cette année. En outre, « la commission surveillera étroitement la mise en œuvre de ces recommandations en liaison avec la BCE et proposera les mesures additionnelles nécessaires en s'appuyant sur l'expertise technique du FMI». Une première évaluation de la mise en œuvre des engagements grecs serait faite en mars.
La plupart des pays membres de la zone euro devront, à l’instar de la Grèce, fournir des efforts marqués pour assainir leurs finances publiques. La poursuite de la reprise économique est un facteur non négligeable de réussite des programmes d’austérité qui seront mis en oeuvre. Or les comptes nationaux pour le quatrième trimestre indiquent un essoufflement précoce de l’activité dans la région. Ainsi, le PIB de la zone euro est-il resté quasiment inchangé au dernier trimestre 2009, en hausse de seulement 0,1% t/t, alors qu’une croissance comprise autour de 0,3% était attendue (cf. Data Focus 2 : Zone euro : PIB (T4 2009)). Bien que les composantes de la demande ne seront pas disponibles avant le mois prochain, les données récentes, que ce soit les ventes au détail ou les immatriculations de nouvelles voitures, signalent que la consommation privée est demeurée atone. L’investissement, fortement touché par la crise financière, devrait s’être contracté, une fois de plus. A contrario, le commerce extérieur aurait contribué positivement à la croissance.
Enfin, après avoir ajouté 0,5 point de pourcentage à la croissance du PIB au T3 2009, l’influence des stocks pourrait être négligeable au quatrième trimestre. Seule, parmi les grands pays de la zone, la France tire son épingle du jeu. Le PIB a progressé de 0,6% t/t en France, alors que l’activité a stagné en Allemagne. Outre-Rhin, bien qu’aucun détail ne soit encore disponible, la faiblesse de la demande interne serait principalement à l’origine de cette stagnation. A contrario, le rebond de l’activité française a été principalement soutenu par la dynamisme de la consommation privée (+0,9% t/t) et la contribution positive des stocks (+0,9pp). En Italie, le PIB s’est à nouveau contracté, en baisse de 0,2% t/t, après avoir augmenté de 0,6% au T3 2009, démontrant la fragilité de la reprise en cours. L’Espagne n’était toujours pas sortie de récession à la fin de l’année dernière (- 0,1% t/t).
Aux Etats-Unis, Ben Bernanke a dévoilé sa stratégie de sortie de crise, dans un contexte toujours incertain quant à la vigueur de la reprise économique. Tout en excluant à court terme le relèvement du taux des Fed funds, le premier geste de normalisation des taux d’intérêt directeurs passerait par une hausse du taux d’escompte avant longtemps. En effet, traditionnellement, celui-ci est supérieur de 100 points de base au taux des Fed funds.
L’écart aujourd’hui n’est plus que de 25 pb. Parallèlement, la durée des prêts au guichet d’escompte serait réduite de 90 à 28 jours. Par ailleurs, au cours de cette phase de sortie de crise, le taux des Fed funds pourrait momentanément être un indicateur moins fiable qu’auparavant des conditions sur le marché monétaire. La Fed pourrait opter temporairement pour un objectif de taux, sur lequel elle aurait un plus grand contrôle, comme sur celui servi par les établissements financiers sur leurs réserves auprès de la Banque centrale, (ce qui fait de la remontée du taux d’escompte un préalable, pour éviter tout arbitrage sur les liquidités Banque centrale). Enfin, Ben Bernanke a annoncé que les deux facilités de crédit exceptionnelles, le TAF (Term Auction Facility) et le TALF (Term Asset-backed Securities Loan Facility) seront bientôt supprimées. Il a ajouté que ces décisions ne devraient pas entraîner de durcissement des conditions de crédit pour les ménages et les entreprises, ni être interprétées comme un changement de cap monétaire depuis le FOMC de janvier.