par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
En cette période préélectorale agitée – les démocrates pourraient perdre leur majorité dans les deux chambres lors des élections de mi-mandat en novembre prochain (renouvellement total de la Chambre des représentants et d’un tiers du Sénat)- et confronté au ralentissement de la croissance, Barack Obama a annoncé mercredi 8 septembre de nouvelles mesures de soutien à l’économie. Elles s’articulent autour de trois grands axes :
- Un plan de 50 Md$ pour de nouvelles dépenses d’infrastructures ;
- Une extension pour un horizon de 10 ans du crédit d’impôt pour la Recherche et Développement ;
- Un amortissement total des investissements productifs dès la première année jusqu’à fin 2011 qui représenterait un manque à gagner pour les recettes fiscales de 200Md$ sur deux ans mais de 30Md$ sur dix ans.
Avant de discuter l’impact de ces mesures, il nous semble important de préciser qu’il est loin d’être sûr que ces propositions deviennent lois. En effet, face aux fortes critiques concernant l’ampleur du déficit budgétaire, certains démocrates pourraient être réticents à voter de nouvelles dépenses. C’est en particulier le plan de 50 Md$ de dépenses d’infrastructures qui pourrait rencontrer le plus de difficultés à être voté. Les obstacles devraient être un peu moins importants pour l’extension du crédit d’impôt pour la R&D et l’amortissement accéléré du capital.
Dans l’hypothèse où ces propositions seraient votées, nous pensons que leur impact sur la croissance sera faible et qu’elles ne permettront pas de relancer la croissance américaine.
- L’extension du crédit d’impôt pour la R&D n’aura qu’un effet limité. En effet, ce crédit d’impôt, qui avait expiré fin 2009, est une mesure qui existe depuis de nombreuses années et qui était reconduite tous les ans par le Congrès. Sa reconduction est une bonne nouvelle mais elle ne devrait pas modifier sensiblement les anticipations des entreprises. Par ailleurs, l’augmentation du montant de 8 à 10 Md$ par an peut être considérée comme marginale.
- L’amortissement accéléré du capital (à hauteur de 100%) jusque fin 2011 pourrait avoir un impact positif fin 2011 avant son extinction, avec l’effet d’aubaine sous-jacent. Les entreprises pourraient alors anticiper leurs dépenses d’investissement de 2012 pour profiter de la mesure mais il faudrait alors s’attendre à un contre choc début 2012. Nous ne croyons pas que cette mesure pourrait stimuler durablement l’investissement, en raison de la faiblesse des perspectives de demande et d’un niveau très bas du taux d’utilisation des capacités qui reste bien en deçà du niveau de long-terme, impliquant un faible besoin d’investissement en capacité. L’impact est également amoindri par le fait qu’il existait déjà un amortissement accéléré du capital de 50% depuis 2008 et par le fait que les taux d’intérêt sont très faibles (ce qui atténue l’effet d'aubaine).
- Ce sont les dépenses d’infrastructure qui ont potentiellement l’impact le plus important sur la croissance. En prenant un multiplicateur budgétaire de 1 (hypothèse conservatrice), les dépenses d’infrastructures pourraient avoir un impact de l’ordre de 0,2 pt de PIB sur la croissance sur les deux années à venir. Par ailleurs, B. Obama a bien précisé que ces mesures seraient neutres fiscalement, financées par une hausse d’autres impôts (niches fiscales), ce qui amoindrirait vraisemblablement l’effet positif de ces mesures. Au total, il ne faut probablement pas s’attendre à des effets miraculeux sur la croissance des annonces récentes. Nous continuons de penser que, confrontée à l’absence de levier du coté de la politique budgétaire, la Réserve Fédérale va être obligée de prendre de nouvelles mesures de politique quantitative. Malgré des commentaires moins favorables dans le dernier Beige Book, mettant en avant la décélération de la croissance au cours de l’été, il nous semble plus probable que la Fed attende encore avant de faire de nouvelles annonces, lors du FOMC du 21 septembre prochain.