par Stéphane Déo, Directeur stratégie marchés chez Ostrum AM
Beaucoup de commentaires expliquent que les dynamiques d’inflation sont différentes d’un pays à l’autre. Cette vue ne résiste pas vraiment à l’analyse : une très grande partie de l’inflation est commune à tous les pays de l’OCDE. C’est donc vrai aussi pour les attentes de marché. Les niveaux actuels ont une implication importante en termes de déformation de la prime de risque.
Tous ensemble
Le graphique ci-dessous utilise les données harmonisées de l’OCDE, afin d’avoir des mesures d’inflation comparables. Il fournit une photo de l’inflation dans 9 pays de l’OCDE. L’ensemble de ces pays possèdent des obligations indexées sur l’inflation, et donc présentent un intérêt directpour l’investisseur. Dans tous les cas, sauf l’Australie, le dernier chiffre d’inflation est au plus haut historique depuis 2000.
Toutefois la situation singulière actuelle ne doit pas cacher le fait que, de manière générale, les mouvements de l’inflation, pour les 9 pays considérés, ont une forte tendance à être corrélés. Comme le montre le graphique ci-après. Les cycles d’inflation semblent très proches pour tous les pays.
Coïncidence ? Une partie importante de ce rebond de l’inflation est évidement lié à la progression très rapide des cours des matières premières, très largement mondialisées et qui donc ont un impact simultané sur l’ensemble des pays. Toujours en utilisant les données OCDE, on trouve effectivement que l’indice des prix industriels (PPI), très dépendant des matières premières, explique presque la moitié des variations de l’indice des prix à la consommation (CPI).
Toutefois la situation singulière actuelle ne doit pas cacher le fait que, de manière générale, les mouvements de l’inflation, pour les 9 pays considérés, ont une forte tendance à être corrélés. Comme le montre le graphique ci-après. Les cycles d’inflation semblent très proches pour tous les pays.
Nous avons fait un pas de plus et calculé la corrélation sur la période des indices nationaux à la moyenne de l’OCDE. Ces corrélations peuvent être vues come la partie de l’inflation d’un pays influencée par la composante commune internationale. Dans la totalité des cas (une fois de plus, saufl’Australie) la corrélation est supérieure à 80 %, ce qui implique que les 4/5 de la trajectoire reflètent des effets communs.
Ce résultat est important. D’une part, parce qu’il montre que les différences prétendues, par exemple entre les États-Unis et l’Europe, ne tiennent pas vraiment. Il est normal de trouver une évolution proche dans les deux cas. D’autre part, parce que l’investisseur doit donc avoir une perspectiveplus générale et une approche globale du phénomène.
Similaire pour le marché
Ci-dessous, nous nous concentrons sur 6 pays qui possèdent un marché d’inflation swap. Ceci permet de comparer des produits financiers équivalents et qui ont une maturité constante, en l’espèce 10 ans.
Si les mouvements communs sont, là aussi, évidents, le résultat est moins clair que dans le graphique ci-dessus sur les niveaux d’inflation. Et effectivement, les corrélations avec la moyenne des 6 pays est plus faible. C’est, en particulier, le cas du Royaume-Uni, où la référence pourl’inflation, le Retail Price Index (RPI) crée une décorrélation.
Les marchés actions n’aiment pas
On assiste donc à une stabilisation des attentes d’inflation à un niveau élevé. Ceci a aussi des implications pour la dynamique des actions.
Le « modèle de la Fed » (qui porte ce nom pour des raisons mystérieuses puisque la Fed ne l‘a jamais validé) repose sur l’idée qu’une hausse des taux entraîne une baisse des actions. On peut mentionner plusieurs mécanismes qui expliquent cela, en particulier le fait qu’une hausse des tauxentraîne un taux d’actualisation plus élevé des bénéfices futurs, et donc une valorisation plus basse des actions. L’implication est une corrélation négative entre les taux et les actions.
Le graphique ci-dessous montre que cela a bien été le cas jusqu’en 2000, mais que ce n’est plus du tout le cas depuis. Un résultat plutôt sympathique, car les actions et les taux ont donc eu tendance à bouger dans la même direction depuis 20 ans.
Mais pourquoi ce changement de régime en 2000 ? Une raison que l’on peut invoquer est l’inflation, comme l’illustre le graphique qui suit. Lorsque l’inflation est faible, les hausses de taux ne sont pas problématiques pour la Bourse, alors que dans des périodes d’inflation importantes, c’est l’inverse. Une inflation élevée, c’est aussi une Banque centrale qui réagit (comme à l’heure actuelle) et la remontée des taux est bel et bien assimilée à un resserrement des conditions financières. Au détriment des actifs risqués.
Le résultat est une situation inédite depuis 2000 comme le montre le graphique ci-dessous. On compte 6 corrections boursières majeures depuis cette date, toutes de plus de 10%. Sur les cinq premières, la correction s’est accompagnée d’une baisse des taux importante, et donc un portefeuille Treasury standard fournissait une diversification intéressante pour l’investisseur.
Ce n’est plus le cas. À l’heure actuelle, le drawdown du S&P 500 est de 12,4 %, perte depuis le dernier plus haut enregistré au tout début de l’année. Sur la même période, un portefeuille Treasury a perdu 8,9%. Plus de diversification, mais au contraire une recorrélation.
Conclusion
L’inflation est surtout, et avant tout, un phénomène global. En cela, la remontée actuelle de l’inflation offre un terrain de jeux assez vaste pour l’investisseur. Puisqu’il existe des produits de taux indexés sur l’inflation dans plus d’une douzaine de pays dans le monde. En même temps, environ un cinquième de l’inflation de chaque pays est décorrélé de la tendance mondiale, ce qui fournit des opportunités de diversification très pertinentes pour un investisseur.
En contrepartie, cette tendance à la pérennisation d’une inflation élevée est une mauvaise nouvelle pour les actions. En particulier, les actions deviennent particulièrement vulnérables à une hausse des taux. Et donc, la diversification taux-actions que nous avons connue depuis deux décennies est probablement caduque.