par Patrick de Fraguier, stratégiste chez Amundi Asset Management
Les derniers chiffres publiés sont quelque peu plus mitigés (ventes de détail, inflation, production industrielle, indice de la Fed de Philadelphie..) et incitent quelques observateurs à s’interroger sur la pérennité de la reprise. Ainsi, refait surface le débat sur la relance, la reprise, la rigueur et le risque. Pour rester dans la litanie des mots en « r » il faut bien évidemment mentionner le ralentissement naturel du momentum de croissance et le regain de compétitivité externe via la monnaie.
La décélération attendue de la reprise −ou le tassement comme diraient certains−, touche les différentes composantes tant avancées que coïncidentes ou retardées, notamment de la confiance au marché de l’emploi en passant par les indices ISM, les intentions d’achat et les ventes de logements. La croissance mondiale semble devoir se rapprocher de son rythme de croisière mais avec un « potentiel » révisé en baisse pour les pays développés. Les récentes minutes de la Fed ont apporté de l’eau au moulin grâce à des éléments complémentaires, d’une part, sur sa perception de l’économie (un autre stimulus serait-il nécessaire ?) et, d’autre part, à nouveau sur « l’exit strategy » (normalisation de la taille et de la structure de son bilan).
Difficile réconciliation macro/micro
Le début de la saison des publications des résultats des entreprises du T2-2010 aux USA a progressivement capté l’attention des marchés. A cette occasion, les investisseurs vont réaliser pour certains et voir se confirmer pour d’autres l’impact favorable de la reprise conjoncturelle et des ajustements par les entreprises non seulement sur la croissance des chiffres d’affaires mais aussi sur la qualité optimisée des résultats. D’où un soutien, si ce n’est un catalyseur, pour les indices boursiers dans cette phase du processus cyclique de convergence « top down – bottom up ». Cette répercussion positive de l’ajustement des coûts sera complétée par les effets devises pour les entreprises européennes exportatrices : la mesure d’élasticité classique fait ressortir qu’une variation de 10% de la parité €/$ entraîne une hausse initiale de 4% des BPA.
La saison des résultats américains du T2 a commencé très fort avec grand nombre de publications au-dessus des attentes du consensus, comme par exemple Intel qui a reporté ses plus fortes ventes trimestrielles en 42 ans d’existence. Ces chiffres révèlent un rebond de la croissance chinoise et européenne ainsi que des perspectives sur les revenus et les marges supérieures aux prévisions.
Le T2 devrait donc être de bonne facture (base de comparaison n-1 aidant) après un T1 qui avait pourtant déjà délivré un taux très élevé de bonnes surprises. Ici, comme pour les indicateurs macro (IfO par exemple), il faudra, afin de pouvoir poursuivre la tendance, distinguer et analyser l’écart entre la publication sur la situation actuelle et la dynamique retrouvée des « guidances ».
Comment analyser les stress tests bancaires euro ?
Avec une approche presque parallèle à la situation américaine de l’année dernière et sa contribution à la normalisation des marchés financiers, trois questions se posent sur la mesure de résistance, quasi systémique, de la solvabilité/liquidité des banques européennes.
Tout d’abord sur la méthodologie. Notamment sur les hypothèses injectées dans les modèles de simulation : croissance, inflation, chômage, montant des dépréciations cumulées sur les prêts aux particuliers et entreprises, provisions pour pertes de crédit sectoriel (immobilier commercial par exemple), « hair cut » sur les dettes souveraines (5, 10 ou 30%).
Puis sur la publication des résultats en fonction de scénario central ou extrême : condition nécessaire mais pas forcément suffisante pour stabiliser les anticipations de croissance et la capacité d’offre de crédit et pour rassurer sur la robustesses/vulnérabilité et les perspectives de rentabilité du secteur bancaire qui pèse entre 17% et 22% dans les indices.
Enfin, concernant l’impact sur les marchés : la publication des résultats et le calcul implicite des nécessaires besoins de recapitalisation ne seront pas suffisants à provoquer le débouclement rapide des positions de refuge ou de fuite vers la qualité.
Malgré l’objectif initial de stabilisation des marchés, l’interprétation des résultats pourrait être encore génératrice de doutes : soit les besoins sont moins grands alors des questions se poseront sur la pertinence/crédibilité, soit les injections de capital sont trop élevées et l’on renouera alors avec la boucle négative sur certains pays.
Les annonces effectuées par le CEBS ont apaisé quelques craintes (pertinence des stress tests) mais qu’en sera-t-il pour les assureurs ? Les résultats européens sont attendus pour le 23 juillet. En 2009, dans l’attente de leurs stress tests, les banques américaines ont gagné 82%, surperformant le S&P de 62%. Nous ne pensons pas que cela se produira en Europe, principalement en raison des valorisations initiales de 0,5x P/B pour les banques américaines contre 1,0x P/B pour les banques européennes actuellement.
Si à court terme les marchés sont focalisés sur deux sujets micro-économiques (stress tests bancaires européens et résultats des entreprises au T2), les problématiques de moyen terme restent encore la toile de fond : le ralentissement naturel à ce moment du cycle et l’assainissement des finances publiques des pays développés. Comment réconcilier cela et lever les incertitudes ? Le momentum et la dynamique, sans parler de la « dérivée seconde », incitent à ne conserver qu’un biais raisonnablement positif sur la direction des marchés mais aussi à confirmer l’importance des stratégies dites d’arbitrage (valeur relative, volatilité) qui profitent des taux bas mais surtout de la dispersion des mouvements de cours.