Chine : un paysage boursier plus rose à partir de l’été ?

par Luca Silipo et Bei Xu, économistes chez Natixis

La Bourse chinoise a enregistré la pire performance parmi les principaux marchés du monde en cette première moitié de l'année à cause des mesures restrictives de liquidité et du marché immobilier. Nous pensons qu'un scénario pire ne devrait pas arriver pour le reste de l'année, et qu'il est même fort probable qu'on assiste à un retournement de tendance cet été. D'une part, sur le plan macroéconomique, le marché devra corriger ses anticipations trop pessimistes sur l’économie chinoise, le soft landing de la croissance nous permet de croire qu’il n'y aura pas davantage de mesures restrictives ; d'autre part, un PER presque historiquement bas et meilleures conditions de liquidité renforcent notre thèse d’un paysage plus rose sur la Bourse chinoise.

La Bourse chinoise est parmi les principaux marchés du monde celle ayant enregistré le moins de performance depuis le début 2010. En effet, dès le début de l'année, les marchés de Shanghai et de Shenzhen ont commencé une phase de baisse quasi continue pour perdre plus de 20% jusqu’à aujourd’hui. Si la baisse entamée en janvier est expliquée par 3 hausses de taux de réserves obligatoires et les restrictions de quantité de crédit, une baisse plus marquée et plus profonde à partir d'avril est liée aux mesures de régulation du marché immobilier.

Autrement dit, les principales causes de la mauvaise performance boursière de la première moitié de l'année sont le resserrement de liquidité dans un contexte de hausse d'inflation et les incertitudes de croissance macroéconomique liées à la volonté ferme des autorités de réguler le marché immobilier sachant que le secteur représente 6,6% de PIB avec 60 secteurs directement concernés par son développement.

Nous pensons qu'un scénario pire ne devrait pas arriver pour le reste de l'année, et qu'il est fort probable qu'on assiste à un retournement de tendance cet été.

1. Le marché devrait corriger ses anticipations trop pessimistes sur l’économie chinoise. Comme nous le disions ci-dessus, la baisse reflétait une crainte quasi généralisée venant du marché concernant le risque de stagflation en Chine avec une inflation élevée et une croissance économique très faible (par rapport au rythme habituel de la Chine). 

Or ces anticipations trop pessimistes ont été « démenties » par les dernières publications statistiques. En effet, comme nous l’anticipions depuis le début de l’année, l’inflation est toujours le contrôle : le taux d'inflation est passé sous la barre de 3% en juin et l’indice de prix à la consommation baisse d’ailleurs en glissement mensuel depuis presque 4 mois. Ces évolutions récentes montrent que la réalisation de l’objectif de 3% d’inflation est tout à fait possible et nous maintenons d’ailleurs nos prévisions d’inflation faible à 3% en 2010.

Quant au risque de hard landing dont le marché s’inquiétait, et que nous ne croyions pas1, le PIB du 2ème trimestre 2010 a effectivement enregistré un ralentissement par rapport au 1er trimestre (le taux de croissance du PIB chinois est passé de 11,9% au T1 à 10,3% au T2 en glissement annuel), mais il s’agit d’un ralentissement lié à un moindre effet de base et surtout à un soft landing au lieu d’un hard landing. Les ventes au détail restent très dynamiques, la baisse de la production industrielle est expliquée par l’élimination de surcapacité de production, la baisse de l’investissement est liée à l’achèvement progressif de plan de relance. Tous ces indicateurs nous montrent que l’économie chinoise est en train de se retrouver sur une trajectoire de croissance plus équilibrée avec un rythme plus raisonnable2.

Les statistiques récentes permettent donc de justifier cette thèse de soft landing. Au moment où le marché va corriger ses anticipations trop pessimistes sur l’économie chinoise, la Bourse va donc rebondir !

2. Il ne doit pas y avoir davantage de mesures restrictives que ce soit sur le marché immobilier ou le contrôle de liquidité. 

