par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
Le plan de soutien à la Grèce annoncé début mai n’a pas (encore) eu tous les effets favorables escomptés. En outre, la contagion qui s’est manifestée sur la signature des Etats, matérialisée par de fortes hausses des rendements au Portugal, en Espagne (mais également en Irlande et en Italie), a fini par toucher les marchés boursiers.
Certes, ces pays ne présentent pas des situations homogènes, que ce soit en termes de niveaux actuels de déficits et de dettes, de besoin de refinancement, et, enfin et surtout, de track record en matière de consolidation budgétaire (l’Espagne et l’Irlande ayant les meilleurs états de service à cet égard). Toutefois, ils souffrent de faiblesses structurelles, ce qui alimente les doutes des marchés financiers sur leur capacité à stabiliser leur endettement au cours des deux ou trois prochaines années.
Au-delà des spéculations quant à une restructuration ou un rééchelonnement de la dette grecque au delà de l’horizon couvert par le plan de sauvetage, les marchés testent la détermination des pays membres de la zone euro.
Il est indispensable que le programme d’assainissement budgétaire grec reste crédible alors même qu’il aura de très lourdes conséquences en matière de croissance et d’emploi et que les craintes d’une restructuration ou d’un rééchelonnement de la dette hellénique au-delà de l’horizon couvert par le plan de sauvetage vont probablement persister.
En début de semaine, la BCE a annoncé qu’elle accepterait désormais les titres souverains grecs, quelle que soit leur notation, en nantissement de ses opérations de refinancement1. En revanche, aucun pas supplémentaire n’a été franchi lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de jeudi. Toutefois, compte tenu des circonstances actuelles, un geste supplémentaire de la BCE pourrait être envisagé, qu’il prenne de nouveau la forme de repos d’une durée supérieure à trois mois et/ou qu’il se traduise par l’achat de titres souverains. La Banque centrale reste pour l’instant réticente à ces options. Lors de la conférence de presse qui suivait la réunion du conseil des gouverneurs de jeudi, M. Trichet a précisé que le Conseil n’avait pas discuté l’achat direct de titres de dette souveraine et a réaffirmé la volonté de la BCE de poursuivre un retrait « progressif » des mesures non conventionnelles de prêt. Il est vrai que l’achat de titres d’Etat par la BCE poserait des problèmes tant opérationnels qu’institutionnels : quels titres, pour quels montants et quelles maturités, à quel moment les recéder au marché, enfin et surtout, quelle incidence sur la crédibilité de la politique monétaire par la suite…
Enfin, il est hautement souhaitable que cette crise conduise à une vraie amélioration du Pacte de Stabilité et de Croissance en matière de surveillance : déséquilibres de transactions courantes, niveaux d’endettement privé et écarts de compétitivité doivent être suivis attentivement, la crise ayant montré qu’ils se traduisent très aisément par une détérioration des finances publiques.
La baisse de l’euro devrait se poursuivre, dans ce contexte très incertain. En outre, les développements macro-économiques ne devraient pas être d’un grand secours. Le PIB ne devrait avoir progressé que modestement au T1 2010 (+0,1% t/t), en grande partie à cause des mauvaises conditions climatiques qui ont perturbé l’activité en Allemagne au début de l’année2. Et pourraient se traduire par un recul du PIB outre-Rhin par rapport au trimestre précédent. Rappelons, que selon la première estimation, le PIB américain a progressé de 3,2% en rythme trimestriel annualisé. La reprise américaine continue de s’affermir, comme en témoignent les dernières enquêtes ISM. Dans le secteur manufacturier (indice synthétique à 60,4 en avril), les directeurs d’achat jugent l’activité au plus haut depuis juin 2004. Par ailleurs, dans le reste de l’économie, la croissance reste robuste. Enfin, pour le deuxième mois consécutif, l’économie américaine a créé des emplois en avril (+290k). Au total, la parité EUR/USD pourrait passer sous 1,25, à un horizon relativement proche.
Si ce n’étaient les circonstances qui conduisent à la chute de l’euro, on pourrait se réjouir de l’affaiblissement de la monnaie unique, qui constitue une bonne nouvelle pour les entreprises exportatrices de la zone euro. Rappelons que près de 60% des exportations allemandes sont destinés aux marchés hors zone euro, la proportion étant d’environ 55% pour la France… et de près des deux tiers pour la Grèce.
NOTES
1 Pour les autres membres de la zone euro, les titres doivent toujours bénéficer d’une notation de niveau BBB- par au moins une grande agence internationale (contre A- avant octobre 2008).
2 En revanche, au vu des dernières données de production (+4% m/m en mars), le PIB allemand pourrait progresser solidement au T2.