par Christophe Foliot, Co-Directeur de la Gestion Actions chez Edmond de Rothschild Asset Management
Le mandat de Joe Biden à la tête des Etats-Unis a officiellement débuté le 20 janvier dernier. 100 jours plus tard, l’heure du tout premier bilan a sonné pour les marchés. Deux mots résument son action depuis sa prise de fonction : vitesse et précipitation.
Le 46ème président des Etats-Unis a donné le tempo d’une accélération sur tous les fronts. Tout d’abord, les marchés avaient anticipé un plan de relance massif, d’environ 1000 milliards de dollars, suite à la crise du Covid-19. Ils ont été décontenancés par l’ampleur du montant finalement acté le 10 mars dernier par le Congrès américain – 1900 milliards de dollars – grâce au seul soutien des Démocrates que Joe Biden a réussi à fédérer.
Ce plan de sauvetage de l’économie américaine vise la création de sept millions d’emplois cette année. Un grand nombre d’Américains recevront des chèques allant jusqu’à 1400 dollars par individu, tandis que les allocations chômage exceptionnelles vont être prolongées pour beaucoup d’entre eux. Ce plan de relance inédit devrait propulser la croissance du PIB à des niveaux jamais connus depuis les années Reagan. Le consensus anticipe une hausse de plus de 8% en 2021, la plus élevée depuis 1983. Peu d’opérateurs de marché encore en exercice aujourd’hui ont expérimenté une telle croissance outre-Atlantique.
L’administration Biden cherche à mettre à profit son capital politique pour faire passer à marche forcée d’autres grands plans, à l’image de celui sur les infrastructures, dévoilé fin mars et baptisé « Build Back Better ». Il atteindrait quelque 2000 milliards de dollars mais fait toujours l’objet d’âpres négociations.
Urgence climatique
En matière de politique environnementale, Joe Biden s’est empressé de signer toute une série de décrets présidentiels pour rompre avec l’ère Trump lors du « Climate day » fin janvier, quelques jours seulement après la cérémonie d’investiture. Les mesures annoncées ne sont pas nouvelles et sont en ligne avec les engagements de campagne. Cependant, la rapidité de ces annonces et la nouvelle approche « whole of government » sont la preuve d’une administration qui ne cherche pas seulement à revenir aux pratiques de l’ère Obama, mais qui donne une priorité bien plus importante au climat. Il figure d’ailleurs en 2ème position parmi les 7 priorités définies par la nouvelle équipe, juste derrière la gestion de la crise du Covid-19.
L’approche « whole of government », défendue par Joe Biden, plaide pour que le climat devienne une composante essentielle dans la prise de décisions politiques au niveau fédéral.
Les premiers marqueurs de cette approche relèvent de la création d’un bureau au sein de la Maison-Blanche chargé de coordonner la politique environnementale intérieure, et d’un poste d’envoyé spécial pour le climat à l’étranger. Le département du Trésor devra désormais intégrer les risques financiers liés au changement climatique et un coût social des émissions de gaz à effet de serre – potentiellement autour de $50/tonne – sera incorporé dans les prises de décisions des différentes agences fédérales.
Par ailleurs, les Etats-Unis ont réintégré l’Accord de Paris le 19 février dernier, tandis que Joe Biden a invité 40 personnalités au sommet des dirigeants sur le climat qu’il a organisé les 22 et 23 avril derniers. Les grandes puissances rassemblées autour de la table virtuelle représentent 80% des émissions mondiales. Le président américain a dévoilé à cette occasion un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre du pays de 50 à 52% en 2030 par rapport à 2005. La Chine, pour sa part, a confirmé viser une neutralité carbone d’ici 2060. Il s’agit d’une étape clé sur la voie de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26) qui se tiendra en novembre à Glasgow en Ecosse. La semaine précédente, les Etats-Unis avaient signé une déclaration commune avec leur principal adversaire stratégique, à savoir la Chine, en faveur d’une coopération pour affronter la crise climatique.
200 millions de doses de vaccin
Une fois de plus, Joe Biden a voulu frapper fort dans la gestion de la pandémie de Covid-19 aux Etats-Unis. La campagne de vaccination a débuté le 14 décembre durant la fin du mandat de Donald Trump et se déroule à marche forcée. Encore loin d’avoir gagné la bataille contre le coronavirus au vu du nombre de contaminations quotidiennes, le président américain a fixé l’objectif de 200 millions d’injections pour ses 100 premiers jours à la Maison Blanche, soit deux fois l’objectif initial de 100 millions atteint le 19 mars.
En termes de politique étrangère, Joe Biden a nommé Antony Blinken comme chef de la diplomatie américaine. Conseiller de Bill Clinton, secrétaire d’Etat adjoint sous Barack Obama, il assure la continuité de relations tendues avec la Chine. Pékin et Washington ont mené de premières discussions glaciales le 18 mars dernier en Alaska. En revanche, la situation évolue concernant le nucléaire iranien. Les Etats-Unis sont entrés en négociation à Vienne en vue d’un retour dans l’accord qu’ils avaient quitté unilatéralement en 2018. Par ailleurs, la nouvelle administration affiche sa volonté de se rapprocher de ses alliés européens, notamment à travers l’annonce de la suspension début mars pour quatre mois des droits de douanes appliqués dans le cadre du litige Boeing/Airbus, pénalisant particulièrement les viticulteurs français.
L’ampleur des plans de relance proposés par Joe Biden aura marqué les esprits au cours des 100 premiers jours de sa mandature. Les secteurs cycliques ont clairement bénéficié du soutien massif à une reprise d’activité vigoureuse au cours des prochains trimestres. Au regard des montants en jeu, les investisseurs craignent toutefois une surchauffe de l’économie conduisant à une hausse de l’inflation, obligeant la Fed à réviser sa politique accommodante. Un exercice d’équilibriste attend les autorités politiques et monétaires au cours des prochains mois. Un exercice que les marchés observeront avec la plus grande attention.