En ce qui concerne le marché immobilier, les transactions se sont fortement contractées suite à la mise en place des mesures restrictives, un premier effet de baisse de prix commence aussi à apparaître. En ce qui concerne le contrôle de liquidité, comme nous l’avons dit précédemment, l’inflation est sous le contrôle.

L’économie chinoise ayant déjà montré des signes de ralentissement voulu, davantage de politique restrictive est donc exclue. Ce qui signifie que la Bourse ayant déjà encaissé ces informations négatives ne devrait plus baisser.

Si le risque d'un ralentissement plus profond s'observe dans les semaines à venir – le pire scénario que nous croyons peu probable, il est possible que les autorités chinoises relâchent certaines mesures restrictives ou mènent un autre plan de relance économique afin de garantir forte croissance économique et création d'emplois. Dans ce cas-là, la Bourse chinoise qui réagit systématiquement aux politiques des autorités chinoises doit rebondir rapidement suite à ces bonnes nouvelles.

3. Le PE du marché boursier chinois est quasi historiquement bas aujourd'hui. Ils sont respectivement 18 et 31 pour Shanghai et Shenzhen.

4. La liquidité du marché ne sera pas moindre que la première moitié de l'année.

La création monétaire en Chine a pour origine interne et externe. Le crédit domestique en constitue essentiellement l'origine interne. Si l'objectif de nouveaux crédits est d'entre 7000 et 7500 milliards de Yuans en 2010, il reste encoreentre 400 et 470 milliards par mois pour les 6 mois restant. Ce qui permet une création de liquidité relativement comparable qu'aux 6 premiers mois.

Quant à l'origine externe, il s'agit des achats de devises ayant pour contre partie la création monétaire. Compte tenu de la balance courante demeurant excédentaire, de la volonté de la PBoC de maintenir la valeur du RMB à un niveau plutôt stable par rapport à un panier de monnaies dans un contexte de pression à l'appréciation effective et de liquidité internationale abondante, la position d'achat de devises restera une source importante de création monétaire en Chine.

Les conditions de liquidité globale ne sont donc pas défavorables. Mais encore faut-il que les investisseurs entrent sur le marché ! Si nous utilisons le passif des instituions de dépôts détenu par les autres institutions financières comme un indicateur de liquidité sur le marché boursier (autrement dit les dépôts des autres institutions financières auprès des banques), nous constatons plutôt des retraits de liquidité sur les derniers mois.

En effet, ceci dépend de la confiance des investisseurs notamment des investisseurs institutionnels. Le taux d'intérêt de dépôts restera longtemps négatif, le marché obligataire est très peu profond, le prix du marché immobilier en baisse et son évolution future reste incertaine, QDII1 est encore très limité. Dans cet environnement d'insuffisance d'opportunité d'investissement, avec des facteurs plutôt favorables cités précédemment, nous pensons qu'il y aura bientôt le retour de liquidité sur la Bourse chinoise.

Conclusion

Pour les 5 mois à venir, la performance de la Bourse chinoise ne devra pas être pire que la première moitié de l'année. Il sera même fort probable qu'elle reparte à la hausse prochainement.

NOTES

  1. SASAC, State-owned Assets Supervision and Administration Commission of the State Council est l'autorité gérante des entreprises publiques.
  2. CBRC, China Banking Regulatory Commission est l'autorité de régulation du système bancaire.
  3. MOHURD, Ministry of Housing and Urban-Rural Development.
  4. Notre prévision de croissance pour l’économie chinoise est relevé jusqu’à 10,2% pour l’année 2010 depuis avril.
  5. Voir la note mensuelle de juin 2010 « Hard landing ou soft landing ».
  6. QDII, Qualified Domestic Institutional Investors sont les seuls investisseurs chinois ayant droit d'investir à l'étranger.

Retrouvez les études économiques de Natixis